Nord-Kivu : L'accès à l'eau potable, un véritable casse-tête pour la population du village Mutaho (Reportage)

Dimanche 7 juin 2020 - 13:57
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7SUR7.CD

L'accès à l'eau potable est un véritable casse-tête dans le village Mutaho, situé au pied du volcan Nyiragongo et riverain du Parc National des Virunga (PNVi) dans le territoire de Nyiragongo, province du Nord-Kivu dans l’Est de la République Démocratique du Congo.

C'est un constat fait par le reporter de 7SUR7.CD à Goma, après une descente dans cette région située à environ 15 kilomètres du chef-lieu du Nord-Kivu le jeudi 04 juin 2020.

D'après des habitants interrogés sur place, un accord avait été conclu en 1930 lors de la délimitation du PNVi entre la population et l'Institut Congolais de la Conservation de la Nature (ICCN).

La population avait accepté de céder ses champs pour l'élargissement du parc et en échange l'ICCN devrait desservir ce village en eau potable. Mais 90 ans après, l'accord n'a jamais été respecté et la population commence à reprendre ses champs d'où des multiples conflits entre l'ICCN et les populations riveraines du parc.

Reportage 

L’activité principale ici, c’est l’agriculture. Le village de Mutaho dispose d'énormes potentialités agricoles qui nourrissent les entités voisines y compris la ville de Goma suite à la fertilité de son sol produisant des pommes de terre, haricots, des maïs, des bananes et plusieurs autres denrées alimentaires.

Certains habitants sont obligés de faire souvent trois heures de route à pied pour se procurer un bidon de 20 litres à 500 FC. Un luxe, qui n’est pas donné à tout le monde.

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« Il faut aller à Kibati ou à Goma pour se procurer de l'eau mais l'argent aussi fait défaut. Même celui qui a à manger, peut mourir de faim suite au manque d’eau pour la cuisson, ce qui est mon cas », a raconté Rodrigue Sinamenye âgé de 75 ans.

D'autres habitants font recours aux bananiers. Ce qui est considéré comme une source d'eau « par excellence » dans ce village. Régulièrement, chaque résident se rend dans son champ pour extraire l’eau des bananiers, une eau qui est ensuite consommée sans aucune filtration, pour étancher la soif ou encore pour la cuisson.

« C’est depuis 1930 que nos grands-parents s’étaient convenus avec l’ICCN pour céder plusieurs hectares de champs qui avoisinent le Parc soit disant qu’ils nous donneraient de l’eau potable. Aujourd'hui, cette population riveraine ne voit aucune importance du Parc. Voilà même pourquoi les conflits entre l’ICCN et la population ne peuvent jamais s’arrêter car l’ICCN n’a jamais rien fait de bien en faveur de cette population riveraine qui du coup se voit obligée d’aller cultiver ses champs dans le Parc », se plaint Butaka Kisuba, président des agriculteurs du village.

Plusieurs cas de choléra et de diarrhée ont été enregistrés dans ce village et ont fait énormément de pertes en vies humaines. Malgré tout, la population n'a pas de choix, comme l'a expliqué l'infirmier de l'unique centre de santé de ce village qui, qualifié ou pas, fait de son mieux pour soigner des maladies causées par ce manque d'eau.

« Cette eau que nous consommons n’est pas bonne pour la santé car elle contient beaucoup de microbes. C’est une eau qui n’a aucun traitement, aucune filtration, il y a beaucoup de déchets toxiques invisibles dans cette eau mais nous sommes obligés de boire comme ça, car nous n’avons pas le choix », a déclaré Mukonda Kamale, infirmier titulaire du poste de sante de Mutaho.

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Les autorités provinciales pour leur part, sont conscientes du problème qui gangrène ce village ainsi que le territoire de Nyiragongo dans son ensemble. Craignant un conflit de longue durée entre la population riveraine du Parc National des Virunga et l’ICCN, l’Assemblée provinciale appelle à la révision des accords. Son vice-président n’écarte pas la possibilité d’introduire une motion en vue d’obtenir des réponses de la part de l’ICCN.

« Aujourd’hui, il y a même du courant qui vient de Rutshuru qui passe par Nyiragongo mais Nyiragongo n’est pas servi, c’est donc un sérieux problème et nous en tant que député au niveau de l’Assemblée, notre rôle est de demander à l’exécutif de contraindre l’ICCN de respecter et nous n’avons pas un autre choix. Donc, il ne faut pas si cette question fait l’objet d’une motion qui sera adressée au gouverneur qui à son tour, devra parler avec le gouvernement central », a dit à 7SUR7.CD Jean-Paul Lumbulumbu.

L'institution de l'État en charge de la production et de la distribution de l'eau potable, REGIDESO, y trouve pour sa part une autre explication liée au manque des moyens logistiques nécessaires.

Glody Murhabazi, à Goma