POUR UN RETOUR DES COMPAGNIES AÉRIENNES CONGOLAISES SUR LE MARCHÉ EUROPÉEN

Mercredi 14 janvier 2015 - 08:41

Lors de son discours prononcé le 15 décembre 2014 sur l’état de la nation devant les deux chambres du parlement réunies en Congrès, le Chef de l’Etat a évoqué nombreuses choses liées à l’actualité, notamment la création de la Compagnie nationale d’aviation dénommée "Congo Airways".

La Voix des Sans Voix pour les droits de l’homme (VSV) a organisé le 27 décembre 2014 une tribune contre la liquidation politique des Lignes aériennes congolaises (Lac). A cette occasion, plusieurs cadres des Lac, présents à la rencontre, ont demandé au Gouvernement de surseoir à sa décision de liquidation, soit de payer les indemnités de sortie des agents. Ils ont estimé que la nouvelle compagnie que l’Etat vient de créer, Congo Airways, et l’ancienne compagnie peuvent coexister sans que l’une ne gêne l’autre, au lieu de partir du néant.
« En ma qualité de technicien, cette question de l’aviation civile ne me laisse pas indifférent ». 
D’emblée, il convient de noter que la Commission européenne a publié, le 10 avril 2014, la dernière mise à jour de la liste des compagnies aériennes interdites dans l’Union européenne (UE). La " liste noire " de l’UE (à savoir la liste communautaire des transporteurs aériens qui font l’objet d’une exploitation dans la Communauté est une liste de compagnies aériennes auxquelles la Commission a décidé d’imposer une interdiction d’exploitation dans l’UE pour non-respect des normes internationales. La Commission établit deux listes : la 1ère liste énumère les compagnies aériennes dont l’exploitation est totalement interdite dans l’UE, la 2ème répertorie les compagnies aériennes dont l’exploitation dans l’UE n’est autorisée que sous certaines conditions. Pour 15 pays, tous les transporteurs aériens connus font l’objet d’une interdiction totale d’exploitation dans l’UE notamment la RDC.
La Compagnie aérienne nationale de la RDC, Lac (Lignes aériennes congolaises) a célébré en juin 2014 ses cinquante-trois ans. Créée en 1961, elle a été l’une des grandes compagnies du continent jusqu’à sombrer totalement, à tel point qu’aujourd’hui beaucoup de gens sont persuadés qu’elle n’existe plus. 
A ce jour, aucun avion battant pavillon de la RDC ne foule plus le sol de l’Europe alors que les compagnies des pays comme la République du Congo (Equatorial Congo Airlines "Ecair "), le Royaume de Maroc (Royal Air Maroc), la République d’Ethiopie (Ethiopians Airlines), pour ne citer que celles-là font de navettes régulières sans problème majeur.
Les compagnies aériennes congolaises se limitent à survoler le sol congolais et quelques pays africains notamment l’Afrique du Sud. Le bilan des crashs enregistrés est l’un de plus lourd du continent africain pourquoi pas du monde. Les avions locaux sont parfois qualifiés de cercueils volants.
La RDC a vocation de reconquérir le marché de l’Afrique et de reste du monde. Mais pour y parvenir, les autorités congolaises doivent mettre en place un véritable plan d’action avec objectif inscrit dans une durée minimum de 10 ans pour le retour de la Compagnie aérienne nationale Congolaise, sur ce marché.
Mais préalablement à ce retour, l’autorité de l’aviation civile doit d’abord assainir le marché local. A l’instar de l’interdiction d’importation des véhicules vieux de plus de 10 ans, il devra être interdit l’achat des aéronefs d’une certaine durée de vie et d’un certain type.
Il convient d’analyser les causes de crashs en République Démocratique du Congo. Les accidents d’avions sont fréquents à causes notamment mauvaise maintenance, manque d’entretien, de surcharge des aéronefs. Beaucoup de compagnies aériennes congolaises ne respectent pas de procédures de maintenance des avions par manque de matériel et pièces de rechange. Au lieu de commander afin changer une pièce, l’ancienne pièce est tout simplement nettoyée et remise à sa place. Certains propriétaires des avions ou de compagnies d’avions recourent à cette méthode qui leur permet de gagner beaucoup d’argent en évitant l’achat de nouvelles pièces qui coutent chères. Les avions sont surchargés sans respecter le MTO charge maximum au décollage. Beaucoup des pilotes soufrent au décollage des avions pour atteindre la vitesse de décollage qui s’appelle (V1). 
En plus, les techniciens d’avions sont mal payés avec une fiche de paie insignifiante. Ils sont sans moyens de transport, pas de prise en charge médicale pour eux-mêmes et leurs familles. La corruption bat son plein en République Démocratique du Congo. 
A titre d’exemple, vous trouverez des individus qui sont appelés patrons avec le Permis d’Exploitation Aériennes (PEA) dans leurs maisons alors qu’ils n’ont aucun avion au tarmac. Le PEA est renouvelable tous les 2 ans au Ministère des Transports moyennant une somme de plus 2.000 dollars américains.

LES INSPECTEURS DE L’AVIATION CIVILE EN COURSE
Les Inspecteurs de l’aviation civile qui sont censés faire le suivi des inspections des avions sont corrompus par les patrons des compagnies d’aviation. Certains Inspecteurs reçoivent des enveloppes mensuelles et régulières auprès de ces compagnies d’aviations. La formation continue de ces inspecteurs n’est plus assurée de manière régulière par les autorités congolaises. A l’ère des nouvelles technologies, certains Inspecteurs ne connaissent plus la limitation et les paramètres des avions de nouvelle génération. 
A l’époque où la compagnie aérienne congolaise s’appelait "Air Congo" et après " Air-Zaïre", les avions avaient les hangars techniques, des ateliers de maintenance, de bandes d’essai des moteurs au sol et beaucoup de bar de traçage pour tous les avions, le groupe de parque, groupe 115 V et 28 V, des outillages de maintenance, le centre de formation, salles de réunions etc. A ce jour, le constat est très alarmant à l’aéroport international de N’Djili.
Dans ces conditions, la seule commande de trois Air Bus 320 par les autorités congolaises pour relancer les activités de la compagnie aérienne Congolaise sans une grande restructuration de l’aviation civile, la formation des agents, la lutte contre la corruption, la culture de l’impunité, se débarrasser des inspecteurs corrompus, des patrons Kuluna, de certaines autorités corrompues du ministère des Transports et voies de communication, de la Régie des voies aériennes (RVA), éradiquer la corruption, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le retour de la RD Congo sur la scène internationale ne fera pas long feu. 
L’achat de ces avions permettra seulement à certaines autorités de toucher les commissions et retro-commissions, de contracter des dettes auprès des partenaires du secteur sans les chances réelles de voir cette compagnie aérienne d’aviation concurrencer les autres bien structurées et bien implantées. Il faut à mon avis commencer par mettre de l’ordre sur le marché aérien interne avant de se lancer à la conquête du marché international.
Les autorités congolaises n’ont pas la volonté politique de reconstruire une compagnie nationale d’aviation digne pour des raisons multiples d’opportunité et de connivence avec les compagnies privées. Alors que notre pays regorge des capacités humaines et financières à même de refaire une compagnie d’aviation nationale digne de ce nom desservant l’intérieur et l’extérieur du pays. La population congolaise doit se prendre en charge pour une relance réelle et sérieuse de Lignes aériennes congolaises en faillite depuis 2003.
Ferdinand MUDIONGO KAPEPULA
Expert mécanicien 
en aviation