QUESTION ORALE DU SÉNATEUR MOKONDA À MATATA - LES RÉVÉLATIONS DU PROF MUKENDI

Lundi 13 juin 2016 - 09:31
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C’est loin du Sénat, à la colline inspirée de l’Université de Kinshasa (Unikin), que la question orale avec débat du sénateur Mokonda au Premier ministre Matata a trouvé du répondant. C’est en scientifique que le prof Mukendi de la faculté des sciences économiques de l’Unikin cherche à rétablir la vérité tronquée. Une réflexion qui a l’avantage de donner plus de crédibilité à l’action de Matata. Intégralité.

 

 

La présente réflexion relève les contrevérités et la remise en cause systématique du Programme économique du gouvernement, et partant du régime actuel, qui sont ressorties de la conclusion de la question orale avec débat adressée au Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, par le sénateur Florentin Mokonda Bonza. A travers sa conclusion, ce sénateur s’est illustré par une analyse truffée d’affirmations fausses et non-conformes aux faits. Visiblement pour des fins politiciennes, au travers de ce qu’il a qualifié des préoccupations économiques, politiques et sociales de l’heure, le sénateur voulait s’essayer au vedettariat. Dans ce mémo, Mukendi Mulumba, professeur à la faculté des sciences économiques à l’Université de Kinshasa (Unikin) vient donc rétablir la vérité des faits. Car les faits sont têtus comme l’intéressé l’a si bien rappelé.

 

En évoquant le caractère précaire et hypothétique de la stabilité du cadre macroéconomique, d’une part, et d’autre part en justifiant l’évidence de la stabilité du Franc congolais pendant 4 ans, par : (i) la réduction du poids de la dette extérieure sur les finances publiques et la monnaie ; (ii) l’accroissement des transferts des devises vers la RDC ; (iv) la liquidation sélective et intéressée de la dette intérieure, etc., la conclusion du Sénateur soulève une contradiction technique et analytique flagrante.

 

Sur la précise question de la dette extérieure, comment le professeur Mokonda Bonza peut-il faire preuve d’amnésie pour oublier à souhait que la cogestion a laissé un lourd tribut de 14 milliards de dollars américains au pays, sans contreparties réelles ? Et que c’est à la faveur d’une rigoureuse gestion économique par le système Kabila - laquelle gestion a été approuvée par les institutions financières internationales -  que la RDC a pu bénéficier de l’effacement de 10 milliards de dollars américains. Ce qui a permis de libérer des espaces budgétaires sur base desquels des investissements tants sociaux qu’en infrastructures sont en train de se réaliser.

 

Cette contradiction devient plus frappante lorsque le sénateur indique qu’en 2012 en Occident, le programme de stabilisation a été sévèrement remis en cause dans le cadre du pacte européen, l’accent étant davantage placé sur la création d’emplois et le retour de création d’emplois. Il est important d’établir la différence entre la stabilisation et la stabilité. Le premier concept renvoie à un processus dynamique d’ajustement d’une variable lorsque celle-ci est dans un état de déviation par rapport à sa valeur d’équilibre de long terme. La stabilité, par contre, fait référence à une situation caractérisée par des déviations de faible amplitude d’une variable par rapport à son état d’équilibre.

 

Il est établi que le programme de stabilisation est un passage obligé pour des pays ayant connu d’importants dérapages de leur cadre macroéconomique. C’est le cas notamment de la Grèce, du Portugal, ou encore de l’Espagne. Si, entre 2003 et 2010, la RDC devrait observer un programme de stabilisation, après une accumulation des déficits budgétaires et extérieurs, sur fond d’un endettement excessif de plusieurs années, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

 

En réalité, ce qui est décrié aujourd'hui en Europe, ce sont les programmes d'austérité budgétaire. Ces derniers, dans se préoccuper des objectifs de croissance et de réduction de la pauvreté, visent à faire des coupes sombres dans les dépenses publiques juste pour respecter les critères de Maastrich de déficit/PIB de 3% et de la dette/PIB de 60%.  Dans le cas de la RDC entre 2002 et 2016, la stabilisation, à une politique d'allocation rigoureuse des dépenses publiques vers les secteurs sociaux et les investissements d'infrastructure,  a permis la baisse remarquable de l'inflation et  s'accompagne des taux de croissance élevés.

