Henry Yav Mulang imperturbable, affronte le Sénat

Jeudi 7 mai 2015 - 08:20

Ministre des Finances tout court ? Sans doute pas. Henry Yav Mulang a ses marques. Une expertise qui le met à l’aise à se défendre dans son secteur. Et, il l’a prouvé hier mercredi 6 mai au Sénat. Serein, l’ancien financier du cabinet du Président Joseph Kabila a fait l’économie du projet de loi modifiant et complétant l’ordonnance-loi n°011/2012 du 21 septembre 2012 instituant un nouveau tarif des droits et taxes à l’importation en RD Congo.

Imperturbable, Henry Yav Mulang n’a pas tari d’arguments. " L’examen de ce projet de loi s’inscrit dans le cadre des engagements pris par le Gouvernement de la RD Congo lors du 7ème sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement du Marché commun de l’Afrique de l’Est et australe (COMESA), tenu à Kinshasa du 26 au 27 février 2014 ", rappelle-t-il tout de suite.
Pédagogique et donc méthodique, l’argentier rd congolais a, par ailleurs, souligné que ces engagements rentrent dans le cadre de l’adhésion de la RD Congo à la zone de Libre échange, instaurée par le Traité du Comesa.
En vertu du principe sacro saint qui régit les Organisations internationales, selon lequel les " Accords rendent esclave ", Henry Yav Mulang a fait savoir que les engagements signés par la RD Congo " implique la suppression de tous les droits et taxes à l’importation sur les marchandises originaires des pays membres dudit marché ". Manière aussi, pour le ministre, de rappeler que la RD Congo ne peut pas signer des Accords et Traités internationaux et, en même temps, se rebiffer aux exigences de ces derniers.

" TAUX ZERO " : L’ESSENTIEL DE LA LOI
Le projet de loi du Gouvernement soumis à l’examen des Sénateurs, institue le taux Zéro des droits d’entrée et taxes à l’importation à l’égard des marchandises originaires des pays membres du Comesa. Ce taux, explique Henry Yav, "doit être atteint à la suite d’un démantèlement tarifaire progressif, sur trois ans, à raison de 40%, 30% et 30%, respectivement pour la première, la deuxième et la troisième année ", a-t-il encore affirmé.
Par ailleurs, il est proposé aux parlementaires de réviser les dispositions du paragraphe 2 des dispositions préliminaires du Tarif des droits et taxes à l’importation institué par l’ordonnance loi n¨11/2012 du 21 septembre 2012, en introduisant le principe de la taxation au taux zéro pour les marchandises en provenance des pays membres du Comesa. Ce, suivant une suppression progressive dans les proportions exprimées ci-dessus en pourcentage.
En ce qui concerne les innovations contenues dans ledit projet de loi, Henry Yav Mulang les résume en quatre. En premier lieu, c’est que la nouvelle loi affirme dans le nouveau tarif, le principe selon lequel les droits de douane applicable aux marchandises importées en RD Congo sont désormais déterminées en fonction de l’origine de ces marchandises et leurs taux sont différents, selon qu’ils s’appliquent aux marchandises originaires des pays membres du Comesa ou à celles non originaires de l’organisation sous régionale.
La seconde innovation est la consécration dans le nouveau tarif d’un taux de zéro pourcent des droits de douane applicables aux marchandises originaires d’un pays membre du Comesa. Ce taux étant consécutif à un démentiellement tarifaire progressif sur trois ans. Pas seulement.
Le troisième mérite dudit projet de loi tient au rappel du principe de réciprocité vis-à-vis d’un Etat membre qui appliquerait aux marchandises en provenance de la République démocratique du Congo un autre taux que le taux zéro.
La quatrième nouveauté, finalement, c’est que la loi consacre l’ouverture à chaque Etat membre du Comesa, de pouvoir appliquer, aux marchandises originaires des autres Etats membres, " des restrictions quantitatives ou équivalentes, ou les interdictions aux fins de protection d’une industrie naissante ".
Dans une dialectique assez simple, Henry Yav a insisté sur le fait que la Zone de libre échange du Comesa n’est qu’une étape avant, d’une part, l’instauration de la Zone de libre échange tripartite Comesa-Sadec-Eac dont l’avènement est prévu pour le mois de juin prochain. A cela s’ajoute le lancement en 2017, de la Zone de libre échange africaine à l’échelle du continent.
Compte tenu de toutes ces donnes, le ministre en a appelé à la conscience collective et au bon sens. " Notre pays a donc tout intérêt à concrétiser, à l’instar des autres Etats membres du Comesa, son adhésion en vue de se préparer à ces espaces de libre échange plus étendus au niveau régional et continental", a-t-il renchéri.

