Le processus électoral en République démocratique du Congo (RDC) est tiraillé de tous les cotés. Quand la Majorité présidentielle tient au respect du calendrier global publié par la CENI, l’Opposition, elle, soutient la tenue uniquement des élections essentielles.
Face à ces deux positions divergentes, Ne Muanda Nsemi suggère plutôt une transition de 3 ans pour organiser des scrutins dignes de ce nom. Cette position enchante les pourfendeurs du glissement mais bute à la constitution de la République.
«Moi, Ne Muanda Nsemi, je propose une rallonge de trois ans. Ladite transition sera dirigée par l’actuel Chef de l’Etat qui sera secondé par un vice Président, issu de l’Opposition, et un Premier Ministre, provenant de la Société civile. Tout au long de la transition, les décideurs politiques devraient s’attaquer aux préalables qui conditionnent la tenue des élections crédibles ».
Cette position du leader du mouvement politico-religieux Bundu dia Mayala, Ne Muanda Nsemi, exprimée le 5 juillet 2015 au cours d’un point de presse, au-delà du fait qu’elle énerve ses camarades de l’Opposition et, naturellement, fait le lit au glissement tant recherché par la Majorité présidentielle (MP).
Elle mérite donc d’être analysée sous les prismes de la Constitution de la République.
Proposer une transition de 3 ans alors que l’actuelle Constitution impose à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de convoquer notamment la présidentielle 90 jours avant la fin de mandat du chef de l’Etat inspire impérativement la modification de l’article 73 de la loi mère.
Cette disposition stipule que « le scrutin pour l'élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt dix jours avant l'expiration du mandat du Président en exercice ».
En effet, aux termes de la Constitution, la CENI est la seule institution ayant pour compétence exclusive d’organiser les élections et de traiter des questions électorales avec toutes les parties prenantes. C’est dire que même dans le cas de la convocation d’un dialogue, celui-ci ne peut décider d’une quelconque transition qui violerait les échéances électorales, surtout celles inscrites dans la loi suprême.
De même, l’idée d’une transition de 3 ans, cogérée par un président de la République de la majorité, un vice-président de l’opposition et un premier ministre de la société civile, énerve bien des dispositions légales.
La cruciale modification de la Constitution
La nomenclature actuelle dans les institutions de la République ne prévoit pas le poste de vice-président. « Les institutions de la République sont: 1. le Président de la République; 2. le Parlement; 3. le Gouvernement; 4. les Cours et Tribunaux », dit l’article 68 de la constitution ».
Tout aussi, sur quelle base juridique va-t-on accorder la primature à la société civile. Selon la loi des lois, le premier ministre est désigné dans le camp majoritaire à l’Assemblée nationale. « Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci », précise l’article 78.
Aussi, Ne Muanda Nsemi est-il totalement en déphasage avec le chef de l’Etat. Selon ses premières synthèses des consultations livrées le 29 juin dernier dans son discours à l’occasion de la fête de l’indépendance, Joseph Kabila épingle 4 obstacles à la tenue des élections : les contestations sur le calendrier global de la CENI, le manque de financement du processus électoral, l’impératif d’enrôlement des nouveaux majeurs, la nécessaire sécurisation des scrutins.
Là où l’élu de Selembao (commune de Kinshasa) pense qu’il faut une solution politique, une transition où le pouvoir sera partagé entre la majorité, l’opposition et la société civile, Joseph Kabila, lui, épingle des problèmes réels qui doivent être résolus, en principe, par les institutions congolaises.
En réalité, le schéma de Ne Muanda Nsemi impose nécessairement la modification d’un certain nombre d’articles de la Constitution. Faut-il rappeler que l’actuelle constitution est le fruit d’un compromis politique, obtenu à la suite du dialogue inter-congolais de Sun City et voté par référendum par le souverain primaire.
Par parallélisme de forme, il faudra la même recherche du pacte républicain pour parvenir à modifier l’esprit de la loi du 18 février 2006.
Toutefois, Ne Muanda, en tant que législateur, peut-il initier une proposition de loi pour modifier les articles de la constitution non verrouillés qui bloquent son schéma. Encore que, si cela doit se faire au Parlement, il faudra en déterminer le timing et surtout en mesurer le risque dans la réaction de la population. Celle-ci s’était déjà levée en janvier 2015 contre le projet de la Loi électorale qui portait en son sein des germes du glissement.
Aussi, l’agenda parlementaire n’est-il pas en faveur du co-leader de Congo-Pax. Présentement, les deux chambres sont en session extraordinaire, spécialement convoquée pour l’examen et le vote du Projet de loi sur la répartition des sièges dont une bonne partie de l’opposition entend boycottée, une fois inscrite à l’ordre du jour.
Après cette session, celle d’octobre est essentiellement budgétaire. Et donc, ce schéma ne pourrait, si son auteur le veut, être proposé que soit à une éventuelle session extraordinaire de janvier 2016 sinon à celle de mars. Or, 2016 c’est l’année de la présidentielle de tous les enjeux.
Comment alors Ne Muanda Nsemi et ceux qui pourrait soutenir sa démarche vont-ils débattre sereinement de ces questions aussi cruciales au Parlement, en 2016, sans provoquer une virulente protestation de l’opposition et des Congolais, hostiles à toute tentative de glissement ? Surtout que le syndrome de janvier 2015 mine encore le paysage politique congolais.