Le gouverneur du Nord-Kivu (Est) redoute « un arrêt cardiaque » pour les institutions des 1435 Entités territoriales décentralisées (ETD) où seront organisées les élections locales en 2015, dans le cadre de la Décentralisation de la République démocratique du Congo (RDC).
Quelque 1435 Entités territoriales décentralisées, où seront organisées les élections locales par la Commission électorale nationale indépendante, ont été identifiées) à travers le pays. Avec un budget national en ressources propres d’environ 6 milliards de dollars américains, 2 milliards de dollars représentant la retenue à la source de 40% devraient revenir aux 26 provinces constitutionnelles », a déclaré Julien Paluku aux ateliers jubilaires du Parti lumumbiste (Palu), qui se tiennent à Kinshasa.
Jugeant « insuffisants » les fonds qui leur sont destinées suivant la même répartition au niveau de chaque province, il a averti que « les Entités territoriales décentralisées vont vers presqu’un arrêt cardiaque ».
En effet, a-t-il relevé dans son exposé du 15 novembre 2014 en se fiant aux chiffres confirmés aux ateliers par l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito, modérateur des débats, « le budget du gouvernement central en ressources propres, généralement adopté au parlement (Assemblée nationale et Sénat) à hauteur de 9 milliards USD, est de 5,5 milliards USD en 2014 et sera de 6 milliards USD pour l’exercice 2015 ».
« Si l’on éclate la rétrocession des 40%, soit 2 milliards USD, combien recevra chacune des 1435 ETD pour payer la fonction publique provinciale et locale, notamment le personnel politique, les enseignants et les infirmiers qui constituent 50% des fonctionnaires et agents de l’Etat en RDC ? », s’est interrogé le gouverneur du Nord-Kivu.
Julien Paluku a stigmatisé le fait que le gouvernement central ne rétrocède à ce jour que 10% aux provinces, juste de quoi financer l’Assemblée provinciale, le gouvernement provincial et la machine bureaucratique.
« Le budget des recettes et des dépenses de l'Etat, à savoir celui du pouvoir central et des provinces, est arrêté chaque année par une loi. La part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source », stipule pourtant l’article 175 de la Constitution.
Matières de la compétence exclusive des provinces
L’article 2 de la Constitution dispose que « la République démocratique du Congo est composée de la ville de Kinshasa et de 25 provinces dotées de la personnalité juridique ».
Ces provinces sont : Bas-Uele, Equateur, Haut-Lomami, Haut-Katanga, Haut-Uele, Ituri, Kasai, Kasai Oriental, Kongo central, Kwango, Kwilu, Lomami, Lualaba, Kasaï Central, Mai-Ndombe, Maniema, Mongala, Nord-Kivu, Nord-Ubangi, Sankuru, Sud-Kivu, Sud-Ubangi, Tanganyika, Tshopo, Tshuapa.
Kinshasa est la capitale du pays et le siège des institutions nationales. Elle a le statut de province. La capitale ne peut être transférée dans un autre lieu du pays que par voie de référendum. Les limites des provinces et celles de la ville de Kinshasa sont fixées par une loi organique.
« Les provinces et les entités territoriales décentralisées de la République Démocratique du Congo sont dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux. Ces entités territoriales décentralisées sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie. Elles jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques », stipule l’article 3.
Aux termes de l’article 204, les 29 matières qui sont de la compétence exclusive des provinces sont, notamment, la fonction publique provinciale et locale; les finances publiques provinciales; la dette publique provinciale; l'organisation et le fonctionnement des services publics, établissements et entreprises publics provinciaux dans le respect de la législation nationale; les travaux et marchés publics d'intérêt provincial et local.
Ce sont aussi l'enseignement maternel, primaire, secondaire, professionnel et spécial ainsi que l'alphabétisation des citoyens, conformément aux normes établies par le pouvoir central; l'affectation du personnel médical, conformément au statut des agents de carrière des services publics de l'Etat ; l'affectation en province du personnel vétérinaire, conformément au statut des agents de carrière des services publics de l'Etat.
« Pour moi, j’estime que le fait d’avoir mis les compétences concurrentes dans la Constitution, ça crée une léthargie entre le pouvoir central et les provinces, parce qu’on ne sait pas qui fait quoi. C’est comme l’article 204, qui définit les compétences exclusives des provinces. Cet article énumère 29 matières qui relèvent de la compétence exclusive des provinces. Finalement les provinces ne savent pas ce qu’elles doivent faire», a déploré le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku.
