Tribune libre 143
La limitation des mandats : une bêtise ?
Limiter les mandats présidentiels à deux, c’est une absurdité, dixit Emmanuel Macron.
Après les conférences nationales souveraines des années 90, nos constitutions ont été un copier-coller de modèles occidentaux, notamment en ce qui concerne la limitation du nombre de mandats.
Chassez le naturel, il revient au galop.
Des années plus tard, plusieurs pays ont levé ce verrou.
- Ouganda : en 2005, un amendement constitutionnel supprime la limite des mandats ;
- Cameroun : en avril 2008, l’Assemblée nationale enlève la limite des mandats ;
- Congo : en 2015, un référendum constitutionnel supprime les limites d’âge et de mandats ;
- Burundi : en 2018, un référendum prolonge la durée du mandat de 5 à 7 ans et supprime, en pratique, la limitation antérieure ;
- République centrafricaine : en 2023, un référendum supprime les limites présidentielles, le mandat passe de 5 à 7 ans ;
- Togo : la révision constitutionnelle de 2024-2025 modifie la manière d’élire le président et contourne la limitation classique ;
- Côte d’Ivoire : après la modification constitutionnelle de 2016, le président actuel s’est présenté pour un quatrième mandat.
Ces cas illustrent que, dans l’euphorie des années 90, les Africains avaient adopté un système qui ne cadre pas avec leur propre conception du pouvoir. Incapables de concevoir un modèle politique qui leur soit propre, ils ont copié aveuglément celui du colonisateur.
À ce jour, la RDC est presque le seul pays d’Afrique centrale à avoir conservé la limitation des mandats. Elle s’est pourtant montrée moins stable que plusieurs de ses voisines dans la sous-région. Ça ne lui a pas permis de se développer davantage que les autres. Bien au contraire.
Pendant ce temps, des pays comme la Chine, qui a supprimé en 2018 la limite de deux mandats présidentiels, ou encore Singapour, parfois présentés comme autoritaires, ont su assurer une certaine continuité du leadership, une capacité à planifier à long terme et à imposer des objectifs de développement durables. Or, de nos jours, aucun pays ne progresse plus vite que la Chine.
Cela montre que l’important n’est pas la durée du mandat, mais la qualité du pouvoir exercé, la responsabilité devant le peuple et la conscience des dirigeants.
En ce sens, je propose que la limitation des mandats en RDC soit supprimée et que l’on passe du quinquennat au septennat.
Pourquoi ?
- Pour redonner au peuple le vrai choix : sanctionner ou reconduire un dirigeant, sans que le législateur ne l’interdise d’emblée ;
- Pour que le législateur cesse d’être un arbitre de l’alternance et devienne plutôt un garant de la transparence électorale, le dernier mot revenant au peuple souverain.
Il ne s’agit pas ici de plaider pour un individu ou un groupe d’individus, mais pour la stabilité institutionnelle. Le véritable combat n’est pas celui des mandats, mais celui de la transparence des élections et du respect de la volonté populaire.
De même, dans le cadre des réformes constitutionnelles à venir, je plaide pour la suppression du concept d’opposition, qui renvoie à la confrontation, au profit du concept de minorité politique. Les deux forces, majoritaires et minoritaires, devraient participer à l’exercice du pouvoir au prorata de leurs poids politiques.
Cela nous éviterait des rebellions et des tensions politiques récurrentes qui freinent notre développement.
Sous l’arbre à palabres africain, il n’y avait pas la majorité d’un côté et l’opposition de l’autre. Autour du Chef, les notables se retrouvaient pour trouver des solutions consensuelles en faveur de la société.
Limiter le nombre de mandats peut paraître noble, mais là où l’État est encore à structurer, où l’administration est fragile, où le peuple cherche à se construire, cette limitation devient une bêtise politique.
Elle empêche au peuple de maintenir au pouvoir un Chef qui répond à ses aspirations. C’est antidémocratique.
J’attends des arguments contraires.
Tribune de Steve Mbikayi, député national et président du Parti Travailliste (P.T)