Vers une invasion « ouverte et autorisée » de la RDC par les armées du Rwanda et de l’Ouganda?

Vendredi 27 février 2015 - 08:41

Dans le cadre d'un plan de démanteler les FDRL à l'Est de la RDC, des manœuvres sont en cours pour remplacer la MONUSCO par l'EASF, une force armée sous la coupe de Kagame et Museveni.

Au cours, d’une conférence de presse tenue le 21 février 2015 à Kigali en marge de la visite du ministre allemand des Affaires étrangères, la ministre rwandaise des Affaires étrangères a fait une déclaration qui ne devrait pas passer inaperçue. En effet, Louise Mushikiwabo a affirmé que la MONUSCO, qui coûte des millions de dollars par an, reste inefficace notamment en étant incapable de démanteler la rébellion hutu des FDLR.

Pour elle, il serait temps de remplacer la MONUSCO par une autre force qui serait plus efficace dans l’éradication des FDLR.

On notera d’abord que cette déclaration a été faite à l’occasion de la toute première visite d’un ministre des Affaires étrangères allemand au Rwanda. Quand on sait que l’Allemagne est très impliquée (on ne sait pour quel intérêt) dans la chasse et la neutralisation des réfugiés hutu où qu’ils soient, on ne peut que prendre cet avertissement au sérieux.

L’on sait en effet que l’Allemagne a arrêté et garde en prison depuis des années les leaders politiques des FDLR pour soi-disant les crimes qu’ils auraient commis en RDC alors que certains n’y ont jamais mis les pieds. Leur seul crime aux yeux des autorités allemandes est de se déclarer ouvertement opposants au régime dictatorial installé au Rwanda en 1994.

L’on se rappellera ensuite que c’est un diplomate allemand, Martin Kobler, qui est le patron de la MONUSCO en RDC et que celui-ci ne jure que par l’anéantissement des réfugiés hutu vivant à l’Est de la RDC qu’il assimile tous aux FDLR, un mouvement politico-militaire étiqueté de « terroriste » par Kigali.

Il semble donc que L. Mushikiwabo, en tandem avec Kampala, confiante dans le feu vert des superpuissances pour envahir ouvertement la RDC, soit en train de préparer l’opinion et de baliser le chemin médiatique et diplomatique en attendant le jour « J ».

Antécédents

Ce ne serait pas la première fois que ces bras armés des Superpuissances dans la région depuis plus de 25 ans sous un prétexte apparemment légitime et banal soient mis à contribution pour asseoir les objectifs stratégiques de leurs maîtres.

Ainsi : en 1996, sous prétexte de démanteler les camps de l’Est du Zaïre dont ils disaient être contrôlés par des « génocidaires », l’Armée Patriotique Rwandaise a servi d’exécutant pour chasser le maréchal Mobutu au pouvoir comme en avaient décidé ces superpuissances.

De même de 1998 à environ 2003, les armées rwandaise et ougandaise, sous prétexte de défendre les minorités ethniques apparentées à leurs populations, ont occupé et exploité l’Est de la RDC par le truchement des rébellions créées et soutenues par ces pays : RCD, RCD-Goma, CNCD, M23…

Prétextes en or

Pour le prochain coup, le prétexte est tout trouvé et est bien médiatisé que ce soit pour le Rwanda ou pour l’Ouganda. Le Rwanda de Paul Kagame est parvenu à faire admettre aux décideurs du monde qu’un mouvement dénommé « FDLR » est une organisation terroriste et qu’il serait à la base de l’insécurité à l’Est de la RDC et dans toute la région.

La force de conviction du régime rwandais est d’autant plus incompréhensible que même les personnes physiques ou morales qui côtoient ces FDLR tous les jours savent que ces combattants ne font que protéger les réfugiés hutu estimés par le HCR et la RDC à près de 250.000 âmes, qu’ils ne réclament rien d’autre que de rentrer dans leur pays en toute dignité et jouir de leurs droits politiques, et qu’ils vivent en bons termes avec les populations congolaises…
Non, même ces ONG, ces Groupes d’Experts de l’ONU, ces officiers de la MONUSCO, qui tous savent que les FDLR aujourd’hui estimés à moins de 1500 hommes, mal équipés, ne constitueraient en aucun cas une menace pour un quelconque pays et encore moins pour la région, n’osent pas démentir Kigali de peur de s’attirer les foudres de ses puissants protecteurs.

C’est ainsi que l’organisation FDLR continue à être agitée comme un épouvantail mais sans que personne ne se pose de questions sur sa nature, son objectif, sa vrai force et ses capacités.

Une nouvelle donne qui a brouillé les cartes

En 2012, une nouvelle rébellion tutsi est créée par Kigali sur les cendres de l’ancienne dite CNCD dont le leader, le tutsi rwando-congolais Laurent Nkunda, avait trouvé refuge au Rwanda quelques mois auparavant.

Ils lui donneront le nom de M23 et en quelques semaines, il s’emparera de la grande partie de la province du Nord Kivu. La curieuse rébellion parviendra même à s’emparer de la capitale de cette province, la ville de Goma à la barbe des milliers de soldats surarmés de la MONUSCO. De Goma, les rebelles tutsi menaceront même de marcher sur Kinshasa sur les traces de leurs prédécesseurs de 1997.

