Genève (AFP) - Le médecin congolais Denis Mukwege, reconnu pour son combat en faveur des femmes violées dans l'est de la RDC, présentera mardi aux Nations unies une pétition réclamant la fin de l'impunité pour les responsables de viols et d'abus sexuels dans son pays.
La pétition, signée par environ 200 organisations, sera remise au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU à Genève à l'occasion de la Journée internationale des femmes, a précisé lundi le Belge Thierry Michel, coréalisateur du documentaire "L'Homme qui répare les femmes" retraçant l’œuvre du Dr Mukwege.
"Quand un Etat ne prend pas ses responsabilités, la communauté internationale doit le faire", a expliqué M. Michel lors d'une conférence à Genève.
Le texte, intitulé "Non à l'impunité", réclame notamment que le Conseil publie une liste jusqu'ici secrète de 617 personnes soupçonnées d'avoir commis des viols et des atteintes aux droits de l'Homme en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003.
Il appelle aussi l'ONU à soutenir la création d'un tribunal spécial réunissant des juges et des procureurs internationaux pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis dans ce pays, et demande que des échantillons d'ADN soient systématiquement prélevés dans les affaires de viol.
"Cela nous aiderait vraiment à savoir qui est derrière tous ces viols", a précisé à l'AFP le Dr Mukwege en marge de la conférence.
Dr Mukwege a aidé depuis 1999 dans son hôpital de Panzi, à Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, à se reconstruire physiquement et psychologiquement environ 40.000 femmes victimes de viols accompagnés de violences sauvages commis à grande échelle dans l'est de la RDC depuis une quinzaine d'années, d'abord pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), puis au cours des différents conflits armés qui se succèdent ou se superposent dans cette région.
"Ces viols sont une arme de guerre", a dénoncé le gynécologue congolais de 61 ans, qui a reçu en 2014 le prix Sakharov des droits de l'Homme décerné par le Parlement européen. Le nombre de victimes de viols a diminué avec la baisse des combats, passant de 10 par jour il y a quelques années à un peu moins de 7 par jour, a-t-il précisé.
Mais le médecin se dit "très inquiet" par le nombre de patientes qui viennent désormais de secteurs hors de la zone de conflit alors que les violences touchent "un nombre grandissant d'enfants, même des bébés".
Selon une étude portant sur plusieurs années, plusieurs milliers d'enfants de l'est du pays ont été violés, et 200 avaient moins de cinq ans, a-t-il dit.
Il s'est aussi inquiété du nombre d'anciens enfants soldats, forcés par les groupes armés à commettre des actes de sauvagerie et qui ont été intégrés à l'armée régulière sans bénéficier de soutien psychologique. Le phénomène du viol "s'est métastasé dans notre société", a-t-il affirmé.