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Ça vole bas dans la territoriale. Plus précisément, entre le Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur et certains gouverneurs de provinces, si ce n’est pas encore le bras de fer, cela y ressemble fortement. C’est ce qui ressort de la lecture des articles publiés par deux grands journaux de la place : La Cité Africaine et Africa News. En cause, les suspensions de certains maires par des chefs des exécutifs provinciaux. Démarche qui ne serait pas du goût de la tutelle. Avec forces références aux textes en vigueur, les deux parties s’expliquent. Lecture croisée.
TEMPETE AU SEIN DE LA MAJORITE
Bras de fer ’’ Gouverneurs de provinces & E. Boshab’’
Et d’abord quelques questions indiscrètes, avant d’entrer dans le vif du sujet qui nous occupe.
Première Question : Un gouverneur de province peut-il suspendre de ses fonctions un maire, un bourgmestre, un administrateur du territoire, un chef de secteur, un agent des services déconcentrés en province… ? Réponse : oui !
Deuxième Question : En cas de vice de forme décelé dans un acte administratif ou d’abus de pouvoirs de la part d’un gouverneur, y a-t-il des mécanismes légaux permettant de redresser l’erreur commise par ledit gouverneur ?
Réponse : Oui ! Il y a des instruments pertinents à cet effet. Voir la Constitution de la République, La Loi N° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, et La Loi Organique N° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces.
Troisième Question : Le gouvernement central a-t-il intérêt à ouvrir un front avec des gouverneurs, en cette période de grande turbulence politique, et à la veille du Dialogue politique national inclusif qui s’annonce sur fond de contestations et de harcèlements de la part d’une opposition de plus en plus radicalisée ? Réponse : Non ! DE QUOI S’AGIT-IL ?
Et maintenant, venons-en aux faits. Le torchon brûle au sein de l’appareil de l’Etat et dans la famille de la Majorité au pouvoir. Cinq gouverneurs de province, et non des moindres, ont maille à partir avec le Vice Premier ministre en charge de l’Intérieur, Affaires coutumières et Ordre public, Evariste Boshab. Il s’agit des gouverneurs : Jacques Mbadu Nsitu du Kongo Central, José Makila Sumanda du Sud Ubangi, Bienvenu Essimba de la Mongala, John Tokole de la Tshopo et Tony Bolamba de l’Equateur. Ces gouverneurs, s’estimant en plein exercice de leurs prérogatives administratives, ont eu, chacun dans sa juridiction, à prendre des sanctions à l’endroit de quelques autorités territoriales, pour des griefs avérés et en respect de la procédure administrative y relative. Mais voilà qu’aujourd’hui, on ne sait trop pour quels motifs, le PPRD monte au créneau pour demander à ces gouverneurs, dans le souci sans doute de protéger des camarades du parti, de rapporter leurs décisions. Un simple message phonique a été transmis à cet effet auxdits gouverneurs. Le voici : ’’Honneur vous saluer et vous demander de rapporter ,dès réception de la présente stop tous les actes de suspension des maires de villes stop et des administrateurs de territoires pris par vous stop’’.
En fait, le PPRD ne s’y serait pas pris autrement qu’il aurait voulu saborder l’action de ces gouverneurs dans leurs provinces. Il s’agit ici d’une entreprise qui risque de mettre à mal l’autorité desdits gouverneurs vis-à-vis de leurs subalternes, et partant d’installer la chienlit et des rapports conflictuels au sein de l’administration des provinces. L’on peut se demander qui pourrait tirer bénéfice de l’atmosphère malsaine et du climat délétère qui proviendrait d’un acte de sape aussi spectaculaire de l’autorité des gouverneurs et si un tel affaiblissement de l’autorité provinciale serait profitable à la mobilisation des populations autour du chef de l’Etat et de son gouvernement.
