Motion de censure contre Matata : les dessous d’une guerre secrète à la Majorité présidentielle

Lundi 9 mai 2016 - 10:03
Image

Une nouvelle motion de censure contre le Premier ministre Matata Ponyo Mapon circule sous le manteau à la chambre basse du Parlement. Une fois de plus, Crispin Mbindule, député UNC, est la tête d’affiche d’une initiative, mûrement préparée dans la Majorité présidentielle.

 

Crispin Mbindule, député UNC à l’Assemblée nationale, prépare une motion de censure contre le Premier ministre. Mais, au-delà d’une simple motion, c’est la Majorité présidentielle (MP) qui se sert du député UNC pour régler ses comptes au Premier ministre Matata. Dans les couloirs du peuple, la machination a fini par se faire savoir. L’attaque en règle contre Matata, dit-on, porte le sceau de la M P.

 

Pour rappel, l’honorable Crispin Mbindule est celui-là même qui avait été l’auteur de la question orale avec débat contre le Premier ministre Matata Ponyo sur les quatre ans de gestion de son Gouvernement. Matata Ponyo s’était alors fait un devoir de consacrer une journée entière devant les élus nationaux pour répondre à la demande d’explication et à enregistrer les différents griefs, dont certains à la limite de la décence, proférés contre le gouvernement qu’il dirige.

 

Vendredi 29 avril dernier, le Premier ministre était de retour dans l’hémicycle du Palais du peuple, où durant de longues heures, il s’était attelé à répondre à toutes les préoccupations soulevées par les élus de la nation, passant en revue les progrès enregistrés dans tous les secteurs de la vie nationale par son gouvernement, selon les directives reçues dans ce sens du Président de la République. Mais selon toute vraisemblance, toutes ces explications n’ont pas suffi pour éclairer la religion de l’honorable Mbindule, qui dans sa conclusion, par ailleurs très éloignée de la question à l’ordre du jour, a décidé de transformer sa question orale en une motion de censure contre le Chef de l’Exécutif national. Jeudi 5 mai dans l’après-midi, on apprenait que l’auteur de cette motion de censure en était déjà à 37 signatures récoltées.

 

Il faut rappeler ici le fait que pour qu’une motion soit déclarée recevable, il faut que celle-ci totalise un quart de signatures des députés, soit 125 signatures. Dans le cas où ce chiffre est atteint, la motion doit alors être soumise aux débats et au vote de la plénière dans les 48 heures qui suivent son dépôt au Bureau de la Chambre basse. Pour être adoptée, le vote sur la motion de censure doit impérativement recueillir au moins 250 voix plus 1, soit la majorité absolue des suffrages des députés que compte l’Assemble nationale.

 

CRISPIN MBINDULE, UN DEPUTÉ AUX MANIÈRES ÉTRANGES

Il reste à savoir aujourd’hui si la démarche de Crispin Mbindule, a de réelles chances d’aboutir à une déchéance du gouvernement Matata, mais surtout de voir les objectifs cachés derrière cette même démarche qui, à y regarder de près, semble s’apparenter à une entreprise de démolition d’une personnalité qui gêne certaines ambitions politiques à peine voilées. Et les faits ci-après semblent le prouver. D’après un député de l’Opposition proche du dossier, la veille de la réponse de Matata Ponyo aux députés, soit le jeudi 28 avril, le député Crispin Mbindule qui se trouvait tard dans la soirée au restaurant 165 situé Place Royal sur le boulevard du 30 juin, a été rejoint par le directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale. Les deux personnes se seraient ensuite rendues dans une suite de l’hôtel Kempiski (Fleuve Congo hôtel), où les attendait le président de la chambre basse.

Selon les mêmes sources, ce dernier (le speaker de l’Assemblée nationale) aurait alors remis au député UNC, le texte de la conclusion que ce dernier devait lire le lendemain en plénière, après les réponses du. Premier ministre. Notre source qui affirme détenir ces informations de son collègue Mbindule en personne, ajoute que ce texte de conclusion que l’élude l’UNC a lu mot pour mot le lendemain à la tribune de l’Assemblée nationale, après y avoir apposé sa signature, sans évidemment tenir compte des explications que venait de livrer le Premier ministre en réponse aux préoccupations des élus nationaux lors du débat sur la question orale avec débat. Ainsi donc, pendant que Matata s’égosillait à la tribune pour apporter des réponses claires à toutes les questions soulevées, son sort était déjà scellé par son bourreau qui n’avait plus besoin de l’entendre pour tirer ses conclusions. Ainsi va la démocratie au pays de Papa Wemba d’heureuse mémoire.

