Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget dans le premier gouvernement du Président Joseph Kabila, de 2001 à 2003, Freddy Matungulu s’était signalé au mars de novembre dans une réflexion publiée par Jeune Afrique. Ses propos s’étaient articulés autour d’un fléau national : la corruption.
Dans le document sois examen, il a choisi la «tribune» du quotidien belge «La Libre Belgique», daté du vendredi 02 janvier 2015. Cette fois, il aborde la problématique du paradoxe qui fait de la RDC un scandale géologique, avec une des populations les plus pauvres de la planète. A en croire cet ancien membre du gouvernement, une des thérapies pour éradiquer la pauvreté consisterait à laisser au souverain primaire le libre choix de ses gouvernants.
Il plaide, en définitive, pour une amélioration dé là gouvernance politique, que ne peuvent piloter que des mandataires librement élus par les populations, en tenant compte de leur capacité à s’assumer comme créateurs du bonheur collectif.
Ci-dessus, l’essentiel de son propos.
« Pour mener une politique efficace de lutte contre la pauvreté, la République Démocratique du Congo doit impliquer davantage sa population dans le choix de ses dirigeants.
Cette année 2015, mon pays, la République Démocratique du Congo (RDC), va souffler sa 55eme bougie. Cinquante- cinq ans se seront donc écoulés depuis notre indépendance. Ce demi-siècle a malheureusement vu la patrie sombrer. Les conditions de vie des citoyens se sont profondément détériorées, au point que la RDC a rejoint les rangs des pays lès plus pauvres au monde. Cela, en dépit du fait que l’espace Congo-Kinshasa est un scandale géologique, un coin sacré de la planète terre, regorgeant de ressources naturelles, dont certaines estimations situent la valeur à des dizaines de milliers de milliards de dollars américains.
Les analystes s’empoigneront longtemps sur la nature des causes proches et lointaines, directes et indirectes de la paupérisation éhontée de nos populations. En ce qui me concerne, les raisons de notre descente aux enfers se résument en quelques mots : la marginalisation poIitique des populations, leur exclusion des processus de décision et de choix politiques qui affectent le destin du pays. Une marginalisation politique qui s’appuie sur un boycott quasi institutionnalisé des systèmes d’enseignement dans le pays, se traduisant par l’impossibilité pour la majorité de la population congolaise d’acquérir les outils techniques nécessaires à une prise en mains effective et efficace de son quotidien. La conséquence de cet état de choses, c’est un enrichissement insolent d’une infime minorité au moment où le commun des mortels, l’homme de la rue, croupit sous le poids d’une misère chaque jour plus abjecte.
Pour sortir de ce paradoxe de riche pays à la population en guenilles, nous devons certainement mieux gérer notre économie.
Nous savons et pouvons le faire. La RDC regorge aujourd’hui de praticiens de l’économie avérés. Cependant, la gestion de l’économie nationale ne pourra être pauvreticide (réductrice de la pauvreté) que quand elle sera mise au service du souverain primaire. Cela a souvent été maintes fois dit et répété en slogans, sans résultats palpables, bien entendu.
Mon héritage de Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget de la RDC, dans le tout premier gouvernement du Président Joseph Kabila, est bien connu. Les raisons de ma démission du gouvernement sont également du domaine public. Sur la base de cette expérience et des enseignements tirés de non travail de conception et de suivi de programmes économiques dans de nombreux autres pays du monde, en tant qu’économiste et chef d’équipe pays au Fonds monétaire international, je suis convaincu que nous, congolais, pouvons bien développer une économie de lutte efficace contre la pauvreté.
Pour y arriver, notre pays doit se doter des moyens d’impliquer davantage sa population dans le choix de ses dirigeants pur que ceux-ci internalisent enfin l’obligation de rendre compte comme élément central d’un fonctionnement juste de l’Etat. Un dirigeant qui sait que sa survie politique dépend de la sanction que lui réservent les électeurs s’assurera bien que sa gestion cherche en permanence à trouver des solutions aux problèmes de ses administrés. En RDC, nous sommes encore loin de réunir cette condition institutionnelle fondamentale. Autrement, comment expliquer le fait que la plupart des provinces soient dirigées par des cadres ou sympathisants de partis politiques qui n’y ont pas réalisé les meilleurs résultats aux dernières élections organisées dans le pays?
Nous devons nous hâter de résoudre ce problème, faire en sorte que la population retrouve enfin son statut de Patron et les dirigeants celui de ses dignes Serviteurs. C’est à cette condition que les tenants du pouvoir pourront enfin commencer à travailler pour l’homme de la rue, lui qui est le vrai maitre des ressources du pays.
Ainsi remis à leur place, les dirigeants pourront véritablement faire de la lutte contre la corruption leur cheval de bataille. Ce qui permettra au panier de la ménagère congolaise moyenne de commencer enfin à se remplir plutôt que de se vider inéluctablement comme cela a été le cas depuis trop longtemps. Ce pari est à notre portée. Si nous nous y mettons ensemble, nous le gagnerons. Prenons donc date avec l’histoire et gérons nos prochaines élections de façon à y arriver. C’est à ce prix que la RDC pourra commencer à devenir, après 2016, un pays chaque jour un peu plus beau qu’aujourd’hui et hier.
Par Freddy Matungulu Mbuyamu llankir
Ministre de l’Economie, des Finances, et du Budget, RDC, 2001-2003.