Oh, libre au pouvoir PPRD et PM s’il veut saper son propre crédit auprès des populations en jouant ses gouverneurs contre quelques maires ou administrateurs de territoire par ailleurs pris en faute. Mais le débat se pose en l’espèce sur le terrain même du respect des textes qui régentent l’Etat de droit. LES TEXTES SONT EN FAVEUR DES GOUVERNEURS
Alors, revenons-en aux questions. Est-ce qu’un gouverneur a le pouvoir de suspendre un maire de ville ou un administrateur du territoire, un bourgmestre, un agent des services déconcentrés de la Province ?
Oui, disons-nous, en référence à l’exposé des motifs de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée et en vigueur à ce jour, qui fixe le siège des pouvoirs des gouverneurs en ces termes : ’’ Au demeurant, les provinces sont administrées par un gouvernement provincial et une Assemblée provinciale. Elles comprennent, chacune, des entités territoriales décentralisées qui sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie’’. Il est clair que l’autorité du gouverneur s’étend sur ces entités. Au demeurant, la précision en est donnée par la Loi organique N° 08/ 016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces, qui stipule en son article 95 : ’’ Le gouverneur de province exerce, dans les conditions prescrites dans la présente loi, la tutelle sur les actes des entités territoriales décentralisées. Il peut déléguer cette compétence à l’Administrateur du territoire’’. Et, l’article 96 spécifie la notion même de la tutelle comme suit : ’’ La tutelle sur les actes des Entités territoriales décentralisées s’exerce par un contrôle a priori et un contrôle a posteriori’’. Et en matière d’administration, qui dit ’’pouvoir de contrôle’’ veut également dire ’’ pouvoir de sanction’’. C’est clair et net.
Mais encore, s’agissant toujours des pouvoirs des gouverneurs, La Loi N° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces est claire là-dessus et détermine le pouvoir de représentation des gouverneurs. Elle stipule en son article 63 : ’’ Le gouverneur de province représente le gouvernement central en province. Il assure dans ce cadre, la sauvegarde de l’intérêt national, le respect des lois et règlements de la République et veille à la sécurité et à l’ordre public dans la province’’.
L’article 64 indique : ’’Dans les matières relevant de la compétence exclusive du pouvoir central, le gouverneur de province coordonne et supervise les services qui relèvent de l’autorité du pouvoir central’’. Et l’article 65 précise encore : ’’ Dans l’exercice de sa mission de représentation du gouvernement central et de coordination des services publics déconcentrés en province, le gouverneur de province répond de ses actes devant le gouvernement central’’.
On le voit, que ce soit dans le cadre de ses prérogatives spécifiques ou dans celui de la représentation de l’Etat en province, le gouverneur de province possède des pouvoirs très larges pour agir et, s’il échet, sanctionner. LIMITES LEGALES A L’ARBITRAIRE ET CONFLITS DE COMPETENCE ENTRE LE GOUVERNEMENT CENTRAL ET LES PROVINCES
Les cinq gouverneurs apostrophés par le ministre de l’Intérieur disent être dans leur bon droit. Alors que le VPM Boshab invoque un abus de compétences de leur part. Mais, comment régler le problème en cas d’abus de pouvoirs d’un gouverneur ? Comment corriger des erreurs éventuelles dans le chef d’un gouverneur ? Assurément pas par un message phonique laconique.
Le constituant, d’abord, et le législateur, ensuite, ont prévu les mécanismes devant permettre de redresser les choses et la voie à suivre en cas de conflits. La Constitution du 18 février 2006 telle que révisée et en vigueur à ce jour stipule, dans son exposé des motifs : ’’En cas de conflit de compétence entre le Pouvoir central et les Provinces, la Cour constitutionnelle est la seule autorité habilitée à les départager’’. Puisqu’il semble y avoir une interprétation divergente des textes de la part des gouverneurs et du vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, c’est la Cour constitutionnelle qui devrait trancher et non un petit message provenant du ministre susmentionné.
