Surnommé « réparateur des femmes » ou « Docteur courage », Dr Denis Mukwege, ce médecin qui, depuis 15 ans, a sauvé la vie à des milliers de femmes violées dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), a reçu le Prix Sakharov lors de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg le 26 novembre 2014.
Le chirurgien congolais a profité de la tribune du Parlement européen pour dire au monde entier la misère que vivent les populations de son pays. « La région où je vis est l’une des plus riches de la planète ; pourtant l’écrasante majorité de ses habitants vivent dans une extrême pauvreté liée à l’insécurité et à la mauvaise gouvernance », a-t-il lâché d’entrée de jeu, avant d’ajouter que « le corps des femmes est devenu un véritable champ de bataille, et le viol est utilisé comme une arme de guerre ». Et le Dr Denis Mukwege de lâcher sa bombe : « Nous avons pris trop de temps et d’énergie à réparer les conséquences de la violence. Il est temps de s’occuper des causes. Parlant de ces causes, il a dit aux députés européens que « le peuple congolais a soif de justice, de paix et aspire au changement ». Dans la foulée, il a demandé aux partenaires de la RDC « d’agir urgemment ».
Car, pour lui, « les solutions existent et exigent une réelle volonté politique ». Pour ce faire, Dr Mukwege a rappelé que l’Accord-cadre pour la Paix, la Sécurité et la Coopération, signé à Addis-Abeba en 2013, ne peut rester une simple feuille de papier. Par ailleurs, celui que tout le monde appelle «Dr courage» a souligné qu’en RDC, «la consolidation de l’Etat et le rétablissement de la sécurité à l’Est constituent la priorité des priorités ». Et que la réforme du secteur de la sécurité est «l’une des plus importantes réformes institutionnelles et est au cœur des efforts de mise en œuvre de la responsabilité primaire de l’Etat congolais de protéger les civils». Son réquisitoire ne s’est pas arrêté-là.
Car, Dr Mukwege, ne cachant pas ses regrets, a rappelé que «dans le reste du monde, chacun se soulèverait d’indignation ; dans la société congolaise en perte de repères, les atrocités de masse passent dans l’actualité comme de simples faits divers, signes désolants d’une société traumatisée par trop de violence, d’une absence de responsabilité politique et d’une négation de notre humanité commune. Pour un discours prononcé par un médecin à l’occasion de la remise d’un diplôme de mérite pour l’ensemble de son œuvre, celui lâché par Dr Denis Mukwege ressemble non seulement à un réquisitoire prononcé contre les tenants du pouvoir à Kinshasa, mais aussi et surtout comme un discours de campagne d’un futur candidat. L’interviewant après la cérémonie de la remise de diplôme, notre confrère Christian Lusakweno de la radio TopCongo lui a même posé la question de savoir s’il ne se voyait pas à la tête de la RDC en 2016. Sa réponse : « Je crois que ça c’est une mauvaise façon d’appréhender la chose. Moi, je crois plus à la force populaire … Je crois que la population congolaise doit avoir la responsabilité de se choisir ses dirigeants et non des gens qui viennent lui imposer leur pouvoir ». Bien plus, certains médias occidentaux décèleraient en lui les ambitions politiques.
« Il semble que l’appétit vient en mangeant », dit-on. Dr Denis Mukwege, candidat à la présidentielle de 2016 ? Il parait que cette hypothèse n’est pas totalement à écarter.
CN