L’armée congolaise a lancé mardi des opérations contre des rebelles hutus rwandais installés depuis vingt ans dans l’est de la République démocratique du Congo et accusés de graves crimes.
Annoncée depuis des semaines, cette opération s’annonce compliquée car elle est lancée sans le soutien de la force des Nations unies en RDC, la Monusco, et alors qu’une certaine grogne gagne l’armée dans la région en raison du manque de moyens.
« Les opérations contre les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) ont commencé au Sud-Kivu tôt ce matin et vont durer aussi longtemps que ces gens vont résister », a déclaré à l’AFP un officier des Forces armées de la RDC (FARDC) sous le couvert de l’anonymat.
Cet officier et un haut responsable du Sud-Kivu ont précisé que l’armée agissait sans les Casques bleus.
« On va affronter les FDLR dans n’importe quelles conditions », a affirmé l’officier, soulignant que « tous les autres groupes armés réfractaires » à se rendre risqueront également de se voir attaqués par l’armée.
« On entend des détonations ici à Lemera, à une trentaine de kilomètres de Mulenge », a témoigné à l’AFP Innocent Ndaheba, responsable de la Société civile (qui regroupe des associations, des ONG et des syndicats) de la région, selon lequel les FARDC se déployaient « depuis deux jours ».
Gode Mutama, un habitant de Mulenge, est inquiet. « On craint les dommages collatéraux de ces attaques. On vit à quelques kilomètres des opérations ».
« On a pris des dispositions pour protéger la population », a pour sa part assuré l’officier.
- Doutes -
L’armée congolaise avait annoncé le 29 janvier qu’elle allait cibler les FDLR, dont des membres sont accusés de participation au génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda (800.000 morts selon l’ONU). Cette rébellion est en outre accusée d’exactions, telles que meurtres, viols, enrôlements d’enfants, pillages, en RDC où elle se livre à de lucratifs trafics de bois et d’or.
Les FDLR ne compteraient plus aujourd’hui que 1.500 à 2.000 combattants disséminés essentiellement dans les montagnes boisées du Nord et du Sud-Kivu, deux provinces frontalières du Rwanda déchirées par des conflits armés depuis plus de vingt ans.
La Mission de l’ONU (Monusco) avait promis un soutien logistique, stratégique et opérationnel, mais elle l’a retiré parce que Kinshasa a refusé de changer deux généraux, Bruno Mandevu et Sikabwe Fall, chargés de piloter l’offensive alors qu’ils sont soupçonnés par l’ONU de graves violations des droits de l’Homme.
La communauté internationale avait laissé aux FDLR six mois, jusqu’au 2 janvier, pour déposer les armes et se rendre, mais à peine 300 combattants s’étaient rendus, dont aucun des chefs recherchés par la justice rwandaise et la Cour pénale internationale (CPI).
Les FDLR, qui n’ont plus lancé d’attaque d’envergure contre le Rwanda depuis le début des années 2000, avaient amorcé ce processus de reddition pour se consacrer à une lutte politique et en espérant l’ouverture d’un dialogue avec Kigali. Mais le pouvoir rwandais s’y refuse catégoriquement, estimant que les rebelles constituent toujours une menace pour lui ainsi que pour la région des Grands Lacs.
Des observateurs doutaient de la volonté réelle de Kinshasa de combattre les FDLR avec qui des officiers de l’armée entretiennent des liens étroits, selon des experts de l’ONU. Et en cas d’offensive, ils s’attendaient plus à un simulacre pour calmer les attentes de la communauté internationale.
Un diplomate occidental compte parmi les sceptiques. « Les FDLR constituent désormais plus un groupe économique dont les activités lucratives profitent à tout le monde. Hormis quelques dizaines de +hard-liners+ (de l’aile dure) poursuivis par la CPI, l’essentiel des FDLR est désormais trop bien implanté. »