Mais, il y a encore d’autres voies de recours en cas d’abus de pouvoirs d’un gouverneur. L’article 66 de La Loi N° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces stipule : ’’ Les actes posés par le gouverneur de province dans ces matières (NDLR : matières liées à la représentation de l’Etat en Province) sont susceptibles d’annulation. En cas de nécessité, le pouvoir central peut réformer ou se substituer au pouvoir du gouverneur de province’’.
Seulement, il ne faut pas s’arrêter à cette disposition, comme a tendance à le faire le VPM Me Boshab. Car, la même loi précise la procédure que le pouvoir central doit emprunter pour réformer la décision du gouverneur. L’article 67 prescrit justement : ’’En cas de fautes graves commises par le gouverneur de province dans l’exercice des missions des services publics déconcentrés, le pouvoir central peut : 1. Saisir l’Assemblée provinciale pour faire application des articles 41 et 42 de la présente loi ; … 3. Déférer ses actes administratifs devant la Cour administrative d’appel selon la procédure devant les juridictions administratives’’.
Les choses sont claires. Il s’agit ici du respect de l’Etat de droit qui fait une séparation entre le Pouvoir central et les Provinces, suivant les compétences dévolues à chacun. UNE QUESTION DE JURISPRUDENCE
Dans cette affaire, tous les observateurs renvoient la Vice-primature en charge de l’intérieur à une jurisprudence bien fournie en la matière. L’opinion se souvient en effet parfaitement du cas d’un cas analogue survenu dans la Ville-Province de Kinshasa. Le ’’ Haut Sommet’’, le gouverneur Ya André Kimbuta Yango, avait suspendu coup sur coup six bourgmestres des communes de sa ville, dont ceux des communes stratégiques de Ngaliema, de Bandalungwa, et de Lemba, en se référant aux textes légaux ci-dessus évoqués.
En dépit des lettres comminatoires que lui ont adressé à plusieurs reprises les autorités du pouvoir central pour le contraindre à lever ces mesures de suspension, parmi lesquelles le Premier ministre MatataPonyo, le même vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur Evariste Boshab ou même le directeur de cabinet du chef de l’Etat, le gouverneur Kimbuta s’est toujours arc-bouté aux prérogatives que lui confèrent la Constitution et les Lois du pays. A ce jour, certaines communes de Kinshasa sont dirigées depuis quelque quatre ans par des bourgmestres intérimaires nommés par le gouverneur de la ville, à la satisfaction d’ailleurs des administrés de ces municipalités qui disent avoir gagné au change.
Par ailleurs, il y a environ deux mois, le Gouverneur du nord-kivu Julien Paluku, avait suspendu le maire de la ville de Goma, du nom de NassonKabuya, qu’il avait dans la foulée remplacé par un certain Dieudonné Malere, sans pour autant s’attirer les foudres du Vice-Premier ministre Evariste Boshab.
Mais dans cette histoire, le plus curieux, c’est sans aucun doute ce fameux message fax qui fait injonction aux Gouverneur concernés de rapporter la mesure de suspension. En effet, on constate à sa lecture que celui-ci ne porte pas comme on devrait s’y attendre, la signature formelle du Vice-Premier ministre lui-même, mais un simple visa de son Directeur de cabinet adjoint, dont certains affirment qu’il serait indiscret, et à l’auteur des fuites dont est régulièrement victime le cabinet du Vice-Premier ministre.
Dans le fond, c’est là aussi le problème. Il ne s’agit pas ici de maires ou bourgmestres élus, dont l’éviction aurait pu suivre certaines règles ad hoc. Il s’agit de territoriaux nommés. Et il n’appartient pas au chef de l’Etat qui aurait nommé soi-disant un maire, d’actionner contre cet individu l’action disciplinaire.