C’est alors qu’un tournant diplomatique se produisit. La RDC parvint pour une fois à obtenir de l’ONU que ses forces l’aident à rétablir sa souveraineté sur l’étendue de la province du Nord Kivu. Il s’en suivit la création en 2013 de la Brigade d’Intervention intégrée dans la MONUSCO et forte de 3000 hommes. Cette Brigade, composée d’unités provenant de la Tanzanie, de l’Afrique du Sud et du Malawi, n’auront pas de peine à affronter la rébellion fantoche du M23 et, après quelques mois, soit en décembre 2013 à la défaire et à voir ses chefs et les combattants se replier en Ouganda et au Rwanda.

Comme le mandat de la Brigade d’Intervention était et est toujours de démanteler tous les groupes armées opérant à l’Est de la RDC, le Rwanda, profitant du siège non permanent au Conseil d Sécurité qu’il occupait depuis 2012, parvint à imposer que la prochaine priorité de la Brigade d’Intervention devait être l’anéantissement des FDLR.

Or, c’était sans compter sur la réalité du terrain et les intérêts géostratégiques des acteurs locaux. En effet, il n’est pas nécessaire d’être Breveté d’Etat Major pour se rendre compte qu’il est inutile de lancer une attaque classique avec une préparation à l’artillerie lourde, une attaque au sol avec des véhicules blindés, un appui aérien avec des hélicoptères armés… contre un ennemi qui n’occupe aucun objectif-terrain bien précis et identifiable, qui vit au milieu de la population civile que l’attaquant est censé protéger, qui refuse le contact par le feu…

Autant d’éléments d’appréciation que les officiers de la MONUSCO en général et de la Brigade d’Intervention en particulier ont analysé avant de se lancer tête baissée dans une « opération contre les FDLR » qui n’en serait pas une.

Autres éléments, en s’impliquant dans le dossier de l’Est de la RDC, la Tanzanie et l’Afrique du Sud, en tant que puissances régionales incontestables ont davantage appris et peut-être elles découvrent petit à petit que les vérités professées par le FPR de Paul Kagame depuis 1990 ne sont plus immuables.

De même, ces deux puissances veulent aussi leur part du gâteau dans l’exploitation de l’Est de la RDC qui est en cours depuis 1997 et leur mot à dire sur le dépeçage de la RDC si jamais il advenait.

C’est donc cette nouvelle donne qui brouille les cartes du FPR de Paul Kagame (en réalité de ses commanditaires) qui est à la base de l’énervement de Kigali.

Changer le fusil d’épaule

Dès l’annonce des pays qui allaient fournir les troupes devant composer la Brigade d’Intervention de la MONUSCO, les conseillers de Paul Kagamé ont vu rouge et l’ont averti du risque de voir perdre le monopole de faire la pluie et le beau temps à l’Est de la RDC.

Des démarches diplomatiques ont alors été menées en catimini pour mettre sur pied une force pouvant suppléer celle de l’ONU dans la région si c’était nécessaire.

C’est ainsi que Kagame et Museveni ont mis sur pied une force dénommée : East African Stand-by Force (EASF) constituée de soldats rwandais et ougandais auxquels on a joint quelques soldats kenyans et burundais pour faire illusion du caractère est-africain de la force.

Depuis lors, les médias pro-Kagame ne cessent de vanter l’efficacité de cette force qui pourtant n’a pas encore été déployée nulle part. Cette publicité mensongère et intentionnée vient de franchir une nouvelle étape car le régime du FPR de Paul Kagam (ou plutôt ses parrains) sont parvenus à convaincre les instances de l’Union Africaine (dont on connaît le sérieux !) qu’elles seraient très bien inspirées en confiant le mandat de la MONUSCO à l’Est de la RDC à la fameuse Force de Kagame et Museveni dénommée : EASF.

Que peut la RDC ?

Encore une fois, la RDC va être prise à la gorge à un moment crucial de son histoire. En effet, avec la fin de mandat de Joseph Kabila, le pays est à la croisée des chemins.

Les prédateurs savent qu’une telle période de transition pendant laquelle les politiciens se positionnent à qui mieux mieux, n’est pas propice pour penser aux intérêts supérieurs de la nation.

La RDC n’est pas membre de la Communauté Economique de l’Afrique de l’Est dont la fameuse force créée et qui est sensée y assurer la sécurité. Mais ses membres influents que sont le Rwanda de Paul Kagame et l’Ouganda de Yoweri Museveni clament que leur sécurité est menacée par les éléments se trouvant en RDC et donc qu’ils ont un droit légitime d’aller les démanteler.

Le pire est qu’ils sont soutenus (ou même encouragés) dans cette voie par les superpuissances qui régentent le monde. Maintenant le Rwanda dénonce officiellement l’inefficacité de la MONUSCO et son incapacité à anéantir les Hutu au Kivu. Il ne tardera pas à demander le remplacement de la Brigade d’Intervention par une Brigade de sa EASF. L’Ouganda va lui emboîter le pas en évoquant la mystérieuse rébellion de ADF-Nalu.

Les deux compères ont presque déjà l’aval de l’Union Africaine. La RDC, en pleine période de transition démocratique, ce qui ne peut avoir lieu chez ses agresseurs (Kagame 20 ans de pouvoir, Museveni 29 ans au pouvoir, et sans limitation de mandats… ), saura-t-elle s’opposer à cette nième humiliation ? That is the question.

 

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