Plusieurs fois ministre dans différents gouvernements de transition mobutienne, député honoraire ( élu de Ndemba), le président de l’Union pour la Majorité Républicaine (UMR), Médard Mulangala Lwakabwanga, salue les consultations initiées par le Chef de l’Etat tout en fustigeant son caractère exclusif. Dans une interview accordée à Forum des As, ce baroudeur de la politique congolaise en appelle à un vrai dialogue sous la médiation internationale dont il donne déjà un contenu. Pour cet homme politique, la révision du fichier électoral est une condition sine qua non pour aller aux élections. Interview !
Le Chef de l’Etat Joseph Kabila vient d’initier les consultations dans le but d’apaiser le climat politique avant les élections ; Quelle est la position de votre parti ?
Je dirai que c’est une pratique nouvelle. Depuis 15 ans que le chef de l’Etat est à la tête du pays, c’est très rare qu’on voit de telles consultations. Peut-être aujourd’hui, comme il est à la fin de son mandat, il se rend compte que cela est nécessaire. Mieux vaut tard que jamais. Ce sont des pratiques qui devraient être permanentes. Le dialogue entre Congolais doit être permanent et c’est ce que nous avons toujours réclamé, mais pas sous ce format. Peut-être qu’aujourd’hui, cela est la résultante du changement de direction dans son parti. Nous saluons cette ouverture. Les Congolais ne sont pas des ennemis entre eux. Ils doivent se parler en toute liberté et en toute fraternité.
Que reprochez-vous à l’initiateur de ces consultations ?
Nous sommes dans un pays qui se veut démocratique et tous les jours nous exprimons nos points de vue sur des chaînes de télévision, des radios et dans des journaux. Nos points de vue sont connus.
Nous entendons par-ci par-là des propositions voulant faire de l’éventuel dialogue une affaire entre deux groupes. Non, ce n’est pas cela, l’esprit de la résolution du Conseil de Sécurité des Nations-unies. L’esprit de cette résolution stipule un dialogue politique inclusif entre toutes les parties prenantes. Nous ne voulons pas retourner à la CNS ni au format Sun-City. Je ne vois pas pourquoi on devrait écarter le parti comme le nôtre, présent dans les institutions du pays, dans de telles discussions.
Si on envisageait ce dialogue dans le format que vous souhaitez ; quel contenu lui donneriez-vous ?
Nous avons une position très claire et sans équivoque. Nous disons que s’il y a dialogue, sa mission essentielle serait de se focaliser sur des questions électorales pour qu’on puisse dégager un consensus sur la manière de conduire les élections vers la transparence, la crédibilité et la démocratie. Il faudrait discuter sur ce qu’il faut faire pour s’assurer que l’élection pivot ou l’élection principale à savoir : celle du chef de l’Etat se tienne dans le délai constitutionnel. Pour nous, le dialogue n’est pas synonyme d’aller partager le pouvoir, d’aller favoriser un glissement ou un changement de la Constitution. Nous voulons, pour une fois dans notre pays, que le Chef de l’Etat qui sera élu puisse, prendre ses fonctions, le 20 décembre 2016, conformément à notre constitution. Comme il a été le cas dans d’autres pays notamment au Nigeria.
Le processus électoral est déjà buté à des contraintes financières à en croire, la CENI, le Président du sénat, Kengo wa Dondo. Ces contraintes concernent les engagements des partenaires. En dehors de cette question liée aux aspects financiers et logistiques, il y a l’aspect politique où nous estimons qu’il serait tout à fait intolérable et inacceptable qu’on puisse aller aux élections sur base de l’exclusion.
Nous sommes de ceux qui pensent qu’on ne peut pas aller aux élections avec une approche qui vise à exclure des Congolais et à les priver de leur droit de vote. Donc, la révision du fichier électoral pour inclure toute personne en âge de voter est pour nous une condition sine qua non pour aller aux bonnes élections. En plus, on ne peut pas à l’issue d’un dialogue sur les élections, ne pas sanctionner politiquement ceux qui auraient été à la base du fiasco.
Concrètement, qu’on nous dise, au stade actuel, qu’est-ce qui a été mobilisé par la CENI en rapport avec ce qui est attendu. Si on constate que la CENI n’ a pas pu mobiliser assez de moyens permettant l’organisation des élections, nous devons en tirer toutes les conséquences politiques à l’interne et nous dire quelle élection il faut privilégier. Et à ce sujet, notre réponse est très claire et simple : on doit privilégier la présidentielle et les législatives. Voilà la nécessité si on parle de manque des moyens, d’analyser profondément les causes et de voir comment y remédier.
Le Chef de l’Etat préconise un dialogue entre Congolais ; pourquoi votre parti soutient un dialogue sous la médiation internationale ?
Naturellement parce que tel est l’esprit de l’Accord d’Addis-Abeba renforcé par deux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité des Nations-Unies à savoir 2098 et 2211 qui demandent à la Monusco, c’est-à-dire, à la Communauté internationale de prêter des bons offices à notre pays. Et d’ailleurs, qu’est-ce que nous perdrions à avoir un accompagnement parce qu’ici à l’interne la cohésion nationale fait défaut, la méfiance est totale entre acteurs politiques. La décrispation qu’on voit actuellement au niveau du Palais de la Nation est une nouvelle donne. Les uns et les autres se regardent en chiens de faïence parce qu’il n’y a pas de cohésion dans la classe politique. Dans les conditions actuelles, je pense qu’il est bon d’avoir des personnes qui peuvent nous accompagner. Nous l’avons déjà fait dans le passé avec bonheur. Je pense qu’aujourd’hui leur contribution n’est pas à rejeter. Elle n’entame en rien notre souveraineté. Elle facilite notre processus.
Apparemment vous parlez élection mais votre parti semble invisible sur terrain ?
Nous sommes bel et bien présents même si très clairement aujourd’hui, il appert qu’il y a certaines difficultés qu’on ne peut pas nier. Notre volonté politique est manifestée par le fait que nous avons aligné les candidats remplissant toutes les conditions relatives aux élections programmées par la CENI. Nous étions présents en 2006 et 2011. Et enfin, sur l’élection actuelle, nous avons aligné 18 listes dans différentes circonscriptions électorales.
A Washington en 2014, nous avons porté notre voix, que ça soit sur le changement de la Loi électorale, nous nous sommes exprimés. Il en est de même du débat sur la fosse commune de Maluku où nous avons parlé. A l’international, notre parti, Union pour la Majorité Républicaine(UMR), a été honoré par les frères africains. J’ai été élu vice-président du Réseau libéral africain.
C’est la preuve que nous contribuons aux débats parce que la présence d’un parti se manifeste notamment au moment des élections, au moment des grands enjeux. Propos recueillis par Dina BUHAKE