Les gouverneurs ont pleins pouvoirs pour initier une telle procédure et prendre des mesures conservatoires qui s’imposent. Mais encore, nous avons affaire à des gouverneurs élus et non pas nommés. Me Boshab ne peut pas, par un simple message comminatoire, penser rapporter une décision mûrement réfléchie prise par ces gouverneurs. Il faut passer par la procédure qu’imposent les textes de l’Etat. Nous apprenons d’ailleurs que le ministre d’Etat à la Décentralisation, Salomon Banamuhere, est en total désaccord sur ce dossier avec son collègue de l’Intérieur, estimant qu’il faut respecter l’autorité des gouverneurs. Agir autrement, c’est du gangstérisme.
C’est donner à croire que nous sommes dans un pouvoir de copains et de coquins. Ce n’est pas cette image-là que le président Joseph Kabila voudra donner du pouvoir qu’il incarne.
CITAF n° 1221 du 23 août 2016 Boshab tempête et évoque une mauvaise interprétation de la loi par les gouverneurs
Le Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Evariste Boshab, reste ferme. Dans le débat sur le dossier des maires suspendus dans 5 provinces de la RD-Congo, il dit ne s’en tenir qu’à la loi.
D’abord au regard de la constitution qui reconnait au seul Chef de l’Etat les prérogatives de nommer les hauts fonctionnaires de l’Etat dont les maires de villes. Puis la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces. L’argumentaire de Boshab est bien bétonné.
Il s’appuie en premier lieu sur le fait que seul le Chef de l’Etat est habilité à nommer les hauts fonctionnaires de l’Etat. Argument tiré de l’article 81 de la constitution stipule : "Sans préjudice des autres dispositions de la Constitution, le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres : 1. les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires ; 2. les officiers généraux et supérieurs des forces armées et de la police nationale, le Conseil supérieur de la défense entendu ; 3. le chef d’état major général, les chefs d’état-major et les commandants des grandes unités des forces armées, le Conseil supérieur de la défense entendu ; 4. les hauts fonctionnaires de l’administration publique ; 5. les responsables des services et établissements publics ; 6. les mandataires de l’Etat dans les entreprises et organismes publics, excepté les commissaires aux comptes. Les ordonnances du Président de la République intervenues en la matière sont contresignées par le Premier ministre".
Dans cette optique, les maires de villes comptent parmi les hauts fonctionnaires de l’Etat évoqué au point 4 dudit article. En second lieu, le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur sort la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.
A commencer par l’article 63 qui prescrit : "Le Gouverneur de province représente le gouvernement central en province. Il assure, dans ce cadre, la sauvegarde de l’intérêt national, le respect des lois et règlements de la République et veille à la sécurité et à l’ordre public dans la province".
Puis l’article 64 où il est stipulé : "Dans les matières relevant compétence exclusive du pouvoir central, le gouverneur de province coordonne et supervise les services qui relèvent de l’autorité du pouvoir central".
L’article 65 enchaine : "Dans l’exercice de sa mission de représentation du gouvernement central et coordination des services publics déconcentrés en province, le gouverneur de province répond de ses actes devant le gouvernement central".
Et, en dernier lieu, l’article 66, qui vient ôter aux gouverneurs leurs prétentions, dispose : "Les actes posés par le gouverneur de province dans ces matières sont susceptibles d’annulation. En cas de nécessité, le pouvoir central peut réformer ou se substituer au pouvoir du gouverneur de province".
Boshab dit n’avoir agi que dans le respect de la loi et justifie son message phonique par le souci de ramener les gouverneurs à la raison et lui éviter d’actionner les dispositions de l’article 66 de la loi sur la libre administration des provinces. Autre argument, selon un expert, un parlementaire, de surcroit membre de la Commission PAJ de l’Assemblée nationale : "En principe, les maires doivent être élus mais faute de l’être encore, ils ont été nommés par Ordonnance présidentielle.
Et de ce point de vue, ils dépendent encore du gouvernement central et seul le Chef de l’Etat a les pouvoirs de les relever de leurs fonctions et le cas échéant, le ministre de l’Intérieur a les prérogatives de les suspendre et d’annuler toute décision inique prise par les gouverneurs de provinces dans le cadre de la représentation de l’Etat en province", souligne-t-il.
