Affaire Kitebi et Musungayi, Minaku visé à son tour par une motion

Mardi 11 novembre 2014 - 10:17

Hier lundi 10 novembre, l’Assemblée Nationale était tombée plus bas que terre ! Jamais elle ne s’était autant décrédibili­sée. Avec cet épisode, Aubin Minaku restera dans les annales de la République comme le plus piètre président de la Chambre basse que la RDC n’ait jamais connu. Dans l’affaire des mo­tions contre les minis­tres des finances et de l’industrie, le Bureau de l’Assemblée nationale s’est comporté avec une indignité telle qu’elle a poussé l’Opposition à boycotter la séance plé­nière. Mais le meilleur de l’indignité de ce Bureau MP était à venir.

 

Restez entre eux les députés de la Majorité Kabiliste se sont encore illustrés par un pugilat gigantesque où l’un d’eux, Valentin Senga, ac­cusé de filouterie, a été roué de coups par les membres de sa famille politique et de sa province d’origine. La ques­tion est comment en est-on arrivé là ? Samy Badinbanga, initiateur de la motion con­tre le ministre Kitebi, a an­noncé dans la foulée qu’une plainte contre le président de l’Assemblée nationale sera déposée incessamment pour tirer toutes les conséquences de ce scandale qui ne gran­dit aucune institution. La dé­mocratie c’est le contrôle. Redouter le contrôle comme se sont illustrés les ministres Kitebi et Musungayi vont nourrir les suspicions de dé­tournement des deniers pub­lics. C’est qui est dommage c’est aussi la façon dont les membres du gouvernement avec la complicité du Bureau s’y sont pris pour repousser coûte que coûte l’examen de la motion. La manoeuvre du pouvoir était grossière pour repousser les deux motions. D’abord il y a eu le prétexte du voyage pour finir par la motion inciden­tielle de Thomas Lokondo, qui aujourd’hui a été com­plètement dévalué politique­ment. Pour Musungayi, c’est la technique du retrait mas­sif des signatures par le sul­fureux Valentin Senga. Dans les deux cas, la « République débout » de Kabila est une véritable boutade. Ci-des­sous un compte-rendu de la séance qui restera comme celle de la honte de cette lé­gislature.

 

Mwando et Lokondo

Un théâtre de chez nous qui a fait la honte de l’Assemblée nationale

Théâtral, caricatural, hon­teux, dégoûtant : les adjec­tifs n’ont pas manqué hier dans l’opinion pour qualifier la scandaleuse séance plé­nière à laquelle on a assisté hier à l’Assemblée nation­ale. Censée être le Temple de la démocratie, celle-ci est devenue le royaume du n’importe quoi où des pitres se mettent en spectacle. La chambre basse devait, en ef­fet, traiter les deux motions de défiance initiées contre le ministre délégué aux Fi­nances Patrice Kitebi Kibol Nvul par le député Samy Badibanga Ntita, et contre le ministre de l’Industrie et PME Rémy Musungayi Bam­pale par le député Awenze. Mais c’était sans compter avec la MP qui avait réso­lu de sauver, quoi qu’il en coûte, même en passant par le mouillage de la barbe, ses deux plénipotentiaires. Dans le rôle de l’exécutant de cette sale besogne : Charles Mwando Nsimba, premier vice-président de l’Assemblée nationale, fai­sant office de président de séance en l’absence de son titulaire Aubin Minaku.

Le lundi 10 novembre 2011 restera dans l’histoire de l’Assemblée nationale, voire du parlementarisme con­golais. Ce jour, après moult subterfuges, le bureau avait finalement résolu de convo­quer une séance consacrée au traitement des motions de défiance contre le minis­tre délégué auprès du Pre­mier ministre chargé des Fi­nances et contre le ministre de l’Industrie et PME. Initiée par Samy Badibanga, la pre­mière motion comportait multiple danger pour le gou­vernement.

 

Empêcher le vote

D’abord, elle risquait de re­cueillir dans le secret de l’isoloir le soutien de nom­breux sociétaires de la ma­jorité MP qui rêvent de faire tomber l’exécutif, mais qui se gênent de le manifester publiquement, soit pour ob­tenir le départ d’Augustin Matata de la primature, soit pour précipiter la formation du gouvernement de cohé­sion nationale tant attendu. En effet, le vrai ministre des Finances étant le Pre­mier ministre lui-même, si la motion avait réussi con­tre son ministre délégué, le titulaire du poste aurait été, forcement, touché. D’où la décision, annoncée par des tabloïds kinois de ce lundi : la MP a décidé de faire bloc pour faire échouer la motion Badibanga.

Il s’agira d’empêcher par tous les moyens qu’on ar­rive au vote de la motion, car on ne sait jamais ce qui peut arriver lorsque les députés se retrouvent, seul devant leur conscience, dans l’isoloir. Dans le rôle du président du bureau de la chambre : Charles Mwando Nsimba, ancien mobutiste flamboyant qui a connu ses heures de gloire pendant la deuxième République où il a été gouverneur du Kivu, ministre de l’Intérieur, min­istre des Transports, min­istre des Travaux publics, avant de passer avec armes et bagages à la Kabilie. A peine a-t-il donné la parole à Samy Badibanga, député de Kinshasa/Mont-Amba et président du groupe parle­mentaire UDPS et Alliés, que le député Charles Lokondo, ancien mobutiste lui aussi rallié à la Kabilie, intervient par une motion incidentielle.

