Tribune - Procès Mwangachuchu : la Haute cour militaire appelée à arrêter le cinéma du prévenu

Mercredi 14 juin 2023 - 18:00
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Arrêté le 1er mars dernier dans la foulée des offensives du M23/RDF pour la conquête du Masisi, le député Edouard Mwangachuchu, poursuivi en flagrance pour des faits gravissimes en rapport avec la sécurité du pays, est ce 14 juin à son 106ème jour de détention. Après avoir démarré sur les chapeaux de roue, son procès semble marquer le pas avec la longue audition des renseignants relativement à la garde de la concession minière de sa société minière, SMB, à Rubaya, fichée désormais repaires de caches d’armes. Entretemps, le prévenu, prétextant la précarité de sa santé pour échapper in fine au jugement, fait son cinéma devant la cour en jouant presqu’au grabataire de façon à susciter l’implication des ONG et organismes internationaux des droits sur fond d’apitoiement à son endroit. Paradoxalement, il se montre très offensif sur certains plans, notamment médiatique en recourant à la presse étrangère pour se présenter comme victime d’un acharnement de la part du pouvoir. La Haute cour militaire est ainsi appelée à arrêter le cinéma du prévenu Mwangachuchu qui joue sur le temps pour faire perdre à ce procès de sa superbe. 

Jusque-là, la Haute cour militaire évite de tomber dans le piège du prévenu Edouard Mwangachuchu poursuivi par devant elle pour haute trahison, association de malfaiteurs, atteinte à la sécurité de l’Etat, détention illégale d’armes et munitions de guerre, participation à un mouvement insurrectionnel et incitation des militaires à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline. Après le rejet par la Cour de cassation, voire la Cour constitutionnelle, de sa requête en contestation de la compétence de la Haute cour militaire de connaître de son affaire, celle-ci s’est réservée de lui accorder une liberté provisoire à l’effet d’aller recevoir les soins de santé appropriés à l’étranger au motif qu’elle perdrait le contrôle sur lui et elle ne disposerait d’aucun moyen pour le contraindre à revenir au pays si jamais il arrivait à se cabrer. 

Alors que le procès se poursuit avec l’audition qui se fait longue des différents responsables de la police provinciale du Nord-Kivu afin d’éclairer la religion du tribunal sur l’identité des policiers commis à la garde de la concession minière de sa société, parmi lesquels il y aurait des infiltrés réputés anciens éléments du RCD, du CNDP, voir du M23, le prévenu ne manque pas de stratagèmes pour empêcher la machine judiciaire d’avancer ou la distraire. De simples déclarations sur sa maladie devant la cour, il en est arrivé à s’y produire en spectacle pour finalement jouer au quasi grabataire. On a vu lors des récentes audiences un Mwangachuchu épuisé, soutenu difficilement par deux hommes dans la salle d’audience, incapable de s’appuyer sur les béquilles, de se tenir debout et dans l’impossibilité demarcher. Bref, un tableau, à la limite macabre et inspirant pitié. De quoi toucher les cœurs des tenants des ONG et autres institutions internationales en matière des droits humains pour susciter leur implication afin de lui faire bénéficier de l’évacuation médicale. Ce qui va renvoyer sine die le procès et faire épargner le détenu de toute condamnation, gardant ainsi intacts ses droits pour bien enquiquiner et charger la RDC sur d’autres théâtres. 

En examinant des éléments au dossier, la cour s’est déjà faiteune opinion sur la situation de la garde de la concession de la SMB. En effet, malgré les dénégations, les contradictions et les tentatives de chacun des responsables de la police provinciale de vouloir tirer la couverture de son côté, il y a des faits qui font sauter la réalité aux yeux. Tel est le cas, notamment, du bulletin de service signé le 08 mai 2021 par le commissaire provincial Aba Van François d’où il ressort que sur 82 policiers affectés à SMB, quatre-vingt n’ont pas d’unités de provenance et de numéros matricules. Comment un officier de ce rang peut signer un document pareil sans poser la moindre question ? Et pour toute justification, il fait savoir : «Ce n’est pas moi qui ai signé le contrat de gardiennage». L’ancien N°2 de la police provinciale du Nord-Kivu Van Ngoy Kasongo, relevé de ses fonctions depuis avril 2022 car soupçonné de couvrir des recrues venant du Rwanda en les faisant passer pour des policiers congolais, n’apporte rien de convaincant. Il fait simplement savoir qu’il y avait deux équipes de 43 policiers chacune qui se relayaient sur le terrain. Mais de quelles unités provenaient-elles et quels sont leurs numéros matricules ? C’est le balbutiement. C’est comme si la cour voulait connaître le sexe des anges.

Et au-delà de l’identité des policiers affectés, il y a lieu de se demander ce que ces autorités policières ont apporté comme réponse à tous les meurtres perpétrés contre les creuseurs et les populations locales par la garde de SMB dont elles ont affecté les éléments.  

Il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que tous ces officiers de la police ont couvert l’illégalité et l’irrégularité pour protéger leur business.  Et il va donc de soi que si, comme n’ont jamais cessé de le soutenir les populations locales, le PE 4731 est un repaire des éléments incontrôlés issus du RCD, du CNDP dont Edouard Mwangachuchu fut le président après l’escapade puis l’arrestation du sinistre Bosco Ntaganda, voire du M23, il n’y a qu’un pas à franchir pour que ce lieu soit aussi un repaire de caches d’armes. L’instance ne doit pas utiliser des raccourcis dans cette affaire, mais elle peut, néanmoins, mettre fin au cinéma dans lequel excelle ces derniers temps le prévenu en accélérant la procédure.

                                                                                                                                    Paul Kasereka Paluku