Et de renchérir : "Etant donné que le régime constitutionnel n’est encore totalement réglé, les maires, nommés par Ordonnance présidentielle sont constitutionnellement et naturellement sous tutelle du ministère de l’Intérieur".
AfricaNews n° 1267 du lundi 22 au mardi 23 août 2016
Première Question : Un gouverneur de province peut-il suspendre de ses fonctions un maire, un bourgmestre, un administrateur du territoire, un chef de secteur, un agent des services déconcentrés en province… ? Réponse : oui !
Deuxième Question : En cas de vice de forme décelé dans un acte administratif ou d’abus de pouvoirs de la part d’un gouverneur, y a-t-il des mécanismes légaux permettant de redresser l’erreur commise par ledit gouverneur ?
Réponse : Oui ! Il y a des instruments pertinents à cet effet. Voir la Constitution de la République, La Loi N° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, et La Loi Organique N° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les provinces.
Troisième Question : Le gouvernement central a-t-il intérêt à ouvrir un front avec des gouverneurs, en cette période de grande turbulence politique, et à la veille du Dialogue politique national inclusif qui s’annonce sur fond de contestations et de harcèlements de la part d’une opposition de plus en plus radicalisée ? Réponse : Non ! DE QUOI S’AGIT-IL ?
Et maintenant, venons-en aux faits. Le torchon brûle au sein de l’appareil de l’Etat et dans la famille de la Majorité au pouvoir. Cinq gouverneurs de province, et non des moindres, ont maille à partir avec le Vice Premier ministre en charge de l’Intérieur, Affaires coutumières et Ordre public, Evariste Boshab. Il s’agit des gouverneurs : Jacques Mbadu Nsitu du Kongo Central, José Makila Sumanda du Sud Ubangi, Bienvenu Essimba de la Mongala, John Tokole de la Tshopo et Tony Bolamba de l’Equateur. Ces gouverneurs, s’estimant en plein exercice de leurs prérogatives administratives, ont eu, chacun dans sa juridiction, à prendre des sanctions à l’endroit de quelques autorités territoriales, pour des griefs avérés et en respect de la procédure administrative y relative. Mais voilà qu’aujourd’hui, on ne sait trop pour quels motifs, le PPRD monte au créneau pour demander à ces gouverneurs, dans le souci sans doute de protéger des camarades du parti, de rapporter leurs décisions. Un simple message phonique a été transmis à cet effet auxdits gouverneurs. Le voici : ’’Honneur vous saluer et vous demander de rapporter ,dès réception de la présente stop tous les actes de suspension des maires de villes stop et des administrateurs de territoires pris par vous stop’’.
En fait, le PPRD ne s’y serait pas pris autrement qu’il aurait voulu saborder l’action de ces gouverneurs dans leurs provinces. Il s’agit ici d’une entreprise qui risque de mettre à mal l’autorité desdits gouverneurs vis-à-vis de leurs subalternes, et partant d’installer la chienlit et des rapports conflictuels au sein de l’administration des provinces. L’on peut se demander qui pourrait tirer bénéfice de l’atmosphère malsaine et du climat délétère qui proviendrait d’un acte de sape aussi spectaculaire de l’autorité des gouverneurs et si un tel affaiblissement de l’autorité provinciale serait profitable à la mobilisation des populations autour du chef de l’Etat et de son gouvernement.
Oh, libre au pouvoir PPRD et PM s’il veut saper son propre crédit auprès des populations en jouant ses gouverneurs contre quelques maires ou administrateurs de territoire par ailleurs pris en faute. Mais le débat se pose en l’espèce sur le terrain même du respect des textes qui régentent l’Etat de droit. LES TEXTES SONT EN FAVEUR DES GOUVERNEURS
Alors, revenons-en aux questions. Est-ce qu’un gouverneur a le pouvoir de suspendre un maire de ville ou un administrateur du territoire, un bourgmestre, un agent des services déconcentrés de la Province ?
