A la suite de la dernière adresse à la Nation du président Felix Tshisekedi qui en a appelé au changement des mentalités ou à une "remise en question" de nous-mêmes, pour emprunter les mots de Mabika Kalanda, il me semble urgent et impérieux de rappeler aux politiciens de tous bords et à tous les compatriotes une pensée de Martin Luther King Jr : "Notre vie commence à s'arrêter le jour où nous gardons le silence sur les choses graves".
Et cette autre pensée d'Albert Einstein : "le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire".
Ils sont ainsi rangés parmi les artisans de l'inanition de la Nation et les méchants destructeurs de la société, tous ceux qui regardent le mal autour de nous sans rien faire.
Nous ne sommes même pas des complices, mais des co-auteurs du mal, lorsque nous prenons le mal pour le bien, le faux pour le vrai, le laid pour le beau, la médiocrité pour l'excellence ou vice-versa dans le simple but de servir des intérêts de pouvoir et d'argent qui font courir, chanter et danser la majorité des Congolais.
La RD Congo compte de nombreux "politiciens et intellectuels du ventre"!
Que de thuriféraires, de tambourinaires et de guignols des "autorités morales" - pourtant souvent "immorales" - et des chefs de partis parmi les acteurs politiques congolais!
Nombreux parmi nous sont également ceux qui pensent vivre - et même bien vivre - alors que leurs vies ont commencé à s'arrêter dès lors qu'ils sont devenus complices ou co-auteurs du mal en acceptant de...garder silence ou même d'applaudir des choses graves dans notre société, nos institutions (Presidence, Parlement, Gouvernement, Cours et Tribunaux, services publics, entreprises publiques, institutions provinciales et locales) ou dans nos partis politiques!
De la part des aînés, des collègues et même des plus jeunes que l'on croyait "politiquement vierges" alors qu'ils ne le sont plus, certains d'entre-nous sont en train d'apprendre que devant des choses graves, un "bon politicien" doit se taire, obéir à des mots d'ordre même les plus illégaux et immoraux ou applaudir pour ne pas être mal vu, jouer a l'équilibriste pour plaire pour ne pas être sacrifié lors de l'examen des "ambitions".
Certains maîtres et même des aspirants-professionnels de la politique congolaise sont occupés à nous enseigner qu'un "bon politicien" doit être "réaliste", aller à gauche quand "Son Excellence Monsieur/Madame l'Autorite morale" va à gauche, tendre les mains quand elle tousse ou s'apprêter à vomir ou encore scander "Wumela" lorsqu'elle dit des bêtises! Je me suis même fait dire à plusieurs reprises que pour réussir dans la politique au Congo, on n'a pas nécessairement besoin d'être vertueux. Il faut savoir marcher "la tête en bas et les pieds en haut", "le ventre avant et la tête derrière". Terrible gymnatique qui constituerait l'un de plus grands héritages que les anciens dirigeants auraient légué à la postérité!
La politique congolaise serait devenue le terrain par excellence où se joue le médiocre jeu de l'hypocrisie, de la corruption, du mensonge, de la médisance, des calomnies et de tous les coups bas!
La plupart de politiciens adorent etre appelés "Président" ou "Preso". C'est vraiment sur ce terrain où nos "médiocres nationaux" deviennent facilement des "Excellences" ou des "Majestés" - "Rois de la forêt" et sont acclamés comme des messies que l'appel du Président Felix Tshisekedi à un changement des mentalités peut véritablement avoir son sens.
Nos "amis" chinois qui parlent toujours de "coopération gagnant-gagnant" (win-win) même quand ils en sont les premiers bénéficiaires nous répètent que "le poisson pourrit d'abord par la tête". C'est donc de la tête que vient aussi le salut étant donné que c'est elle qui commande notre corps social, le met en mouvement et lui permet d'échapper à un AVC ou à l'inanition.
Dans le contexte politique congolais, du président de la Republique au plus humble de nos concitoyens, le changement des mentalités exige que chaque congolais accepte de laisser mourir une partie de lui-même afin de préserver la vie de la Nation. Il s'agit de cette partie de nous-mêmes qui s'est nourri des vols, de la corruption, de l'égoïsme, du trafic d'influence, de l'impunité, des détournements des deniers publics, des injustices et d'autres anti-valeurs.
Même quand ils s'opposent, les acteurs politiques respectables sont des adversaires et ne sauraient se considérer comme des ennemis. Les adversaires d'un jour peuvent devenir des partenaires ou des alliés et ces derniers finissent par s'opposer avant de constituer de nouveaux partenariats ou de nouvelles alliances.
Même quand elle se veut "radicale", l'opposition n'est pas un statut éternel! Les alliances et les coalitions ne sont pas non plus faites pour l'éternité ; elles se nouent et se dénouent. Triste et implacable réalité! Les civilisations dont elles constituent des marques autant que les hommes qui les créent n'échappent pas non plus à la dure loi de la mortalité. Nous le savions bien avant le constat tardif de Paul-Valery, les civilisations sont mortelles.
Ainsi, la critique même la plus acerbe ne devrait jamais faire de son auteur un ennemi ou une personne à abattre à tout prix. Une critique constructive et une opposition républicaine sont indispensables à la vitalité d'une société démocratique. Elles devraient être tolérées et même encouragées.
Le négativisme qui consiste à penser que tout ce que fait l'autre est mal parce que "l'enfer, c'est les autres" (JP Sartre) et qui conduit à des critiques vaines et stériles constitue l'une de nombreuses tares dont souffre encore une bonne partie de la "classe" politique et intellectuelle congolaise et dont elle devrait être délivrée.
Il est bon de souligner à l'intention de cette génération et des générations futures que le pouvoir politique n'a aucun sens s'il n'est pas exercé dans l'intérêt du peuple qui dépasse nos intérêts personnels et égoïstes, ceux de nos familles biologiques, de nos partis ou coalitions politiques, de nos courtisans, des thuriféraires ou des tambourinaires.
Nous sommes citoyens d'un grand et riche pays que nous avons juré de bâtir "plus beau qu'avant".
Étant donné que nous sommes animés des mêmes sentiments patriotiques que le président de la Republique qui vient d'en faire lui-même la démonstration en décidant tant soi peu de rompre le silence pour s'adresser à son peuple qui lui rappelle constamment son serment de servir "le Peuple d'Abord"
tel qu'il avait été formulé par son défunt père Étienne Tshisekedi élevé au rang des Héros nationaux, prenons alors "nos responsabilités devant Dieu, la Nation, l'Afrique et le Monde" et engageons nous solennellement à ne plus jamais être co-auteurs ou complices du mal dans notre pays, à le dénoncer et à le combattre par tous les moyens quand bien même que ce mal viendrait de nos propres rangs, de ceux de nos alliés ou adversaires politiques temporaires car nous sommes tous filles et fils d'un même pays, la République Démocratique du Congo qui est notre mère-patrie et le bien le plus précieux que nous avons reçu de Dieu et hérité de nos aïeux.
"Uni par le destin et par l'histoire" et "animé par notre volonte commune de bâtir, au coeur de l'Afrique, un Etat de droit et une Nation puissante et prospere", aimons-nous les uns les autres et refusons désormais de garder silence devant des choses graves dans notre société et dans nos institutions. C'est l'une des exigences du changement des mentalités que le président Félix Tshisekedi a appelé de tous ses voeux pour bâtir un Congo plus beau qu'avant.
Prof Andre Mbata