Des mort-nées ou des prématurées ". C’est la métaphore donnée par ce Premier ministre honoraire Palu dans l’une de ses tribunes sur les nouvelles provinces.
Force est de constater que les faits lui donnent entièrement raison aujourd’hui
Un coup d’oeil sur le front de nouvelles provinces suffit pour constater de sérieuses difficultés à l’allumage. Des entités provinciales issues du démembrement n’existent jusqu’ici que de nom. Les raisons de ce qui a tout d’un bide ? Pas la peine de les chercher très loin. L’ncien Premier ministre Adolphe Muzito avait chiffres et tableaux à l’appui, tiré la sonnette d’alarme quant au démembrement des provinces. Il avait même recourru à une métaphore qui aujourd’hui gagne en justesse. A savoir, des « provinces morts-nées ou des prématurées ». La réalité conforte cette analyse prospective.
Le démembrement des provinces a été mené par le Gouvernement central à la vitesse du son. En une nuitée, on est passé comme dans un tour de vis de 11 à 26 provinces. Parmi celles-ci, il faut en installer 21.
Celles-ci ont mis en place leurs Assemblées provinciales avec des Bureaux provisoires, et tout s’est arrêté là. Il n’y a pas de Bureaux définitifs, ceux-là même qui doivent procéder à l’élection de nouveaux gouverneurs de provinces. Tout s’arrête ici. On est dès lors dans les provinces démembrées qui sont des monstres juridiques qui ne répondent de personne. Ou presque.
A ce jour, les nouvelles provinces ne sont pas administrées. Elles n’ont pas de chefs. Le Gouvernement n’a pas de moyens pour organiser cette élection au second degré et mêmement pour l’installation des Bureaux définitifs des Assemblées provinciales qui doivent élire les gouverneurs de provinces. Quand bien même, l’Exécutif national arriverait à mobiliser les ressources - non budgetisés !- pour financer l’élection des gouverneurs de nouvelles provinces, il est loin d’être évident qu’il soit en capacité de réunir les moyens pour installer l’ensemble d’institutions provinciales et faire fonctionner ces régions issuers du démembrement. D’autant que la quasi-totalité de nouvelles entités provinciales ne sont pas en situation de s’autofinancer. On voit mal comment le Gouvernement central va entretenir, par exemple, les 210 ministres provinciaux et leurs dépendants.
C’est donc l’impasse. Au point que la CENI a saisi la Cour constitutionnelle pour solliciter l’interprétation des deux lois, mais surtout elle lui a exposé les difficultés qu’elle rencontre pour organiser l’élection des gouverneurs de provinces. Certains avaient cru à tort que c’était une mince affaire.
LE DEMEMBREMENT A UN COUT PROHIBITIF DE 1 MILLIARD USD
Les informations livrées par le Premier ministre lui-même, Augustin Matata Ponyo, lors de sa déposition devant la haute Cour le vendredi 28 août 2015 laissent perplexe. Le Gouvernement évalue le coût de l’élection des gouverneurs de provinces au second degré à entre 2 et 10 millions Usd.
Quant à l’opération de démembrement, c’est-dire l’installation proprement dite de nouvelles provinces, elle se chiffre à quelque chose comme 1 milliard Usd, la même fourchette que le budget des élections qui se situe entre 800 millions et 1 milliard Usd. Dans tous les deux cas, c’est-à-dire concernant les 10 millions Usd de l’élection des gouverneurs tout comme le milliard Usd pour l’installation de nouvelles provinces, le Premier ministre a fait savoir à la Cour que le Gouvernement n’en a pas.
C’est suite à la baisse drastique des recettes de l’Etat due à la chute des cours des matières premières qu’exporte le pays mais aussi aux difficultés de trésorerie. 1 milliard Usd pour installer les nouvelles provinces sur les recettes propres qui dépassent rarement les 4 milliards Usd, à l’évidence, un coût très prohibitif.
A ce titre, les nouvelles provinces deviennent des " mort-nés " ou des prématurés à envoyer à la couveuse. C’est curieusement la métaphore prophétique qu’avait utilisée le député Palu de la ville de Kikwit, ancien Premier ministre de la République (2008-2011), Adolphe Muzito dans sa tribune publiée dans la presse le lundi 17 août 2015.
