Un parlementaire reproché des griefs d'attentat à la vie ou à l'intégrité corporelle, des violences sexuelles, de la traite de personnes, de la corruption et du détournement des fonds publics, du blanchiment des capitaux peut faire face à la justice comme un citoyen lambda ?
Dans sa mercuriale prononcée ce samedi 16 octobre 2021 lors de la rentrée judiciaire effectuée au Palais du peuple à Kinshasa, le procureur général près la Cour constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo Nkokesha, a proposé que l'autorisation des poursuites judiciaires ne soit plus requise pour les infractions sus mentionnées.
En lieu et place de la plénière, il a aussi recommandé que seul le bureau de la chambre dont fait partie le parlementaire soit compétent pour statuer sur le réquisitoire du ministère public.
« Pour garantir la sérénité dans l'examen de la requête aux fins d'autorisation des poursuites et/ou de levée des immunités, que seul le bureau de la chambre dont fait partie le parlementaire en soit compétent. Que l'autorisation ne soit pas requise en cas d'infractions d'attentat à la vie ou à l'intégrité corporelle, des violences sexuelles, de la traite des personnes, de la corruption et du détournement des deniers publics, du blanchiment des capitaux et d'infractions similaires comme l'avaient prescrit les Constitutions de 1964 et de 1967 », a préconisé le PG près la Cour constitutionnelle.
Il a justifié sa mercuriale par le fait que « l'irresponsabilité et l'inviolabilité parlementaires initialement revendiquées par les représentants du peuple souverain en vue de les mettre à l'abri des poursuites judiciaires et d'exercer librement leurs fonctions sont perçues aujourd'hui par le peuple comme le moyen le plus efficace pour les députés et sénateurs d'échapper aux poursuites judiciaires pour les actes de détournement des deniers publics et de corruption ».
« Il est donc temps de réfléchir sur les réformes judiciaires pour concilier la volonté des élus légitimes du peuple contre les poursuites judiciaires d'une part et celle du président de la République et de l'ensemble du peuple congolais de lutter contre l'impunité d'autre part, en mettant au centre de ces réformes Le Peuple d'abord », a-t-il souligné.
Le PG près la Cour constitutionnelle a fait savoir que sa proposition favorise l'élan de redevabilité des animateurs des institutions publiques.
« En laissant au parlement la possibilité de rejeter la requête du ministère public dès son introduction sans raison impérative, on installe un rapport d'insubordination qui entame dangereusement l'indépendance de l'institution judiciaire. En outre, le pouvoir judiciaire étant apolitique, les raisons du refus de l'autorisation des poursuites ne peuvent pas reposer sur des considérations partisanes au risque d'embarquer les autorités judiciaires sur des pistes émotionnelles. Il importe de souligner à ce propos, qu'il est laissé au seul acteur judiciaire le pouvoir d'apprécier les éléments pouvant justifier d'éventuelles inopportunités de poursuites », a indiqué J-P Mukolo Nkokesha.
En ce qui concerne la suspension de l'action publique contre un parlementaire au cours d'une session, J-P Mukolo Nkokesha a sollicité le retrait de l'alinéa 4 de l'article 107 de la Constitution qui traite cette matière.
Pour lui, les décisions ou résolutions relatives au refus ou à l'octroi de l'autorisation des poursuites doivent être « correctement » motivées.
La mercuriale du PG près la Cour constitutionnelle a porté sur « l'étendue des pouvoirs du ministère public face à l'immunité parlementaire en droit positif congolais ». Elle comporte 4 chapitres. Il s'agit de :
- Régime des autorisations des poursuites et de levée des immunités parlementaires en droit comparé et en droit positif congolais ;
- L'examen de l'étendue du pouvoir du ministère public lorsque l'autorisation des poursuites est accordée et/ou les immunités sont levées ;
- Les effets du refus d'autoriser les poursuites et/ou de lever les immunités par la plénière des députés et/ou des sénateurs ;
- Les recommandations.
Merveil Molo