De plus en plus de voix s’élèvent au sein de la communauté internationale pour exiger des sanctions contre le Rwanda suite à son agression à l’Est de la RDC, en connivence avec les rebelles du M23. L’ancien chef de la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), Martin Kobler, soutient l’idée de sanctionner économiquement le Rwanda.
Dans une interview accordée à la radio allemande Deutsche Welle (DW) mardi, Martin Kobler estime que seules les sanctions pourront faire fléchir le régime de Paul Kagame dans son aventurisme à l’Est de la RDC.
« Il faut parler avec le Rwanda et même le menacer avec des sanctions. Ça doit être fait au niveau européen et pas seulement par l’Allemagne, la Belgique ou un autre pays isolé. Il faut maintenant voir comment procéder avec l’aide pour le Rwanda et aussi les problèmes économiques touchant l’exportation du coltan congolais et d’autres matières premières via le Rwanda », a-t-il déclaré.
Pour lui, la décision de l’Allemagne d’arrêter les consultations avec le gouvernement rwandais sur l’aide ne suffit pas. La décision doit être coordonnée au niveau européen.
« Oui, tout à fait ! C’est une décision du gouvernement allemand que je soutiens. Mais encore une fois, je pense que cela doit être coordonné avec les Européens. Le problème ne sera pas résolu si l’Allemagne seule arrête les consultations sur l’aide pour le Rwanda alors que les Français, les Belges ou les Anglais continuent à le faire. Il faut une approche coordonnée de la communauté internationale dans laquelle l’Europe joue un rôle très important », a poursuivi le diplomate.
Le diplomate allemand est catégorique : la guerre que le Rwanda et le M23 imposent à la RDC n’est que d’ordre économique. D’où la nécessité pour la communauté internationale d’imposer la transparence dans les exportations rwandaises de minerais.
« […] On doit s’attaquer à l’exportation illégale du coltan au Rwanda. Le Rwanda est actuellement le premier exportateur de coltan au monde parce qu’il mélange sa production, qui est faible, à celle pillée au Congo. Si seulement 30 % de son exportation provient de ses mines, on lui permet d’exporter « made in Rwanda ». Ça doit cesser. Le Congo a presque 80 % des réserves mondiales de coltan », a ajouté Martin Kobler.
Cependant, il regrette que ni la MONUSCO ni le gouvernement congolais n’aient pu régler définitivement la question des FDLR, sur laquelle s’appuie le régime de Kigali pour attaquer la RDC.
« Malheureusement, en 2013, nous avons combattu le M23 et nous nous sommes arrêtés là. On aurait dû continuer avec les FDLR. Je dois reconnaître qu’à l’époque, il y avait une coopération entre les FDLR et le gouvernement à Kinshasa. Je ne sais pas si cela continue jusqu’à aujourd’hui. Mais ça doit cesser », a dit Martin Kobler.
Concernant le gouvernement congolais, l’ancien représentant spécial du secrétaire général de l’ONU déplore la corruption qui le ronge et qui serait à la base des contre-performances dans plusieurs secteurs du pays, notamment dans le secteur sécuritaire.
« Il y a aussi une question qui doit être mise sur la table. C’est le comportement du gouvernement congolais. On a beaucoup de corruption dans le gouvernement congolais et c’est clair que ce n’est pas acceptable ni par le peuple ni par la communauté internationale. Il faut avoir un État de droit, avoir une justice sans corruption. Et il faut avant tout avoir une armée non corruptible. […] Les politiciens doivent travailler pour le peuple et pas pour eux-mêmes », a déclaré l’allemand.
Et il poursuit :
« On m’avait dit qu’il y avait sur des listes beaucoup de noms de militaires inexistants, mais que l’argent était récupéré par des généraux. On m’avait également dit qu’il y avait beaucoup de difficultés pour payer les militaires. C’est normal qu’ils refusent de combattre parce qu’ils ne sont pas payés. Ces problèmes, on doit les résoudre. »
Pour rappel, Martin Kobler a dirigé la MONUSCO entre 2013 et 2015. C’est sous son mandat que le M23 avait été vaincu par les FARDC et la brigade d’intervention rapide de la MONUSCO. Les rebelles se réfugièrent en Ouganda et au Rwanda avant de se regrouper pour relancer les hostilités en 2022.
Alfonse Muderwa