 

Pour corroborer sa thèse, notre source nous a rappelé que tous ceux qui avaient suivi à la télévision la fameuse plénière, avaient remarqué que durant toute la séance d’explication du Premier ministre, le sieur Mbindule était occupé à des conversations animées avec ses voisins de rangée, et ne prenait aucune note susceptible de lui servir pour conclure l’action qu’il avait lui-même engagée. En effet, à suivre les images de ce jour-là, on a comme l’impression que Matata était en train de raconter sa vie, alors que l’honorable Mbindule avait autre chose à faire que d’écouter ses galimatias.

 

Autre élément d’un scénario bien monté : quelques minutes seulement après avoir lu ses conclusions devant la plénière, le député Mbindule se retrouvait en possession de plusieurs dizaines de copies de son texte qu’il distribuait joyeusement aux représentants des médias, avec l’aide de trois de ses collègues élus du Nord-Kivu. Pour ceux qui ont raté ce texte, la conclusion de l’honorable Mbindule, se résumait en une négation systématique de l’action du gouvernement, et ce, dans tous les secteurs de la vie nationale. A en croire cet élu, le gouvernement Matata, c’est le néant absolu, d’où son appel à une motion de censure contre lui. Ce jour-là dans la salle du Congrès du Palais du peuple, même ses amis et collègues de l’opposition n’en revenaient pas.

 

« MOTION MINAKU »

Dans les couloirs du Palais du peuple, la motion Mbindule est qualifiée ces derniers jours dans les milieux de l’Opposition de « motion Minaku », tant les forces acquises au changement ne se sentent pas concerné par cette bataille d’éléphants au sein de la Majorité, même si c’est un député de l’Opposition .qui est instrumentalisé par l’un des protagonistes comme mercenaire.

 

Selon les rumeurs qui courent, pour chaque député qui accepte de signer la motion anti-Matata, se voit promettre une mission officielle à l’étranger payé aux frais du contribuable, en attendant d’autres attentions plus gratifiantes en cas de succès de la démarche.

 

Le passage du Premier ministre devant l’Assemblée nationale semble avoir été une entreprise à très haut risque, qui devait en principe lui coûter cher. Selon des sources sur place, lors du débat qui avait suivi l’adresse de Matata devant les élus nationaux, c’est un autre député en la personne de l’honorable Bienvenue Liyota Ndjoli, estampillé PDC/aile MP, qui distribuait des questions à poser au Premier ministre, pour le mettre en situation délicate.

 

Aujourd’hui avec la motion en circulation contre Matata, le conflit jusqu’alors latent entre le secrétaire général de la Majorité présidentielle et le Premier ministre issu de cette même majorité, éclate pratiquement au grand jour, même s’il se passe encore par mercenaire interposé. Reste à savoir jusqu’où il va aller. Le Premier ministre qui est désormais l’homme à abattre, n’est en fait que l’une des deux têtes qui composent ce qu’on appelle le pouvoir exécutif. L’autre tête, c’est le Président de la République qui lui, donne les orientations à l’autre qui se charge de les exécuter, tout en restant lui-même irresponsable de par ses fonctions.

 

En voulant dénuder le Premier ministre et en dénigrant son bilan de manière si biaisée, c’est au final le second qu’on expose à la clameur publique, et par-dessus tout en recourant au service peut être rémunéré d’un adversaire étranger à la famille politique de la Majorité, qui en ce moment précis, aurait plutôt tout autre chose de plus urgent à faire, que de se complaire dans des querelles de bas étage. Evidemment, à moins que certains y trouvent de quoi nourrir leurs propres agendas, qui seraient autres que ceux pour lesquels toute la famille politique est vent débout par les temps qui courent.

 

Tiré de la Cité Africaine du 06 mai 2016

Étiquettes