 

Mauvaise foi

Pour s’opposer à la mo­tion de son collègue en af­firmant qu’elle était illégale, alors que le ministre censé se défendre était présent. La mauvaise foi est apparue au grand jour lorsque l’élu de Mbandaka est allé jusqu’à évoquer le fait que le ministre délégué ne pouvait pas être convoqué par la chambre au motif que le vrai ministre des Finances était le Premier ministre lui-même. Pour­tant, cette question avait été soulevée en son temps par l’opposition lors de la forma­tion du gouvernement, mais la MP, par la bouche de son égérie Christophe Lutun­dula Apala Pen’Apala avait soutenu qu’il y avait certes erreur dans la formation de l’exécutif, mais qu’on pou­vait faire avec et convoquer, le moment venu, le ministre délégué. Argument approu­vé bruyamment par les ap­plaudisseurs des bancs de la MP, connus pour leur talent à jouer au tam-tam sur leurs pupitres. Lokondo a-t-il ou­blié cet épisode, ou bien il a agit selon un scénario établi à l’avance ?

Charles Mwando va alors soumettre la motion à l’appréciation des députés selon la procédure habituelle : deux intervenants pour, deux contre. Par une motion d’ordre, le député Toussaint Alongo a beau expliquer qu’une motion ne peut faire l’objet d’une motion, mais que, par égard à l’article 209 du Règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée, il n’existe que deux conditions pour le traitement d’une motion : 50 signatures et l’indication « motion », le vieux patriarche ne l’entend de cette oreille.

 

Entêtement du Bureau

Devant cette situation, le député Bamporiki, président du groupe parlementaire UNC et Alliés, est intervenu au nom de l’opposition pour expliquer les fondamentaux dans le traitement d’une motion, que conformément à l’article 211 du Règlement d’ordre de l’Assemblée, au­cun retrait de motion n’est possible depuis sa mise en discussion, qu’une fois que la discussion est engagée, elle se poursuit jusqu’au vote, et que l’intervention de Samy Badibanga constituant la mise en discussion de la motion, plus rien ne pouvait arrêter la motion. Des réali­tés que Mwando ne pouvait ignorer pour avoir dirigé la commission qui a élaboré ce Règlement d’ordre. Mais devant l’entêtement du bu­reau, Bamporiki annonce que l’opposition se retire de la salle. Sur ce, les députés de l’opposition ont quitté l’hémicycle.

 

Dépassé, mais imperturb­able, Charles Mawando fait passer la motion Lokondo au vote : 209 votent oui, 12 contre, et 14 abstentions, soit au total 235 votants.

La MP étant restée seule, on serait tenté de croire que les choses allaient bien se passer. Erreur ! On passe à la deuxième motion du jour, celle initiée par le député de Kisangani Awenze contre le ministre Rémy Musungayi. Ici, la particularité, ce que M. Awenze est lui-même membre de la MP. Coup de théâtre : avant même d’avoir donné la parole au motion­naire, voilà Charles Mwando qui invite le député Valentin Senga à la tribune. Motion ou simple intervention ? Il ne le précise pas. L’arbitraire est à son comble. En 1998, M. Valentin Senga est un inconnu administrateur du territoire d’Ubundu en prov­ince Orientale, qui rejoint le MLC pendant la deuxième guerre. Pendant le 1+4, le parti de Jean-Pierre Bem­ba le fait passer de l’ombre à la lumière, en le portant au gouvernement, d’abord comme vice-ministre de l’Intérieur, ensuite comme ministre de l’Agriculture. Il ne brille guère, et est viré au détour d’un remaniement. Il passe alors au PPRD. S’il prend la parole ce jour, c’est pour défendre le ministre de l’Industrie dans l’affaire de la cimenterie de la province Ori­entale, alors qu’il avait signé lui-même la motion contre lui ! Enfin, il se proclame le représentant des 18 députés qui retirent leurs signatures de la motion. Mwando ne fait procéder à aucune vé­rification pour connaître qui sont les députés que Senga affirme représenter et con­firmer par ses dires sans les concernés eux-mêmes. Bien plus, le retrait des signatures d’une motion avait été acté et proscrit aussi bien par la conférence des présidents que lors de la plénière à huis clos du samedi 1er novem­bre 14.

 

Ambiance de chaos

Sauf que, dès qu’il quitte la tribune, Valentin Senga est attendu par une cohorte des députés de province Orien­tale en furie, qui l’accusent de trahison, le traitent de corrompu, et se ruent sur lui avec vigueur : upper­cuts et directs s’abattent sur l’infortuné pendant que nombreux autres députés se précipitent pour le tirer des griffes de ses corrégion­naires. Mwando appelle la police qui se fait désirer, c’est l’ambiance de chaos dans l’hémicycle. Aux dernières nouvelles, Valentin Senga serait blessé. Le président des céans explique quand-même que la motion Awenze n’est plus valide, provoquant la sortie de la salle de nom­breux députés de la Province Orientale, furieux.

De son côté, l’opposition ne tient pas à s’en arrêter là. Elle compte initier une pé­tition contre le président de l’Assemblée nationale, et saisir la justice contre le ministre délégué aux Financ­es pour faux en écritures et faux et usages de faux.

samuel mbuta

 

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