LES PROVICES SONT COMME DES REJETONS QUI SONT DANS DES COUVEUSES
Parlant des nouvelles provinces, ce brillant économiste, ancien Inspecteur des Finances avait vu juste. Il ne s’était pas du tout trompé. Car, il assimilait déjà à juste titre ces nouvelles provinces à " des mort-nés ou des prématurés programmés pour lesquels les géniteurs n’ont pas prévu la layette, le lait maternel ou le biberon, le berceau (abri) les couches etc. ". Ce n’est pas tout, car Muzito ajoute : " Ce sont des rejetons qui, dès leur naissance, ont été mis dans des couveuses. De leurs couveuses, si certains pourraient sortir décédés, d’autres sortiraient avec des malformations qui demanderont du temps pour être guéries ". C’est tout dire.
C’est exactement l’image des nouvelles provinces à ce jour qui ont besoin d’1 milliard Usd pour leur installation. Des « mort-nés » ou des « prématurés », on aurait pu croire que l’élu de Kikwit était dans l’excès comme certaines critiques le proclamaient à hue et à dia. Que non ! L’homme avait vu juste dans cette autre tribune qui éclaire comme un phare.
Les raisons de cette débâcle, il les dépeint abondamment dans la partie prospective de sa riche réflexion. Les difficultés sont de divers ordres. On peut en épingler quelques unes. Sur le plan institutionnel, le Premier ministre honoraire note qu’il y a un problème d’impréparation, de la précipitation dans la mise en œuvre de la loi de programmation, ce qui a comme conséquence le blocage actuel.
PAS DE BUDGET POUR LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS PROVINCIALES
Quant aux ressources financières, il démontre, statistiques en mains, que les nouvelles provinces n’auront pas de budget pour le fonctionnement de leurs institutions, les rémunérations des personnels politiques et administratifs d’appoint pour le reste de l’année 2015. En ce qui concerne l’année budgétaire 2016, en comptant avec la baisse des cours des matières premières, si le Gouvernement parvient à réaliser les mêmes ressourcés propres qu’en 2015, les 26 provinces vont se partager la modique enveloppe de 321 milliards Fc, toute l’année.
Ce qui fait seulement en moyenne autour de 12 milliards Fc. Il note aussi que chaque province recevra des crédits inferieurs à ceux versés actuellement à la province du Maniema qui sont de l’ordre de 14 milliards Fc. Toutes les provinces seront en dessous de seuil de 2015 et oscilleront autour de 7, 8 et 10 milliards Fc. Ce qui annonce des moments de disettes dans les nouvelles provinces.
A cette difficulté, il faudra ajouter celle de l’inexistence de la " Caisse de péréquation" destinée à corriger les inégalités entre provinces. Au plan politique, Fumunzi déplore le manque de leadership que ce soit dans la MP ou dans l’Opposition dans les provinces. Ils n’ont jamais exigé du Pouvoir central de transférer aux provinces leurs prérogatives constitutionnelles ainsi que les ressources financières comme prévu dans les textes de loi.
Or, le transfert des pouvoirs et des ressources financières, c’est là le hic. C’est là où le Gouvernement central n’a jamais respecté les textes. On en veut pour preuve la rétrocession de 40% des recettes à caractère national. L’élu Palu de la ville de Kikwit relève à ce sujet que les provinces n’ont pas reçu du pouvoir central des crédits insignifiants qui ne sont pas conformes aux montants alloués dans le Budget par le Parlement national. Décidément les nouvelles provinces sont des mort-nés ou des prématurés, comme décrit par Adolphe Muzito. Il ne pouvait en être autrement. Et pour cause. Si déjà 8 sur les 11 anciennes provinces tiraient le diable par la queue en dehors de Kinshasa, du Katanga et du Kongo-Central qui sont les seules à contribuer au Budget national, qu’est-il lorsqu’on passe de but en blanc à 26 comme à ce jour ?
On n’avait pas voulu suivre les recommandations de Premier ministre honoraire édictées dans sa tribune sur les " mort-nés ou prématurés". Elles nous rattrapent aujourd’hui. Mais, ce n’est pas encore tard… KANDOLO M.