Lettre ouverte de l’Asadho au Président de la République et à la classe politique

Jeudi 11 juin 2015 - 12:41

Monsieur le Président de la République;
L’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme, ASADHO en sigle, vous adresse le présent courrier pour vous faire part de ses préoccupations en rapport avec la situation politique qui prévaut en République Démocratique du Congo en ce moment.

En tant qu’organisation engagée dans les questions des droits de l’Homme et du développement démocratique, l’ASADHO est toujours intervenue par ses écrits pour attirer votre attention et celle de notre classe politique sur certains problèmes qui rongent notre société et qui l’affaiblissent face aux multiples prédateurs nationaux et internationaux qui ne veulent pas de notre développement tant économique, social que démocratique.
Aucune nation ne peut faire face à ce genre de dangers, si ses citoyens, sa classe politique, sont divisés par des intérêts de diverses natures, ne se rencontrent pas pour parler et se mettre d’accord sur les choses qu’ils peuvent faire ensemble, en dépit de leurs divergences.
La grandeur de la classe politique d’un pays se met en exergue quand elle sait trouver des compromis sur des questions difficiles urgentes.

Fort malheureusement, Monsieur le Président de la République, pendant vos 14 ans de règne à la tête de notre pays, il nous semble que vous avez usé trop peu de votre position stratégique de symbole de l’unité nationale pour impulser pareilles rencontres.

En 2013, conscient de la fracture sociale et politique créée par les élections de 2011, l’impunité, les violations des droits de l’Homme, vous avez convoqué les concertations nationales. Ces concertations n’ont pas connu la participation de toutes les forces sociales et politiques à cause du fait que leurs conceptions, objectifs et agenda ont été imposés par votre famille politique à l’ensemble du peuple congolais.

Il est vrai que ces concertations ont été organisées: mais il est aussi vrai que leurs conclusions et résolutions ont eu un impact très limité. Elles n’ont pas résolu les vrais problèmes qui fragilisent notre pays dont le manque de cohésion nationale, la méfiance entre ceux qui dirigent le pays et le reste des forces sociales et politiques, l’insécurité qui continue à exposer beaucoup de congolais à la mort, mauvaises préparation et organisation des élection pour ne citer que cela.

Il n’est pas superflu de relever qu’à la veille -des grandes échéances électorales de 20161es mêmes problèmes identifiés ci-dessus demeurent et s’aggravent au point que si rien n’est fait le pays risque de ne pas rassurer le commun des mortels.

Le flou artistique sur votre représentation ou non à l’élection présidentielle de 2016 fait partie de problèmes qui aggravent la psychose tant au sein de votre famille politique qu’au sein de l’opposition politique et de toutes les forces sociales de la RD Congo.

Ainsi le besoin d’organiser de meilleures élections en 2015 et 2016, de préparer une alternative politique responsable et d’échanger sur d’autres questions d’intérêt national a conduit certaines forces politiques et sociales démocratiques à exiger un« Vrai dialogue ». Votre responsabilité dans le contexte actuel est grande, car l’avenir du Congo dépend en grande partie de la manière dont vous, Monsieur le Président de la République, allez gérer tous les problèmes soulevés ci-dessus.
Au-delà des problèmes politiques, économiques et sociaux auxquels notre pays fait face actuellement; nous nous réjouissons du fait que vous avez engagé des concertations avec les différentes forces politiques et sociales pour explorer la possibilité d’organiser le dialogue sur certaines questions d’intérêt national.

Dans son communiqué de presse n°010/ASADHO/2015 du 11 mai 2015, l’ASADHO soutient le dialogue entre les forces politiques et sociales dans le respect de la constitution et en vue de veiller à ce que le dialogue soit organisé dans les conditions différentes de celles des concertations nationales.

Le temps passe vite et il est mieux d’agir maintenant.

Aux leaders de l’Opposition politique, Mesdames et messieurs;
Nous .savons que tous les leaders politiques de l’opposition ne partagent pas le même point de vue au sujet de l’opportunité et ou de la participation au dialogue initié par le Président Joseph KABILA. Les uns soutiennent le dialogue et veulent y participer alors que les autres sont d’un avis contraire.

Pour nous et au regard des arguments avancés par les uns et les autres, vous avez tous raison. Mais sachez que si rien n’est fait, les congolais risquent d’être exposés à des troubles sociaux politiques dont personne ne peut imaginer ni l’ampleur ni les conséquences. Ce qui se passe dans les autres pays africains ‘doit nous servir des leçons pour éviter d’autres morts.

Si vous les politiciens, en premier lieu, vous ne faites rien pour trouver des’ compromis pour des élections et alternance politique paisibles, nous conclurons que vous n’aimez pas ce pays et que vous n’êtes plus dignes de le diriger.

C’est ici le lieu indiqué pour rappeler encore au Président Joseph KABILA qu’il est appelé à organiser un dialogue sincère, honnête et où le bonheur du Congo doit être au-dessus de tout intérêt individuel de garder le pouvoir ».

La responsabilité du Président de la République et de son gouvernement d’organiser un dialogue responsable est grande. Toute tentative du Président de la République d’organiser le dialogue pour ses intérêts personnels ou de sa famille politique sera suicidaire pour tous les Congolais. L’échec de ce dialogue à la veille des échéances électorales ouvrirait les portes à tous les démons.

Nous rappelons aux leaders de l’opposition qu’il est précoce de parler d’un glissement de calendrier électoral qui aboutirait à la prolongation du mandat du président Joseph KABILA sans qu’on ne soit en possession de l’agenda du dialogue.

Si le Président de la République a le droit de faire une proposition d’agenda pour le dialogue, il est clair que l’agenda final doit être le fruit d’un large consensus de toutes les forces politiques et sociales de la République Démocratique du Congo. L’agenda du genre de celui qui était imposé aux concertations nationales n’est pas acceptable.
Il nous parait aussi clair que toutes les questions liées à la révision de la constitution et à la prolongation du mandat du Président de la République devraient être proscrites de l’agenda du dialogue.

Ainsi, nous appelons tous les partis politiques de l’opposition à participer au dialogue défini comme ci-dessus pour le bien de notre pays.

Telle est notre contribution au débat actuel sur l’organisation d’un vrai dialogue pour notre pays.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs, l’expression de nos sentiments de parfaite considération.

Pour l’ASADHO
Me Jean-Claude KATENDE
Président National