 

Au demeurant, les évidences empiriques attestent que les pays comme l’Allemagne, qui se sont imposés une discipline dans la conception et la mise en œuvre de leur politique budgétaire, comme c’est le cas en RDC actuellement, ont enregistré une amélioration sensible des conditions de vie de leurs populations. Il n’y a donc pas lieu de confondre stabilité et austérité. En optant pour la stabilité du cadre macroéconomique, dès 2001, le Chef de l’Etat avait fait le choix du plus grand nombre, contrairement à l’hyperinflation et l’hyper-dépréciation appauvrissantes de la deuxième République. Si la croissance constitue un mur pour l’économie, la stabilité en est la fondation. Il est dès lors économiquement faux et socialement insoutenable qu’une économie comme celle de la RDC, avec une forte mémoire inflationniste, puisse résister avec une inflation ouverte et permanente.

 

Lorsque le sénateur Mokonda soulève la problématique de la domination des étrangers dans le processus de création des richesses en RDC, il part d'une analyse tronquée entre le PIB (effort productif réalisé par les résidents nationaux et expatriés au cours d'une année) et le PNB (effort productif réalisé par les résidents et non résidents congolais au cours d'une année). En réalité, le PIB et le PNB réel se sont accrus, entre 2012 et 2015, respectivement de 7,4% et 7,01%. D'où, ce n'est pas seulement du fait des étrangers que la croissance augmente en RDC.

 

Par ailleurs, jugé irresponsable le fait de se référer aux années perdues de la deuxième République, et au même moment indiquer qu’en 1970, il y avait 2000 bus en circulation à Kinshasa, contre 1,2 million d’habitant ( soit une moyenne d’un bus pour 600 habitants), alors que pour une ville de 8 à 10 millions d’habitants aujourd’hui, les 500 bus de TRANSCO représentent 1 bus pour 16000 personnes, soulève la question de la qualité de management, qui est jugée dans la capacité à maintenir et/ou à améliorer les acquis !

 

Après avoir hérité de 2000 bus, quel a été le taux de progression d’une année à l’autre ? Combien des bus la deuxième République de Mokonda avait-elle ajoutés sur ce charroi hérité de la colonisation ? Le sénateur oublie qu'entre 1990 et 1997 marquant la fin de la deuxième république, le transport en commun était devenu le monopole des privés. La création de TRANSCO marque le retour de l'État dans le transport en commun. L'on est ainsi parti de 0 bus laissé par la deuxième république à 500 bus amenés par la troisième république.

 

La même question se pose quant aux préoccupations sur l’état dans lequel les aéronefs de la nouvelle compagnie nationale « Congo Airways » sont acquis. Ce, en comparaison avec l’ancienne compagnie « Air Zaïre ». Il est à rappeler qu’après avoir acquis des appareils neufs, aucun aéronef de plus n’avait été acheté jusqu’à la faillite et à la disparition de cette compagnie nationale du fait de la mauvaise gestion et de l'incurie caractérisées.

 

Le régime actuel n’a pas de leçon de gouvernance à revoir d’un homme qui a abandonné plus de vingt  concessions agricoles faute de capacité technique et managériale avérée – des concessions qu'il a héritées dans le cadre de la zaïrianisation de triste mémoire.

 

A la question de savoir, que vaut une création des richesses nationales sans une répartition équitable ? L’attention doit être attirée sur la différence, dans une phase de croissance, entre l’accumulation et la redistribution. Si dans la première phase d’accumulation, la redistribution se révèle logiquement faible au regard de la faiblesse du revenu initial, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu création des richesses ! Comment dès lors accélérer le processus d’accumulation, de manière à créer les conditions d’une meilleure redistribution ? C’est à cette question que le Sénateur aurait pu apporter une critique plus objective

 

Faudra-t-il rappeler que la création des richesses est essentiellement fonction de deux facteurs : le capital et le travail. Dans ce processus, la logique capitaliste voudrait que la part la plus importante du dividende rémunère le facteur qui domine le processus de production. Un tel déséquilibre ne peut être corrigé que sur fond des réformes que l’Etat est appelé à mettre en place. C’est ainsi que, sous l’impulsion du chef de l’Etat, un fonds de 10 millions de dollars,  sous forme revolving, destiné à appuyer les PME et PMI congolaises, vient d’être mis en place. Cette démarche vise justement à faire participer une frange importante des populations congolaises au processus d’accumulation, et ce faisant de redistribution des richesses. Encore faudra-il marteler que sans stabilité, sans croissance, cela ne peut être imaginé.

