
Les blocages dans l’installation des Directeurs de Départements nommés par le Conseil d’administration de la SNEL conformément aux statuts de cette société commerciale appellent la création urgente d’une Agence des Participations de l’Etat (APE) pour valoriser ses actifs, attirer les investisseurs et accélérer le développement du réseau électrique de la RD Congo. La SNEL, comme toutes les sociétés commerciales dans lesquelles l’Etat détient des participations, doit pleinement bénéficier de l’autonomie de gestion conformément au droit des sociétés OHADA, sans injonctions politiques.
Neuf Directeurs intérimaire
La grogne monte à la SNEL, les Directeurs de Départements nommés par une décision de son Conseil d’administration en mars 2025 pour remplacer les 9 Directeurs intérimaires actifs depuis 2022 s’interrogent sur leur sort. Cette situation provoquée par une récusation du ministère du Portefeuille qui a pourtant encouragé le processus, désarticule le fonctionnement de la SNEL et pose la question cruciale de la création de l’Agence des Participations de l’Etat. Ce climat délétère est la conséquence d’une tradition caporaliste du ministère du Portefeuille, dont on ne peut attribuer l’apparition à son ministre actuel, mais qui enferme les ministres successifs dans des schémas d’action révolus, qui s’expriment par une volonté de contrôle politique des nominations, saisies comme des opportunités de placements népotistes de proches ou de partisans.
Le constat fait par le Conseil d’administration de la SNEL sur l’impossibilité de gérer de manière transparente une société commerciale de cette envergure avec des intérimaires de longue durée a conduit à un processus de recrutement équitable.
Ce processus vise à mettre la gestion de la SNEL en conformité avec ses statuts et ses objectifs opérationnels.
Afin d’éviter les décisions fragilisées par ces intérims indéterminés, le Conseil d’administration de la SNEL a finalisé la nomination de nouveaux Directeurs de Départements pour éviter les risques juridiques et opérationnels inhérents à l’instabilité fonctionnelle de ses Directions.
Importance du droit de l’Ohada
L’adhésion de la RD Congo à l’Acte uniforme des Sociétés Commerciales du droit OHADA confère au Conseil d’administration la nomination des dirigeants en son article 385, et rappelle en son article 136 que les intérims prolongés fragilisent la sécurité juridique de l’entreprise.
L’Etat, fut-il actionnaire, ne peut paralyser la gestion sans motif valable. La SNEL n’étant plus une entreprise publique mais une société commerciale, le ministère du Portefeuille ne peut unilatéralement bloquer les nominations sans violer le principe de l’autonomie de gestion exercée par le Conseil d’administration.
Les blocages, interférences, immixtions et injonctions du ministère du Portefeuille que ce soit par débordement de ses attributions, par tradition anachronique ou par conflit d’interprétation entre ses attributions et les statuts la SNEL, ont de lourdes conséquences.
La gouvernance de cette société en est affaiblie, et sa crédibilité est en jeu, la mettant en difficulté pour contracter avec des partenaires ou des investisseurs. La SNEL pourrait ainsi entrer dans un cycle de contentieux pour nullité d’actes, subir une dégradation financière par les marchées et voir ses financements gelés par les bailleurs, Banque mondiale ou BAD. La désarticulation de l’organigramme de la SNEL pourrait entrainer un recul de ses capacités techniques et causer dans certaines zones du pays des crises énergétiques pour cause de mauvaise gestion des infrastructures de production, de transport et de raccordement au réseau électrique.
Installer les Directeurs de Département
Face aux conséquences dommageables d’une fragilisation de la gouvernance de la SNEL suite à l’affectation de longue durée d’intérimaires sur des bases clientélistes, il est urgent que les Directeurs de Départements nommés par le Conseil d’administration entrent en fonction. Le respect de l’autonomie managériale de la SNEL doit s’imposer à tous, et cette autonomie est particulièrement dépendante de la compétence des cadres recrutés sous critères pour diriger ses différents champs d’activités. Le ministère du Portefeuille représentant l’Etat n’est pas un gestionnaire, et il devient manifeste que la création d’une Agence des Participations de l’Etat permettra à celui-ci d’agir comme actionnaire attentif et non comme gestionnaire incompétent.
Le ministère du Portefeuille s’est plusieurs fois distingué par le passé par des interférences turbulentes et l’on se souvient du conflit entre le Président du Conseil d’administration de la Gécamines et le ministère du Portefeuille en 2018, qui a conduit au rejet des dirigeants intérimaires par les tribunaux. En 2021 un blocage politique des nominations par le ministère du Portefeuille à Congo Airways a entrainé le retrait des partenaires techniques.
Le blocage de l’installation des Directeurs de Départements de la SNEL par le ministère du Portefeuille est contraire au droit OHADA et menace la stabilité de l’entreprise.
Le Conseil d’administration a légalement raison d’exiger la régularisation de la direction des départements, et il est urgent que le processus entamé par ce conseil trouve une issue heureuse.
Les signes d’un dérèglement de la gestion de la SNEL sont évidents lorsque son Directeur général cumule cette fonction avec celle de Directeur financier depuis 2022, avec comme conséquence le rejet des états financiers de 2023 par les Commissaires aux comptes. Cette situation place la SNEL en difficulté pour la conclusion de partenariats, faute d’assurances suffisantes sur la crédibilité de ses comptes.
L’APE et l’adoption d’une charte de l’actionnaire public
La création d’une Agence des Participations de l’État (APE) permettra une clarification des relations entre l’État actionnaire et le management des sociétés dans lesquelles il détient des participations. Ces relations sont encadrées par des principes de gouvernance qui cherchent concilier les intérêts publics et la performance économique. Les rôles sont clairement distingués, l’Etat actionnaire fixe ses objectifs stratégiques d’intérêt national ou de rentabilité via l’APE, nomme ses représentant au Conseil d’administration des sociétés et vote en assemblée générale comme tout autre actionnaire. Le management assure la gestion opérationnelle de l’entreprise et rend compte au Conseil d’administration et non directement à l’Etat actionnaire.
Pour respecter le principe de l’autonomie de gestion des sociétés dans lesquelles il est actionnaires l’Etat n’intervient qu’à travers les canaux légaux que sont le Conseil d’administration et l’Assemblée générale, et jamais par directives administratives. Pour éviter toute ingérence politique une charte de l’actionnaire public précise le rôle de l’actionnaire et ses limites. Grâce à l’APE les représentants de l’Etat défendent sa position tout en respectant les intérêts des sociétés concernées dans lesquelles ce dernier détient des participations. Des contrats de performance permettent de préciser les objectifs de rentabilité en toute transparence financière et stratégique, avec des rapports réguliers adressés à l’APE.
Grâce à l’APE, l’Etat peut nommer des administrateurs indépendants pour rassurer les investisseurs et adopter les pratiques internationales de gestion des sociétés et rechercher des dividendes stables. Les garanties offertes par l’APE permettent d’ouvrir le capital à des investisseurs privés et de créer des fonds souverains ou des holdings publics.
Face à l’importance nationale et stratégique de la SNEL pour le développement de la RD Congo, les efforts du Conseil d’administration de la SNEL doivent être encouragés et soutenus dans l’intérêt général.
Léon Engulu lll
Philosophe, ingénieur agronome, Ancien Coordonnateur a.i du Mécanisme
National de Suivi, chargé de la préparation des réformes en RD Congo.