Le compte rendu de la réunion ordinaire du conseil des ministres du gouvernement de la Province Orientale de mi-janvier 2015 a annoncé un point qui aura retenu l’attention de tout analyste politique et ouvert la voie vers les spéculations. Le gouverneur Jean Bamanisa Saidi a demandé à ses ministres de préparer chacun leurs rapports à l’occasion du deuxième anniversaire depuis qu’ils sont en fonction.
De l’analyse de ce “devoir” et au vu de plusieurs paramètres, le remaniement du gouvernement Bamanisa paraît inévitable voire imminent. Une large opinion soutient que ce remaniement devait intervenir il y a longtemps n’eut été le retard qu’avait pris la formation du gouvernement de cohésion nationale de Kinshasa ; cet obstacle est levé. Il pourrait être technique ou profond par le changement ou les permutations de certains animateurs de l’équipe gouvernementale.
En deux années - le gouvernement Bamanisa a été investi le 26 février 2013 par les députés provinciaux -, Jean Bamanisa Saidi, à ne point s’en douter, connait les forces et faiblesses, les co1hpétences et les incompétences de ses collaborateurs quant à leurs prestations. D’ailleurs, selon des sources dignes de foi, il leur avait déjà adressé, en septembre 2014, des lettres individuelles sous forme d’une évaluation interne sur la feuille de route des actions prioritaires du gouvernement provincial dont l’exécution par certains d’entre eux souffre d’immobilisme caractérisé, ne permettant pas de réaliser les actions à impacts visibles et palpables.
C’était aussi une évaluation morale dans laquelle il relève leurs qualités et défauts de même que leur façon de se comporter vis-à-vis de leur personnel.
Selon le constat de l’opinion, certains ministres sont inutilement trop médiatiques en étant visibles dans les médias de louange. En réalité sur le terrain, ce sont des conflits de toute nature, les désordres, la mégestion, la corruption, le gangstérisme, les crocs-à-jambes, le laisser-aller, le favoritisme... qui prévalent et s’enracinent dans les services sous leurs tutelles respectives qu’ils sont incapables d’endiguer parce que eux-mêmes partie prenante. C’est ainsi que les moins performants pourraient logiquement céder leurs fauteuils aux nouveaux managers capables de booster les secteurs en panne. Ceux-ci ne manquent pas!
Sur le plan technique, le gouvernement Bamanisa I comporte en son sein des ministères lourdement chargés en inadéquation avec les compétences de leurs principaux animateurs. Cette situation influe négativement sur la marche desdits ministères. C’est pourquoi quelques-uns seulement de leurs secteurs sont actionnés au détriment des autres condamnés à n’exister que de nom et sur papier dans l’appareil de l’Exécutif provincial.
En plus, il y a de ces ministres Bamanisa qui ont la vision “urbaine” de leurs portefeuilles dans ce sens qu’ils ne concentrent toutes leurs actions que dans la ville de Kisangani au moment où l’arrière-province est mis dans les oubliettes. C’est soit par manque de créativité ou d’inspiration des ministres et leurs collaborateurs ou par l’insuffisance de moyens mis à leur disposition.
Le réaménagement technique de l’architecture du gouvernement Bamanisa pourrait aussi porter sur le chevauchement de certains ministères qui prêtent à confusion. Deux cas sont régulièrement cités dans les conversations. Il s’agit du ministère de l’Agriculture et Environnement d’une part, et de celui des Hydrocarbures et Ressources naturelles, d’autres part. Leurs ministres respectifs se disputeraient les attributions, se télescoperaient sur terrain étant donné que l’Environnement et les Ressources naturelles sont différemment interprétés. Il s’agit aussi de la Culture et des Arts rattachés au ministère de I’Information ainsi que de la Réforme culturelle qui fait partie du ministère de I’EPSP.
Ce réaménagement pourrait même être tentaculaire en touchant le cabinet politique même du gouverneur de province. Et pour cause, certains de ses membres seraient dans le collimateur des députés provinciaux à la suite du rapport de la commission Economique et Financière (ECOFIN) de l’Assemblée provinciale sur l’exécution du budget, premier semestre 2014.
Quel sort pour les commissariats provinciaux ?
Par arrêté provincial n°01/JBS/0049/CAB/PROGOU/PO/2014 du 30 avril2014, Jean Bamanisa Saidi créé les commissariats provinciaux de la Province Orientale. Et par arrêté provincial n°01/JBS/050/CAB/PROGOU/ P0/2014 du 30juin 2014, il a nommé 5 commissaires provinciaux chargés respectivement du Portefeuille, Investissement et Partenariat Public-Privé de la Décentralisation et Réforme des Finances publiques ; des Affaires foncières et Urbanisme; de la Mobilité et Plates formes logistiques; et de l’Economie, Entreprenariat et Développement. Nous saluons ici la mémoire de M. Rémy Henry Kuseyo Gatanga, décédé quelques semaines seulement après sa nomination en qualité de commissaire provincial chargé de la Mobilité et Plates formes logistiques.