Oui, disons-nous, en référence à l’exposé des motifs de la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée et en vigueur à ce jour, qui fixe le siège des pouvoirs des gouverneurs en ces termes : ’’ Au demeurant, les provinces sont administrées par un gouvernement provincial et une Assemblée provinciale. Elles comprennent, chacune, des entités territoriales décentralisées qui sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie’’. Il est clair que l’autorité du gouverneur s’étend sur ces entités. Au demeurant, la précision en est donnée par la Loi organique N° 08/ 016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et les Provinces, qui stipule en son article 95 : ’’ Le gouverneur de province exerce, dans les conditions prescrites dans la présente loi, la tutelle sur les actes des entités territoriales décentralisées. Il peut déléguer cette compétence à l’Administrateur du territoire’’. Et, l’article 96 spécifie la notion même de la tutelle comme suit : ’’ La tutelle sur les actes des Entités territoriales décentralisées s’exerce par un contrôle a priori et un contrôle a posteriori’’. Et en matière d’administration, qui dit ’’pouvoir de contrôle’’ veut également dire ’’ pouvoir de sanction’’. C’est clair et net.
Mais encore, s’agissant toujours des pouvoirs des gouverneurs, La Loi N° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces est claire là-dessus et détermine le pouvoir de représentation des gouverneurs. Elle stipule en son article 63 : ’’ Le gouverneur de province représente le gouvernement central en province. Il assure dans ce cadre, la sauvegarde de l’intérêt national, le respect des lois et règlements de la République et veille à la sécurité et à l’ordre public dans la province’’.
L’article 64 indique : ’’Dans les matières relevant de la compétence exclusive du pouvoir central, le gouverneur de province coordonne et supervise les services qui relèvent de l’autorité du pouvoir central’’. Et l’article 65 précise encore : ’’ Dans l’exercice de sa mission de représentation du gouvernement central et de coordination des services publics déconcentrés en province, le gouverneur de province répond de ses actes devant le gouvernement central’’.
On le voit, que ce soit dans le cadre de ses prérogatives spécifiques ou dans celui de la représentation de l’Etat en province, le gouverneur de province possède des pouvoirs très larges pour agir et, s’il échet, sanctionner. LIMITES LEGALES A L’ARBITRAIRE ET CONFLITS DE COMPETENCE ENTRE LE GOUVERNEMENT CENTRAL ET LES PROVINCES
Les cinq gouverneurs apostrophés par le ministre de l’Intérieur disent être dans leur bon droit. Alors que le VPM Boshab invoque un abus de compétences de leur part. Mais, comment régler le problème en cas d’abus de pouvoirs d’un gouverneur ? Comment corriger des erreurs éventuelles dans le chef d’un gouverneur ? Assurément pas par un message phonique laconique.
Le constituant, d’abord, et le législateur, ensuite, ont prévu les mécanismes devant permettre de redresser les choses et la voie à suivre en cas de conflits. La Constitution du 18 février 2006 telle que révisée et en vigueur à ce jour stipule, dans son exposé des motifs : ’’En cas de conflit de compétence entre le Pouvoir central et les Provinces, la Cour constitutionnelle est la seule autorité habilitée à les départager’’. Puisqu’il semble y avoir une interprétation divergente des textes de la part des gouverneurs et du vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, c’est la Cour constitutionnelle qui devrait trancher et non un petit message provenant du ministre susmentionné.
Mais, il y a encore d’autres voies de recours en cas d’abus de pouvoirs d’un gouverneur. L’article 66 de La Loi N° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces stipule : ’’ Les actes posés par le gouverneur de province dans ces matières (NDLR : matières liées à la représentation de l’Etat en Province) sont susceptibles d’annulation. En cas de nécessité, le pouvoir central peut réformer ou se substituer au pouvoir du gouverneur de province’’.
