Quid de la juridiction compétente à réprimer les infractions commises par un ancien président de la République et/ou un ancien premier ministre durant l'exercice de leurs fonctions ?
Cette question fait couler beaucoup d'encre surtout après l'arrêt rendu en décembre dernier par la Cour constitutionnelle, se déclarant incompétente pour juger l'ancien chef du gouvernement devenu sénateur, Augustin Matata Ponyo, pour un présumé détournement de 300 millions USD alloués au Projet du Parc Agro-industriel de Bukanga Lonzo.
Interrogé à ce sujet le jeudi 17 mars 2022 à l'issue de la cérémonie de vernissage de deux œuvres scientifiques de Me Abed Kayembe Ngoy, le bâtonnier national Tharcisse Matadi Wamba a souligné qu'il n'y a pas de vide juridique. Il a argué qu'un président de la République et un premier ministre redeviennent des justiciables ordinaires après leurs fonctions.
« Lorsque le président de la République ou le premier ministre n'est plus en fonction, quel est son juge naturel ? Est-ce la Cour constitutionnelle ? Celle-ci a répondu par la négative en disant que ce n'est plus moi, Cour constitutionnelle, qui doit juger un ancien président de la République ou un ancien premier ministre, mais c'est qui son juge naturel ?. C'est-à-dire que lorsque les fonctions du président de la République ou celles du premier ministre cessent, ces deux là redeviennent des justiciables ordinaires. C'est le juge ordinaire qui doit les juger. Ce juge là existe. La Cour constitutionnelle ne l'a pas désigné dans son arrêt, mais ce juge existe », a-t-il fait savoir.
Me Matadi Wamba a affirmé que la responsabilité de déférer un ancien chef de l'État ou un ancien chef du gouvernement devant son juge naturel revient au Parquet.
« C'est au Parquet de chercher pour telle infraction qui a été commise, quel est le juge compétent à saisir. Il n'y a pas un vide. Il y a des tribunaux pour juger un ancien président de la République et un ancien premier ministre », a-t-il précisé.
Le point de vue du bâtonnier national Matadi Wamba va dans le même sens que l'ancien ministre de la Justice, Emmanuel-Janvier Luzolo Bambi.
Lors de la journée internationale de la lutte contre la corruption le 09 décembre dernier, l'ancien conseiller spécial de l'ex-président Kabila en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, avait également soutenu qu'il n'existe pas de vide juridique dans un État de droit. Pour lui, dans un État de droit, tout le monde doit rendre des comptes à la Justice.
« Dans un État de droit, tout le monde doit rendre compte à la Justice. Il n'y a pas d'État de droit lorsqu'on considère qu'il peut y avoir des personnes pour lesquelles la Loi n'ait rien prévu. Si on est dans cette hypothèse là d'intouchabilité consacrée, on n'est plus dans un État de droit (...) Et c'est dangereux pour certains juristes de créer la théorie de vide juridique. Il n'y a pas de vide juridique », avait dit le professeur Luzolo Bambi.
Merveil Molo