Sous le titre « Elections en RDC : l’Union européenne veut des garanties », Rfi rapporte dans sa dépêche du 5 décembre 2014 mise en ligne à 10h03, l’information selon laquelle « En République Démocratique du Congo, l’Union Européenne prévient : elle ne financera pas les élections si le gouvernement et la commission électorale ne présentent pas un calendrier et un budget global, alors que de plus en plus, on évoque un report des élections locales prévues officiellement dans 6 mois.
Les Etats-Unis sont allés plus loin en se prononçant contre une modification de la Constitution qui pourrait permettre au président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de ses deux mandats constitutionnels. Le Conseil de sécurité de l’ONU avait déjà prévenu il y a tout juste un mois : ‘Pas de soutien logistique de la Monusco sans feuille de route et budget pour les élections’. L’Union européenne fait la même chose à son tour. Pas encore de ligne rouge du côté de l’Europe mais une simple mise en garde...
On peut alors l’affirmer : à la lumière de cette information, la communauté internationale fait chorus autour du calendrier électoral global intégrant aussi la présidentielle. Normal : l’article 73 de la Constitution dispose que « Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice ».
L’investiture du Président de la République en fonction Joseph Kabila ayant eu lieu le 20 décembre 2011, la prochaine élection présidentielle va devoir se dérouler pendant la période comprise entre septembre, octobre, novembre et décembre 2016.
Qu’adviendrait-il cependant en cas de dépassement de délai, et cela pour une raison ou une autre ? Brûlerait-on la maison Congo ? A l’analyse de l’expérience de 2011, on peut dire des « pyromanes » qu’il risque d’être déçus. Le Congo-Kinshasa ne va pas brûler.
Et pour cause !
DES FAITS...
L’Opposition, qui réclame haut et fort, et encore en toute légitimité, la publication du calendrier électoral global, a la capacité d’appréhender sérieusement, d’interpréter correctement et de comprendre réellement les faits (défis) tels qu’ils se présentent.
Premier fait ou défi : elle s’appuie sur la Résolution 2098 du Conseil de sécurité de l’Onu qui préconise « un dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les parties prenantes congolaises en vue de favoriser la réconciliation et la démocratisation et encourager l’organisation d’élections provinciales et locales crédibles et transparentes ». C’est au point 14.b., en pages 8 et 9. Oui, il est question des provinciales et des locales.
La question est de savoir comment concilier les deux exigences...contraires.
Deuxième fait et défi : l’Opposition réclame à juste titre la publication du calendrier électoral global. Elle se doit d’admettre que cette revendication n’a de sens que lorsqu’elle s’applique la garantie du financement tout aussi global.
Dans cet ordre d’idées, la Céni peut bien adopter ce calendrier, le publier par panneaux publicitaires, voire le faire lire dans des paroisses et mosquées, sinon dans des bars et bistrots, le document risque de rester lettre morte tant que les moyens financiers ne seront pas entièrement disponibles.
Troisième fait et défi : l’Opposition ne peut pas ne pas capter les signaux, non encourageants, émanant des partenaires extérieurs. Les estimations remontant à l’époque de la Cei avaient situé à un milliard USD presque l’enveloppe du calendrier électoral global comprenant, tout naturellement, les élections locales, municipales, urbaines, provinciales, législatives et présidentielle.
Sauf mauvaise foi, elle connaît les raisons pour lesquelles, avec l’accord de la communauté internationale (alors principal bailleur de fonds), l’option avait été levée en 2005-2006 d’organiser un recensement réservé aux électeurs (d’où l’enrôlement et l’identification) et la tenue des élections présidentielle, législatives et provinciales essentiellement financée par l’Union européenne pour 500 millions USD.
Sauf encore mauvaise foi, l’Opposition sait que les élections présidentielle, législatives et provinciales de 2011 avaient failli ne pas être organisées si le Gouvernement central n’avait pas mis la main à la poche en déboursant 400 millions USD. Pour rappel, l’Union européenne avait sensiblement réduit sa quote-part. La dépêche de Rfi signale qu’ » En 2011, l’Europe avait prévu de financer les élections à hauteur de 47 millions d’euros, suspendant, au vu des dérives observées, le dernier décaissement de 12 millions ». Et d’ajouter : « Une partie de cet argent sert aujourd’hui à financer trois experts techniques auprès de la Céni mais surtout un programme de soutien à l’observation électorale par la société civile ».