Seulement, il ne faut pas s’arrêter à cette disposition, comme a tendance à le faire le VPM Me Boshab. Car, la même loi précise la procédure que le pouvoir central doit emprunter pour réformer la décision du gouverneur. L’article 67 prescrit justement : ’’En cas de fautes graves commises par le gouverneur de province dans l’exercice des missions des services publics déconcentrés, le pouvoir central peut : 1. Saisir l’Assemblée provinciale pour faire application des articles 41 et 42 de la présente loi ; … 3. Déférer ses actes administratifs devant la Cour administrative d’appel selon la procédure devant les juridictions administratives’’.
Les choses sont claires. Il s’agit ici du respect de l’Etat de droit qui fait une séparation entre le Pouvoir central et les Provinces, suivant les compétences dévolues à chacun. UNE QUESTION DE JURISPRUDENCE
Dans cette affaire, tous les observateurs renvoient la Vice-primature en charge de l’intérieur à une jurisprudence bien fournie en la matière. L’opinion se souvient en effet parfaitement du cas d’un cas analogue survenu dans la Ville-Province de Kinshasa. Le ’’ Haut Sommet’’, le gouverneur Ya André Kimbuta Yango, avait suspendu coup sur coup six bourgmestres des communes de sa ville, dont ceux des communes stratégiques de Ngaliema, de Bandalungwa, et de Lemba, en se référant aux textes légaux ci-dessus évoqués.
En dépit des lettres comminatoires que lui ont adressé à plusieurs reprises les autorités du pouvoir central pour le contraindre à lever ces mesures de suspension, parmi lesquelles le Premier ministre MatataPonyo, le même vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur Evariste Boshab ou même le directeur de cabinet du chef de l’Etat, le gouverneur Kimbuta s’est toujours arc-bouté aux prérogatives que lui confèrent la Constitution et les Lois du pays. A ce jour, certaines communes de Kinshasa sont dirigées depuis quelque quatre ans par des bourgmestres intérimaires nommés par le gouverneur de la ville, à la satisfaction d’ailleurs des administrés de ces municipalités qui disent avoir gagné au change.
Par ailleurs, il y a environ deux mois, le Gouverneur du nord-kivu Julien Paluku, avait suspendu le maire de la ville de Goma, du nom de NassonKabuya, qu’il avait dans la foulée remplacé par un certain Dieudonné Malere, sans pour autant s’attirer les foudres du Vice-Premier ministre Evariste Boshab.
Mais dans cette histoire, le plus curieux, c’est sans aucun doute ce fameux message fax qui fait injonction aux Gouverneur concernés de rapporter la mesure de suspension. En effet, on constate à sa lecture que celui-ci ne porte pas comme on devrait s’y attendre, la signature formelle du Vice-Premier ministre lui-même, mais un simple visa de son Directeur de cabinet adjoint, dont certains affirment qu’il serait indiscret, et à l’auteur des fuites dont est régulièrement victime le cabinet du Vice-Premier ministre.
Dans le fond, c’est là aussi le problème. Il ne s’agit pas ici de maires ou bourgmestres élus, dont l’éviction aurait pu suivre certaines règles ad hoc. Il s’agit de territoriaux nommés. Et il n’appartient pas au chef de l’Etat qui aurait nommé soi-disant un maire, d’actionner contre cet individu l’action disciplinaire.
Les gouverneurs ont pleins pouvoirs pour initier une telle procédure et prendre des mesures conservatoires qui s’imposent. Mais encore, nous avons affaire à des gouverneurs élus et non pas nommés. Me Boshab ne peut pas, par un simple message comminatoire, penser rapporter une décision mûrement réfléchie prise par ces gouverneurs. Il faut passer par la procédure qu’imposent les textes de l’Etat. Nous apprenons d’ailleurs que le ministre d’Etat à la Décentralisation, Salomon Banamuhere, est en total désaccord sur ce dossier avec son collègue de l’Intérieur, estimant qu’il faut respecter l’autorité des gouverneurs. Agir autrement, c’est du gangstérisme.