La Province Orientale est donc la 4ème en RD Congo à se doter de commissariats provinciaux après le Bas-Congo, l’Equateur et le Kasaï-Occidental. Jean Bamanisa Saidi a justifié la mise en place de cette structure non prévue dans Ia Constitution par la vaste étendue de sa juridiction qui, normalement, devait compter 40 ministres provinciaux pour ses 4 districts futures provinces autonomes.
Les commissaires provinciaux, à qui d’aucuns donnent le rang de vice- ministres, viennent en appui aux ministres pour les secteurs aussi complexes et sensibles.
Mais au cours d’une séance plénière de la session ordinaire d’octobre dernier de l’Assemblée provinciale de la Province Orientale, l’honorable Etienne Masanga Kisigay avait, par une motion incidentielle, remis en cause.les commissariats provinciaux et exigé leur suppression pure et simple. Pour cet élu des Forces du Renouveau en territoire d’Ubundu, ils ont été créés sans la consultation et l’aval de l’autorité budgétaire et ne relève d’aucune ligne budgétaire de l’exercice 2014.
Pour les députés provinciaux, il s’agit de dédoublement des institutions. Ils constatent, en effet, qu’en plus des cabinets dont ils disposent, les commissaires provinciaux fonctionnent indépendamment des ministres provinciaux et ils ont presque en charge les mêmes secteurs.
Cette motion incidentielle a été coulée en recommandation par la plénière. Sera-t-elle appliquée par le chef de l’Exécutif provincial ? Si oui, le gouvernement provincial et le cabinet politique du gouverneur de province seront chamboulés. En effet, Jean Bamanisa. a puisé deux de ses cinq commissaires provinciaux dans son cabinet, en l’occurrence Albert Zamundu, chargé du Portefeuille, Investissement et Partenariat Public- Privé et Jean-Marie Mbende Bogala, en charge de la Décentralisation et Réforme des Finances publiques.
Ces ex-conseillers du gouverneur de province devraient soit réintégrer leurs anciens postes au cabinet politique soit être promus ministres dans le gouvernement Bamanisa II. Il en serait ainsi pour les deux femmes. Il s’agit de Justine Kerovi Dikanza, peu ou pas du tout connue p.ar les Byomais, et Yolande Ebongo Bosongo, ex-chef de Bureau du PNUD Kisangani, respectivement en charge des Affaires foncières et Urbanisme et de l’Economie, Entreprenariat et Développement que Bamanisa Saidi ne peut pas sacrifier, réduire au chômage s’il venait à supprimer les commissariats provinciaux.
Afin de ne pas arriver à cette option extrême, apprend-t-on d’une source fiable, les pourparlers seraient engagés entre l’Exécutif provincial et l’Organe délibérant pour que ce dernier revienne sur sa recommandation. Car, aux yeux de l’autorité provinciale, les commissaires provinciaux sont d’un apport non négligeable dans la marche de son gouvernement.
A la suite du “devoir” donné aux ministres par le gouverneur de province, les cabinets ministériels s’afféreraient à rédiger leurs rapports à présenter et défendre en marge de l’An Il du gouvernement. L’après 26 février 2015 s’annonce donc incertain où tout peut arriver. Ceux ou celles qui auront « échoué » auront à céder leurs places aux suivants. Bamanisa Saidi pourrait s’appuyer vraisemblablement sur le Secrétariat National pour le Renforcement des Capacités (SENAREC) pour peaufiner la composition de sa nouvelle équipe gouvernementale. Ce service du ministère national du Plan a accompagné les différents ministères provinciaux de la Province Orientale dans la gestion à résultats rapides (GAR) avec les initiatives à résultats rapides (IRR) qui ont été évaluées il y a quelque temps.
A la prochaine escale, le capitaine du bateau pourrait débarquer la moitié où près de la moitié de son équipage et en embarquer autant, commente-t-on dans les rues de Kisangani. Ce qui sera différent de la fois passée, quand “l’unité flottant JBS” avait continué avec tous ses passagers à bord dans ce voyage commencé le 26 janvier 2013. Si Bamanisa décidait de revoir son “appareil”, personne ne lui en tiendrait rigueur. Deux ans sont suffisants pour faire la révision du moteur.
Quel quota Bamanisa Saidi réserverait-il à l’Opposition dans la prochaine mouture? Dans l’actuelle, il lui a attribué un ministère sur les dix à travers la ministre Jeanine Aiwa Aroyo Yokobha, cadre du MLC. Le gouverneur apparait de ce point de vue comme le pionnier de l’ouverture politique en cours au pays.
Le temps a fini par lui donner raison dans la mesure où près de deux ans après la formation de son gouvernement, la RD Congo vient de se doter d’un “Gouvernement de Cohésion nationale”. Sur cette lancée, combien de personnalité de l’Opposition feraient-elles partie de Bamanisa Il ? Logiquement trois, à la rigueur deux. Mais qui ? Mais qui ?
GIRIS