 

Il est nécessaire de rappeler qu’après une longue période de destruction de la richesse nationale, soit une moyenne annuelle de -5 %, suivi d’un accroissement démographique de l’ordre de 3% par an entre 1989 et 2001, requalifier les conditions de vie de la population prendra du temps. Il n’existe pas de rattrapage automatique après avoir touché le fond. Il apparaît donc techniquement faux et analytiquement incohérent d’établir une comparaison entre la situation socioéconomique de la Chine et celle de la RDC actuellement. Cette comparaison aurait été pertinente si les deux pays avaient les mêmes caractéristiques structurelles et si le point initial de comparaison considéré était le même pour les deux économies. Or, les faits démontrent que lorsque la Chine enregistrait des taux de croissance exceptionnellement élevés au cours de la décennie 90, la RDC était plongée dans une récession et une hyperinflation ravageuses, sous la gestion prédatrice des dirigeants de l’époque dont le sénateur Mokonda fait partie.

 

Le chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange a donc hérité, en 2001, d’un pays déchiré économiquement avec un tissu industriel totalement délabré. Dans ces conditions, comparer la RDC à la Chine, du point de vue socioéconomique, ne peut que relever de l’ironie ou du théâtre.

 

De même, en comparant la Côte d’Ivoire et la RDC, le Sénateur devrait se rappeler que le pays de Ouattara peut-être post-conflit, comme celui de Joseph Kabila, mais les violences postélectorales qu’a connues la Côte d’ivoire n’ont rien de comparaison avec la longue et triste période d’une gestion chaotique du régime de Mokonda ! En outre, les autorités ivoiriennes actuelles n’ont pas hérité d’un système de gestion aussi corrompu comme les autorités de la RDC.

 

Il sied de rappeler qu’en 1990, époque où le sénateur Mokonda était Directeur de cabinet à la Présidence de la République, l’indice du développement humain (IDH) était situé à 0,355 contre 0,433 en 2014. Cet indice composite atteste de l’amélioration de la qualité de vie des populations, notamment en termes d’éducation, de santé ou encore du revenu par tête. Ce résultat résulte d’une amélioration sensible des dépenses publiques dans ces secteurs. Quel était le taux de scolarisation en 1990 ?, quelle était l’espérance de vie pendant cette période ?, Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

Faut-il rappeler que c’est sous le chef de l’Etat Joseph Kabila Kabange, qu’un Professeur d’université, comme le sénateur Mokonda, qui touchait autrefois moins de 50 dollars par mois, est payé 2.000 dollars aujourd’hui ? Qu’en était-il à l’époque où le sénateur dirigeait le Cabinet du Maréchal Mobutu ? En quoi un enseignant à l’université tenait-il sa survie si ce n’est dans les activités champêtres (potagers et jardins) au niveau du plateau des professeurs ?

 

Le sénateur Mokonda Bonza refuse de voir ce que tous perçoivent. D’une armée paupérisée, clochardisée laissée par sa cogestion, la RDC s’est, heureusement, dotée de forces défense qui ont permis de défaire les M23 ; chose inimaginable dans la République d’alors. N’est-ce pas grâce au génie de stratège du Président Kabila ? N’en déplaise aux thuriféraires d’un système politique qui a gâché toutes les chances de ce pays, et que les autorités actuelles s’activent à rebâtir.

 

Il ressort clairement que le combat d’arrière-garde et perdu d’avance du sénateur Mokonda réside dans la nostalgie d’une certaine époque dont il rêve le retour. Les mythes de l’époque sont tombés et désacralisés par les performances économiques et sociales engrangées par la jeune génération actuelle aux affaires.

 

 

Prof Mukendi

 

Faculté des sciences économiques de l’Unikin

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