Tribune : La MONUSCO, les organismes internationaux, les ambassades… feraient perdre chaque année à l’État congolais, près de 800 millions $ pour non-respect de la législation sur les assurances (Me Tshibuabua Mbuyi)

Lundi 15 août 2022 - 08:44
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La RDC s’est dotée depuis le 17 mars 2015, d’une loi n°15/005 portant code des assurances dont la nouveauté a été la libéralisation du secteur des assurances après 50 ans de monopole détenu par la Société Nationale d’Assurance (SONAS).
 
Vu le nouveau contexte ainsi que la concurrence ouverte dans ce secteur, il a été institué une Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (ARCA). Cette dernière est chargée de veiller au respect et à l’application de la nouvelle législation par tous les acteurs concernés.

Le but de cette ouverture à la concurrence dans le secteur des assurances était aussi de permettre à l’état congolais de mobiliser plus de capitaux pour soutenir son développement socio-économique. C’est ainsi que le législateur congolais a exigé que les primes d’assurance qui couvrent un risque sur le territoire de la RDC, soient payées à des sociétés d’assurance ou de réassurance agréées par l’ARCA, tel que stipulé dans l’article 286 du code des assurances : « Il est interdit de souscrire une assurance directe à l’étranger pour un risque concernant une personne, un bien ou une responsabilité, situé sur le territoire national ou auprès d’une entreprise non agréée pour réaliser des opérations d’assurances en République Démocratique du Congo conformément aux dispositions de l’article 400 de la présente loi ».

A ce jour, 39 opérateurs ont été agréés par l’ARCA après un long processus d’étude et de contrôle sur leur solvabilité ainsi que leur capacité de couvrir réellement les risques sur toute l’étendue du territoire.
 
Bien que chaque personne (physique ou morale) soit libre de souscrire une assurance à la compagnie de son choix, il y a une liste de six assurances obligatoires tel que mentionné dans le Titre IV du code des assurances : DES ASSURANCES DES DOMMAGES OBLIGATOIRES. Les articles 108 à 237 du code des assurances citent : assurance de la responsabilité civile des propriétaires des véhicules terrestres à moteur, assurance de la responsabilité civile des transporteurs aériens, assurance de la responsabilité civile des transporteurs maritimes, fluviaux et lacustres ou voie de navigation intérieures, assurance des risques de construction, assurance incendie, assurance des facultés à l’importation.
 
Nonobstant ces dispositions légales, force est de constater que certains acteurs opérant en RDC ont décidé simplement de bouder la législation et préféré loger leurs primes d’assurance à l’étranger.
 
Sauf preuve contraire, la MONUSCO, certains organismes internationaux et missions diplomatiques, continuent de s’assurer à l’étranger au mépris de la loi congolaise et pire de sa souveraineté, et ce malgré, le communiqué de rappel à l’ordre du ministre des finances du 10 février 2022.
 
En prenant juste l’exemple de la MONUSO, avec un charroi composé de centaines de véhicules, des dizaines d’aéronefs, de centaines de biens immobiliers, etc.., si celle-ci loge ses primes pour les assurances obligatoires dans les compagnies situées en RDC, cela aura un impact direct sur le budget national vu que celles-ci paieront les impôts et autres taxes dus à l’état, sans parler de l’effet positif sur la création d’emplois. Il en va de même pour les centaines des missions diplomatiques, organismes internationaux et autres, qui œuvrent en RDC.
 
Selon certaines estimations, la RDC perd chaque année près de 800 millions de dollars américain à cause de cette évasion des primes d’assurance.
 
En date du 28 juin 2022, la banque mondiale a approuvé 750 millions de dollars pour soutenir la gouvernance, le transport et la connectivité numérique en RDC. Ce montant correspond à celui de l’évasion des primes. Ce qui nous pousse à conclure que la RDC a la capacité de s’autofinancer sans forcément recourir au soutien de la banque mondiale, si et seulement si tout le monde respecte la loi. Ceci dit, une bonne gouvernance se caractérise aussi par la nécessité de faire respecter et d’appliquer les lois de la République Erga Omnes. Il est temps que l’état congolais rentre dans ces droits.
 
Est-ce que les acteurs cités ci-haut, auraient agi de la même manière s’ils œuvraient dans d’autres pays tels que les USA ou les pays de l’Union européenne ? Nous en doutons fort au regard des grosses amendes que les USA infligent régulièrement aux acteurs qui ne respectent pas la loi américaine, ou encore, les grosses amendes de la commission européenne infligées à des acteurs récalcitrants ou récidivistes en cas de manquement à certaines directives ou règlements européens. A titre d’exemple : 8,9 milliards de dollars que les USA ont infligé à la banque Fortis en 2014 ou encore 2 milliards d’euros que l’Union Européenne a infligé comme amende à Google en 2017, etc… Ces grosses amendes ont un caractère dissuasif sur les autres acteurs qui enfreindraient les législations. C’est ainsi que nous encourageons l’état congolais de s’inspirer de ces exemples pour faire respecter sa législation. Laisser les choses dans l’état, sans mesure de coercition sérieuse de la part des autorités congolaises ne favorise-t-il pas ce sentiment d’impunité ?
 
Il est plus que temps que le ministre de la justice se saisisse de ce dossier et plus que temps d’initier des procédures en justice tant en RDC qu’au niveau international dans l’intérêt du pays.
 
D’ailleurs, l’article 445 du code des assurances prévoit : « La violation des dispositions de l’article 286 de la présente loi est punie d’une amende de 50% du montant des primes émises à l’extérieur. En cas de récidive, l’amende est portée à 100 % de ce même montant. Le jugement est publié aux frais des condamnés ou des entreprises civilement responsables ».
 
Lex dura sed lex.
 
Me Tshibuabua Mbuyi Dieudonné
Avocat aux Barreaux de Kinshasa-Gombe, de Kananga et de Bruxelles, Spécialisé en droit des assurances, banques, produits financiers et NTIC

 

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