REDUIRE LES COUTS DES AFFAIRES ET STIMULER LES ENTREPRISES CONGOLAISES
Sans doute, la question serait que gagne le pays en adhérant la ZLE du Comesa ? Le ministre Henry Yav y répond avec empressement. Il cite, en premier lieu, l’ouverture à un marché de 340 millions des consommateurs, appelés à s’élargir et à atteindre dans le cadre de la tripartite Comesa-Sadc-EAC, 645 millions de clients potentiels.
En plus de cette ouverture, on gagne une réduction des coûts des affaires grâce aux économies d’échelles réalisées sur un marché plus vaste. S’ajoutent à cela, les opportunités d’affaires et d’investissements pour les opérateurs économiques, sans oublier l’attractivité de l’investissement direct étranger. La stimulation des entreprises congolaises à améliorer leur compétitivité afin de conquérir le marché du Comesa.
Un autre avantage, non des moindres, est lié au fait que l’adhésion de la RD Congo à la Zone de libre échange du Comesa favorisera l’élargissement de l’assiette et de la matière imposablle pour la fiscalité intérieure.
En plus de tous ces gains, le ministre congolais en charge des Finances a aussi noté que la RD Congo pourra également bénéficier, à l’instar d’autres Etats membres, des programmes susceptibles de contribuer au développement de son économie. Il s’agit, entre autres, du régime simplifié de commerce, qui fait profiter aux petits commerçants du Comesa, de la possibilité de faire financer des micro, petites et moyennes entreprises par le Fonds créé à cet effet par le Comesa.

PLUS DE VINGT ANS DE RETARD
Pour la petite histoire, c’est depuis 1994 que la RD Congo a adhéré au Comesa. Cette adhésion a été effective par la signature du Traité instituant cette Communauté économique régionale, créée en 1981. Son objectif est de réaliser l’intégration des économies des Etats membres à travers la libéralisation et la facilitation des échanges. En l’occurrence, par l’harmonisation des instruments relatifs à la politique douanière de différents Etas membres.
En ce qui concerne le processus d’intégration de la RD Congo au Comesa, il y a lieu de rappeler également qu’il a été marqué, entre autres, par la création d’une Zone de libre échange en 2000. S’ajoute à cela, l’établissement en 2008 d’une Union douanière.
Par conséquent, la RD Congo qui est membre de cette Organisation internationale depuis plus de vingt ans, devrait déjà rejoindre les deux structures. A savoir la Zone de libre Echange (ZLE) et l’Union douanière (UD). Quand on considère que le projet de loi modifiant et complétant l’ordonnance-loi n°011/2012 du 21 septembre 2012 instituant un nouveau tarif des droits et taxes à l’importation, en application du Traité du Comesa vient à peine d’être déposé au Parlement, l’inférence est immédiate. Simple à retenir, c’est que la RD Congo, deux décennies après sa signature du traité, n’a jamais rejoint ni la Zone de libre échange, ni l’Union douanière.
Selon le ministre Henry Yav Mulang, ce retard n’est pas à considérer comme une faiblesse du Gouvernement. Bien au contraire. Que la RD Congo n’ait pas encore rejoint la Zone de libre échange et l’Union douanière, " c’est à cause des perturbations que notre pays a connues depuis la fin de la décennie 1990 ", a-t-il insisté. Ainsi qu’on le sait, après la chute du régime du maréchal Mobutu en mai 1997, l’ex-Zaïre s’était transformé en une véritable école d’artillerie où les différents groupes armés allaient s’exercer en armement lourd. On connait la suite. Cette situation de conflits armés permanents a débouché sur la fragmentation du pays et la déliquescence de l’autorité de l’Etat.
Face à cela, les nouvelles autorités du pays ne devraient plus se tromper d’urgences. L’impératif a donc consisté d’abord, à réunifier le pays avant de penser à la restauration de l’autorité de l’Etat. Conséquence logique, les différents engagements pris par le pays ont été mis au frigidaire, indépendamment de la bonne foi du Gouvernement d’alors. Aussi, pour des raisons d’ordre budgétaire, le Gouvernement avait-il sollicité et obtenu, à plusieurs reprises, un moratoire pour le dépôt des instruments juridiques de son adhésion à la Zone de libre échange.
Du haut de la tribune du Sénat, Henry Yav Mulang a rappelé que 15 pays, sur un total de 18 membres du Comesa ont rejoint la ZLE depuis 2000. " Sur la liste des retardataires figurent l’Ouganda, l’Ethiopie, l’Erythrée et la RD Congo ", a-t-il dit. Sauf à vouloir le contraire, seul le vote par le Parlement, du projet de loi susmentionné, permettra à la RD Congo de quitter les rangs des quatre retardataires pour devenir le 16ème pays membre du Comesa qui entre finalement dans la Zone de libre échange. Voilà, qui place donc les sénateurs et les députés nationaux devant leur responsabilité. Et, Henry Yav s’en convainc. C’est donc demain vendredi que le ministre Henry Yav Mulang répondra à quelques préoccupations soulevées par certains Sénateurs. Laurel KANKOLE