C’est donner à croire que nous sommes dans un pouvoir de copains et de coquins. Ce n’est pas cette image-là que le président Joseph Kabila voudra donner du pouvoir qu’il incarne.
CITAF n° 1221 du 23 août 2016 Boshab tempête et évoque une mauvaise interprétation de la loi par les gouverneurs
Le Vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, Evariste Boshab, reste ferme. Dans le débat sur le dossier des maires suspendus dans 5 provinces de la RD-Congo, il dit ne s’en tenir qu’à la loi.
D’abord au regard de la constitution qui reconnait au seul Chef de l’Etat les prérogatives de nommer les hauts fonctionnaires de l’Etat dont les maires de villes. Puis la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces. L’argumentaire de Boshab est bien bétonné.
Il s’appuie en premier lieu sur le fait que seul le Chef de l’Etat est habilité à nommer les hauts fonctionnaires de l’Etat. Argument tiré de l’article 81 de la constitution stipule : "Sans préjudice des autres dispositions de la Constitution, le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres : 1. les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires ; 2. les officiers généraux et supérieurs des forces armées et de la police nationale, le Conseil supérieur de la défense entendu ; 3. le chef d’état major général, les chefs d’état-major et les commandants des grandes unités des forces armées, le Conseil supérieur de la défense entendu ; 4. les hauts fonctionnaires de l’administration publique ; 5. les responsables des services et établissements publics ; 6. les mandataires de l’Etat dans les entreprises et organismes publics, excepté les commissaires aux comptes. Les ordonnances du Président de la République intervenues en la matière sont contresignées par le Premier ministre".
Dans cette optique, les maires de villes comptent parmi les hauts fonctionnaires de l’Etat évoqué au point 4 dudit article. En second lieu, le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur sort la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.
A commencer par l’article 63 qui prescrit : "Le Gouverneur de province représente le gouvernement central en province. Il assure, dans ce cadre, la sauvegarde de l’intérêt national, le respect des lois et règlements de la République et veille à la sécurité et à l’ordre public dans la province".
Puis l’article 64 où il est stipulé : "Dans les matières relevant compétence exclusive du pouvoir central, le gouverneur de province coordonne et supervise les services qui relèvent de l’autorité du pouvoir central".
L’article 65 enchaine : "Dans l’exercice de sa mission de représentation du gouvernement central et coordination des services publics déconcentrés en province, le gouverneur de province répond de ses actes devant le gouvernement central".
Et, en dernier lieu, l’article 66, qui vient ôter aux gouverneurs leurs prétentions, dispose : "Les actes posés par le gouverneur de province dans ces matières sont susceptibles d’annulation. En cas de nécessité, le pouvoir central peut réformer ou se substituer au pouvoir du gouverneur de province".
Boshab dit n’avoir agi que dans le respect de la loi et justifie son message phonique par le souci de ramener les gouverneurs à la raison et lui éviter d’actionner les dispositions de l’article 66 de la loi sur la libre administration des provinces. Autre argument, selon un expert, un parlementaire, de surcroit membre de la Commission PAJ de l’Assemblée nationale : "En principe, les maires doivent être élus mais faute de l’être encore, ils ont été nommés par Ordonnance présidentielle.
Et de ce point de vue, ils dépendent encore du gouvernement central et seul le Chef de l’Etat a les pouvoirs de les relever de leurs fonctions et le cas échéant, le ministre de l’Intérieur a les prérogatives de les suspendre et d’annuler toute décision inique prise par les gouverneurs de provinces dans le cadre de la représentation de l’Etat en province", souligne-t-il.
Et de renchérir : "Etant donné que le régime constitutionnel n’est encore totalement réglé, les maires, nommés par Ordonnance présidentielle sont constitutionnellement et naturellement sous tutelle du ministère de l’Intérieur".
AfricaNews n° 1267 du lundi 22 au mardi 23 août 2016