Absence de certaines lois essentielles
Pour l’heure, plusieurs lois prévues dans la Constitution liées à l’effectivité de la décentralisation territoriale en RDC tardent à être soumises au vote du parlement.
En ce qui concerne les matières qui sont de la « compétence concurrente du pouvoir central et des provinces » prévues à l’article 203de la Constitution, elles portent notamment sur les statistiques et les recensements; l'administration des cours et tribunaux, des maisons d'arrêt et de correction et des prisons; les calamités naturelles ; la création des établissements primaires, secondaires, supérieurs et universitaires; les institutions médicales et philanthropiques; la protection des groupes des personnes vulnérables.
« S’agissant des calamités naturelles, des maisons d'arrêt et de correction et des prisons, on ne sait pas aujourd’hui qui fait quoi entre le pouvoir central et les provinces », a relevé le gouverneur du Nord-Kivu.
Parmi les lois « pas encore élaborées ou votées », il a cité la loi organique qui fixe l’organisation et le fonctionnement de la Caisse nationale de péréquation.
Aux termes de l’article 181de la Constitution, « la Caisse nationale de péréquation a pour mission de financer des projets et programmes d'investissement public, en vue d'assurer la solidarité nationale et de corriger le déséquilibre de développement entre les provinces et entre les autres entités territoriales décentralisées ».
« Elle dispose d’un budget alimenté par le Trésor public à concurrence de dix pour cent de la totalité des recettes à caractère national revenant à l'Etat chaque année. Elle est placée sous la tutelle du gouvernement.
Il y a aussi la loi organique fixant l'organisation et le fonctionnement des services publics du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées.
La décentralisation n’est « pas encore effective »
Lors des exposés et du débat sur la décentralisation, les participants aux ateliers ont noté que « la décentralisation n’est pas encore effective, malgré les avancées observées.
En assurant le 8 juin 2013 à Kinshasa que « la décentralisation sera bientôt effective en République démocratique du Congo », le ministre de l’Intérieur Richard Muyej Mangez, avait cependant prévenu que « cette mise en œuvre dépend principalement de l’application de certaines lois, notamment la Caisse nationale de péréquation ».
« Il faut d’abord attendre les principaux textes, comme la loi sur la Caisse nationale de péréquation, pour mettre fin à ce fameux débat de retenue à la source. Mais, il y a aussi la loi sur l’organisation de la Fonction publique au niveau national et provincial avec des différents services », avait-il expliqué.
Il avait annoncé que « des équipes d’experts seront déployées très prochainement dans toutes les provinces du pays pour concrétiser le processus de décentralisation ».
« Les membres du comité de pilotage passeront dans les différentes provinces pour faire le point : d’où venons-nous, où sommes-nous et où allons-nous, qu’est-ce qui a été fait et qu’est-ce qui reste à faire? », avait promis le ministre Muyej.
Cette campagne, avait-il précisé, « permettra d’éviter la confusion dans le chef de ceux qui croient qu’il y a des pesanteurs qui bloquent le déroulement ou la poursuite de la mise en œuvre de la décentralisation ».
Calendrier des élections urbaines, municipales et locales
Le communiqué de presse n°24/CENI/14 du 26 mai 2014, qui publie les grandes lignes du calendrier des élections urbaines, municipales et locales, donne les grandes dates suivantes :
Du 10 juin au 09 juillet 2014 : Accréditation des observateurs à long terme ;
Du 01 octobre au 20 octobre 2014 : Audit externe du fichier électoral ;
Du 03 au 20 novembre 2014 : Examen de l’annexe à la loi électorale portant répartition des sièges ;
Du 10 décembre 2014 au 18 janvier 2015 : Convocation de l’électorat et dépôt des candidatures au niveau des bureaux de réception et traitement des candidatures ;
Le 13 février 2015 : publication de la liste provisoire des candidatures aux élections des Conseillers des communes et des secteurs/chefferies ;
Le 25 février 2015 : publication des listes définitives des candidats aux élections des Conseillers des communes et des secteurs/chefferies ;
Du 30 avril au 29 mai 2015 : Accréditation des témoins, des observateurs et des journalistes ;
Du 15 mai au 14 juin 2015 : Affichage des listes des électeurs par site de vote et bureau de vote ;
Du 29 mai au 12 juin 2015 : Campagne électorale pour les élections des Conseillers des communes et des secteurs/chefferies ;
Le 14 juin 2015 : Jour de scrutin municipal et local ; ouverture des bureaux de vote et de dépouillement pour les municipales et locales ;
Le 30 juin 2015 : Annonce des résultats pour les élections des Conseillers des communes et des secteurs/chefferies.