Quatre fait et défi : l’Opposition sait que pour 2016, sur le presqu’un milliard USD nécessité par le calendrier électoral global, Washington a annoncé 30 millions USD (même si une rallonge est promise).
Aussi, sans préjuger des intentions de la communauté internationale, on peut avancer que l’expérience de 2011 n’incite guère à l’optimisme. Pas grand-chose ne sortira du partenariat extérieur. Ce qui veut dire que le Gouvernement congolais devra rééditer l’exploit de trouver l’essentiel du financement global. Peut-être 400 ou 600 millions USD.
Après tout, à l’occasion de la célébration de ses 15 ans de présence en RDC, la Mission onusienne, par la voix autorisée de son n°2 Abdallah Wafy, est d’avis que « Aujourd’hui, la RDC est un pays réunifié, avec des institutions qui fonctionnent, avec des institutions très fortes, avec une armée nationale, une police nationale, une justice qui fonctionne, une économie qui est en train de se développer, avec la sécurité dans la quasi-totalité du territoire congolais. Cela grâce aux efforts des Congolais, des Congolaises, des autorités, mais aussi avec l’appui de la Monusco » ! (Lire BALISES DE NDL)
Le pragmatisme consiste à admettre que la communauté internationale - consciente de la capacité désormais démontrée de la RDC de financer une bonne partie de son processus électoral - ne reviendra plus avec une enveloppe de 500 millions de USD. C’est faire preuve de naïveté que d’y croire huit ans après.
Reste maintenant à identifier clairement le gouvernement qui engagera la République face aux bailleurs bilatéraux et multilatéraux puisque - la précision mérite d’être donnée - la Céni (comme la Cei hier) n’est pas habilitée à encaisser directement les apports financiers extérieurs, encore moins à acquérir de l’étranger la logistique en dehors ou à l’insu de l’Exécutif. La coopération structurelle relève de la compétence de l’Exécutif.
LE SEUL MOYEN...
C’est ici que les analystes avertis font parler l’Accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013 et la Résolution 2098 du Conseil de sécurité de l’Onu du 28 mars de la même année. Le premier document fait prendre au Gouvernement de la République l’engagement de « Continuer et approfondir la réforme du secteur de la sécurité, en particulier en ce qui concerne l’armée et la police ; Consolider l’autorité de l’Etat, en particulier à l’est de la République démocratique du Congo, y compris en empêchant les groupes armés de déstabiliser les pays voisins ; Effectuer des progrès en ce qui concerne la décentralisation ; Promouvoir le développement économique, y compris au sujet de l’expansion des infrastructures et de la fourniture de services sociaux de base ; Promouvoir la réforme structurelle des institutions de l’Etat, y compris la réforme des finances ; et Promouvoir les objectifs de réconciliation nationale, de tolérance, et de démocratisation ».
La Résolution du Conseil de sécurité se fixe les objectifs suivants : « a) Encourager les autorités nationales de la République démocratique du Congo à s’approprier davantage et avec diligence la réforme du secteur de la sécurité, notamment en élaborant et en appliquant en toute urgence une stratégie nationale pour la mise en place d’institutions judiciaires et de sécurité efficaces, ouvertes à tous et responsables, et jouer un rôle directeur dans la coordination de l’appui à la réforme du secteur de sécurité fourni par les partenaires internationaux et bilatéraux et par le système des Nations Unies ; Promouvoir un dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les parties prenantes congolaises en vue de favoriser la réconciliation et la démocratisation et encourager l’organisation d’élections provinciales et locales crédibles et transparentes » et « Encourager la mise en place rapide et la consolidation d’une structure civile nationale efficace pour contrôler les principales activités minières et pour gérer équitablement l’extraction et le commerce des ressources naturelles dans l’est de la République démocratique du Congo ».
Bref, l’Accord-cadre et la Résolution, évoqués au demeurant dans l’ordonnance relative à l’organisation des Concertations nationales, préconisent clairement un programme de gouvernement qui ne pourra être exécuté que par un gouvernement de consensus national, peu importe de l’appeler gouvernement de cohésion ou d’union nationale ou encore gouvernement du salut public.
C’est le seul moyen, mais alors le seul susceptible de permettre à la Majorité, à l’Opposition et à la Société civile de s’impliquer tous, et cela véritablement, dans l’organisation des élections transparentes, libres et démocratiques, cela à tous points de vue, souhait qu’émet la communauté internationale.
Boycotter ce gouvernement a quelque chose de suicidaire. Omer Nsongo die Lema