REFORME DU PORTEFEUILLE DE L’ETAT UNE ÉVALUATION S’IMPOSE

Mardi 19 janvier 2016 - 05:28

Huit ans après le lancement du processus de réforme des entreprises du Groupe du Portefeuille de l’Etat, quel est l’état de lieux ? Cette question préoccupe une bonne frange de l’opinion intéressée par l’activité économique nationale et par l’apport de ces entreprises publiques dans le budget national ainsi que dans la création de la richesse et l’absorption du chômage. En 2007, le Gouvernement, conduit à l’époque par le Premier ministre Antoine Gizenga, avait levé l’option de redresser toutes les unités de production de l’Etat dont les résultats financiers laissaient à désirer à cause de nombreuses pesanteurs endogènes et exogènes. Soutenue par le Groupe de la Banque mondiale dans le cadre du Projet Développement et Compétitivité du Secteur Privé (PDSP), la réforme lancée était encadrée par la structure Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du Portefeuille (COPIREP).

Dans une analyse récente sur les 2/3 de ces entreprises transformées des suites des effets des Décrets pris par le Premier ministre Adolphe Muzito en avril 2010, il est constaté que les résultats attendus de cette réforme sont mitigés ; les causes ayant justifié cette réforme continuent à subsister. Pire encore, certaines pesanteurs se sont installées pour durer. Et, en plus, le plus grand nombre de ces ex-entreprises publiques n’apportent toujours pas des ressources au trésor public. Au contraire, elles et continuent à être des canards boiteux, noyés dans des dettes bancaires et interentreprises, et ploient sous le poids des charges d’exploitation insupportables. Et ce tableau bigarré fait croire que la réforme aurait accouché d’un demi-échec. Et pourtant, la finalité du processus de leur restructuration procédait de la nécessité de les voir disposer de tous les moyens institutionnels et structurels susceptibles d’en faire de véritables foyers de richesses et de moteur de croissance économique pour l’ensemble du pays. Au moment où il est de plus en plus question du redéploiement économique, il est hasardeux de laisser en friche des pans entiers du tissu économique. Son inanition telle que présentée actuellement, n’augure pas un avenir économique à l’abri des aléas, affirment plusieurs observateurs.
Par ailleurs, un grand nombre de spécialistes continue d’affirmer que l’impérieuse nécessité de restructurer ces entreprises publiques procédait de l’importance de ces unités de production, lesquelles constituent l’essentiel de l’activité socio-économique de la RDC et conditionnent étroitement la vie et le développement des opérateurs privés, en tant que clients ou fournisseurs dans le circuit d’achat et de vente de biens et services. Cependant, il y a lieu de reconnaitre que la RDC n’a jamais fait une bonne politique de gestion de ses entreprises publiques, faute d’une bonne connaissance de leurs missions, affirment plusieurs spécialistes.

HISTORIQUE DU PORTEFEUILLE DE L’ETAT
Selon les archives tenues par le Conseil Supérieur du Portefeuille (CSP), la détérioration de ces ex-entreprises du Portefeuille s’est amorcée dès l’accession de la RDC à son indépendance suite à deux actes pris par les Belges au courant du mois de juin 1960. En effet, les Belges avaient pris un décret appelé "Loi d’option de nationalité". Ce décret avait permis à la quasi-totalité des sociétés de droit congolais, que ce soient les entreprises du Portefeuille de l’Etat ou totalement privées, d’opter pour la nationalité belge. Quelques jours après, les Belges avaient encore pris un deuxième décret qui consacrait la dissolution des sociétés à charte, lesquelles constituaient des structures d’encadrement de la gestion de la grande majorité des entreprises congolaises, en tant que filiales ou sous-filiales de ces grandes sociétés dissoutes. Ces deux actes ont, en eux seuls, fait évader, vers d’autres cieux, une bonne partie du Portefeuille de l’Etat congolais, plus particulièrement dans sa substance, et désorganisé le fonctionnement et l’encadrement des unités de production du Portefeuille de l’Etat.
Et dans ce bras de fer entre le colonisateur et le colonisé, le pire des actes a été celui posé par ce dernier en réponse. Se trouvant à ce début de son indépendance nationale avec des unités de production ayant changé de nationalité sans structure d’encadrement et, surtout, amputées des fonctions commerciales et financières transférées avec le siège social à l’ancienne métropole, le nouvel Etat congolais, après des tentatives de récupération de la nationalité de ses unités de production à travers différentes conventions, a nationalisé les sièges d’exploitation de ces sociétés restées au Congo, en les transformant en entreprises distinctes appartenant à 100% à l’Etat. Cet acte marquera la naissance des entreprises publiques congolaises dans leur configuration d’avant la réforme débutée en 2007.
Suivant les mêmes archives du CSP, il ressort que la gestion de ces entreprises créées par le nouvel Etat a été confiée à des fonctionnaires, non nécessairement préparés en matière de gestion des unités de production à caractère commercial.
Cette situation a été si dramatique que ces entreprises n’étaient régies par aucun texte réglementant leur fonctionnement. En effet, elles n’étaient plus ni des sociétés commerciales, n’ayant plus que l’Etat comme propriétaire, ni des structures d’administration publique, étant dotées d’un patrimoine propre, soumis à des dispositions contractuelles de droit privé (vente, achat et location de biens et services). Mais également parce qu’accomplissant quotidiennement, comme par le passé, des actes de commerce, en tant que profession habituelle, sans être assujetties à la législation sur les sociétés commerciales.

LES SERVICES DEVENUS DES ENTREPRISES
Conséquence de cet embrouillamini : de défaut de stratégie, notamment en matières commerciales et financières, avec comme corollaire l’absence d’investissement de maintien et, encore moins, d’expansion de l’outil de production. L’ampleur de dégâts découlant de cette absence de texte réglementant la gestion et le fonctionnement des entreprises publiques a conduit les autorités à édicter la Loi n°78-002 du 6 janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises publiques.
Dans la foulée, les décideurs avaient commis l’erreur d’inclure au nombre d’entreprises publiques d’essence commerciale les services d’administration publique. Aussi, à bien des égards, cette loi comportera-t-elle malheureusement un grand nombre d’inconvénients et incohérences à la base des sérieux handicaps constatés dans le fonctionnement de ces entreprises : notamment d’enlever à ces entreprises la vocation commerciale, c’est-à-dire la recherche de bénéfice, pour leur imposer celle exclusive d’instrument désigné d’exécution de la politique du gouvernement opposée à l’objectif de recherche de la croissance par le profit.
Devant les contraintes d’autorisation et d’approbation des décisions, pour le moindre acte de gestion de l’entreprise, les gestionnaires se privent de toute initiative et se laissent tracter comme des véritables irresponsables, par leurs autorités de tutelle respectives. Il a donc fallu attendre plus d’une trentaine d’années pour qu’en 2010 soit édicter une vraie Loi concernant les entreprises publiques, venue réorganiser et chercher à redresser les équilibres perdus. D’importants efforts ont été fournis pour idéaliser la nouvelle loi. Mais huit ans après, les résultats escomptés sont attendus parce que sur la vingtaine de sociétés commerciales écrémées de la réforme, de vingtaine d’établissements publics et de douzaine de services publics, l’esprit de la réforme a difficile à s’affirmer. L’intérêt de la restructuration qui est d’établir une démarcation entre le domaine de l’Etat et celui des organisations ayant pour vocation de produire de biens et services, qu’ils soient d’utilité publique ou privée, semble abandonné. AMBALU/Cp