De la farine sur le visage, des gris-gris attachés au corps, des flèches et des armes à feux, le goût du sang et du feu: les déplacés qui ont fui les miliciens Bakata-Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo, dressent un portrait sombre de leurs agresseurs.
"On les voyait arriver avec des flèches et des armes", raconte Kalongo Musonda, 46 ans, dans le camp de Kipeto, dans la province du Katanga. "Ils venaient en chantant", mime-t-il en tapant sur sa bouche par intermittence, laissant échappant un son aigu.
"Ils avaient des culottes déchirées et avaient poudré leur visage avec de la farine. Ils avaient des cordes sur le bras où étaient attachées des fétiches", renchérit Ghislaine Kibombe, une déplacée de 37 ans qui enseigne dans l'école du camp de Kipeto (à cinquante kilomètres au nord-ouest de Pweto), où étudient 150 enfants, dont 62 déplacés.
Les gris-gris, Kasongo Tshombe n'y croit guère. "Ils portent des gris-gris pour faire semblant: quand la mort a sonné, les médicaments ne sont pas une parade", explique ce relais communautaire de 49 ans travaillant dans le camp de Mwashi, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Pweto.
Les maï-maï Bakata Katanga demandent l'indépendance du Katanga tout en réclamant une meilleure répartition des richesses entre le nord, déshérité, de la province et le sud, poumon économique du pays avec ses grandes mines de cuivre.
Depuis 2012, ces rebelles sèment la désolation dans le "Triangle de la mort", vaste territoire dont Pweto est l'un des sommets et où, selon l'ONU, ils multiplient meurtres, viols, pillages et incendies d'habitations ou de villages entiers.
Ghislaine ne comprend pas comment "un groupe de civils pas lourdement armés" aient pu les "dépouiller de tout" ce qu'ils avaient, et que l'armée - qui n'avait pas de position proche à l'époque - soit venue "en retard, après qu'ils avaient tout détruit".
"Nous avons vu des scènes atroces: j'ai vu mon beau-frère abattu et on l'a décapité, comme ça!", raconte M. Tshombe, encore très choqué.
'On va vous brûler!'
Sur la route de Kakolona, à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Pweto, on croise quelques villages avec des ruines de maisons en briques incendiées par les rebelles. A Kakolona même, à côté de restes de maisons, des déplacés rentrés d'exil se sont réinstallés.
"Entre janvier et octobre, 75 villages et 4.690 maisons ont été incendiés dans le territoire de Pweto. (...) Il y a un groupe qui ne fait que les vols et les extorsions, les autres ne font que les incendies", déclare Jean-Pierre Ruti Mutembera, un des responsables de l'ONG International Emergency and Development Aid à Pweto.
"Ils arrivent brusquement. Ils vous disent: +Vous ne voulez pas adhérer à notre mouvement? On va vous brûler!+. Les Bakata ont brûlé les maisons et frappé les hommes, et les enfants aussi. Ils ont brûlé le dispensaire, le poste de santé, les écoles", raconte Marie-Louise Ngoy, maîtresse de l'école du camp de Mwashi.
Qui sont ces miliciens? "Ce sont nos frères, nos oncles, nos cousins qui n'ont pas été à l'école et qui sont partis s'enrôler", estime M. Tshombe, qui a créé une association pour prévenir une telle dérive, alors que de nombreux déplacés ne peuvent payer les deux dollars mensuels de frais de scolarité par enfant.
A Kakolona, les militaires ont une petite position. Si la situation reste calme, explique le lieutenant, il est possible que la hiérarchie leur demande de partir.
Cette perspective inquiète les déplacés. "S'ils demandent aux soldats de partir, dit Kadjiba Katombo, les maï-maï sauront qu'il n'y a plus de militaires et ça retombera sur nos têtes..."