Les langues commencent à se délier au sujet de la prolongation du mandat de l’actuel chef de l’Etat. Ceux qui doutaient encore ou qui prenaient les manifestations pacifiques de l’Opposition pour une fuite en avant car craignant les élections, doivent revoir leurs calculs et se rendre à l’évidence que ce plan existe et repose sur des éléments que l’on avait négligés et sur lesquels la majorité va asseoir son argumentaire à la veille des échéances présidentielle et législatives de 2016 conformément à la Constitution encore en vigueur.
Si les grands responsables de la famille politique du Chef de l’Etat ne ratent pas une occasion pour rejeter les accusations formulées par les partis de l’Opposition ainsi que les hommes de bonne volonté qui flairent un énième coup fourré destiné à prolonger le mandat de Joseph Kabila au-delà du délai constitutionnel, des voix commencent à dévoiler la stratégie qui sera mise en oeuvre à l’approche de la date butoir pour l’organisation et la tenue des élections présidentielle et législatives en 2016.
Les téléspectateurs qui ont eu à suivre le lundi dernier la sortie médiatique de Yves Kisombe, ancien cadre et député du MLC qui a traversé la rue sans crier gare au lendemain des élections de 2011, doivent s’être mordu les doigts. Celui qui passe pour l’un des enfants terribles de la M.P. n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour déclarer haut et fort que des institutions comme le Sénat actuel, les assemblées provinciales et les gouverneurs en fonctions ont largement dépassé les délais impartis par le législateur pour leurs mandats électifs obtenus depuis 2006. Le ciel ne nous est tout de même pas tombé sur la tête, a-t-il signalé pince-sans-rire, avant d’ajouter sourire en coin que ni la majorité, ni l’opposition et encore moins la communauté internationale n’a osé crier à la violation de la Constitution.
Cette profession de foi n’est pas le fruit du hasard ni d’un lapsus linguae et encore moins d’une génération spontanée. Elle procède d’une stratégie concoctée depuis 2006 dans les officines de la MP qui s’étaient rendu compte que les forces politiques et sociales allaient braquer leur attention sur les élections présidentielle et législatives de novembre 2011 sans se soucier le moins du monde des élections provinciales qui pourtant étaient destinée à élire au second degré les sénateurs et les gouverneurs des onze provinces de la République. Ces stratèges savaient que les acteurs sociopolitiques, les électeurs et la communauté internationale passeraient l’essentiel de leur temps à palabrer sur les tripatouillages des résultats. Comme le dit un adage populaire, qui veut aller loin ménage sa monture. Cette stratégie a fait boule car les stratèges de la MP voyaient déjà plus loin que tout le monde.
Un coup fourré préparé depuis 2006
On vient ainsi de prendre connaissance, grâce à Yves Kisombe, du plan de prolongation du mandat de Joseph Kabila sans pour autant toucher à la Constitution comme s’en vantent la plupart des leaders des partis de cette plate-forme politique. Comme éléments de leur stratégie, ils avancent des motifs juridiques de nature à ne pas organiser les élections conformément au délai constitutionnel. C’est suite à des difficultés matérielles, financières et sécuritaires que les élections provinciales ne se sont pas tenues en 2011, a fait savoir Yves Kisombe. Le décor est déjà planté. Tout d’abord la révision de la loi électorale qui a failli faire sauter hier le Palais du Peuple et sur laquelle s’accroche becs et ongles la majorité présidentielle quel qu’en soit le prix, ne vise rien d’autre qu’à conditionner l’organisation et la tenue des élections présidentielle et législatives à la publication des résultats du recensement général des populations congolaises.
Or, comme on le sait l’ONIP ou l’Office National de l’Identification des Populations ne pourra pas organiser le recensement général alors qu’il ne reste plus que 22 mois qui nous séparent de la date butoir du 19 décembre 2016. Selon toutes les études réalisées au niveau des organismes spécialisés dans ce domaine, il faudrait au moins quatre ans pour organiser ce recensement général au regard de l’immensité du territoire congolais aux dimensions continentales, à l’état désastreux des voies de communication, à l’absence criante des infrastructures administratives sur la majeure partie du pays et surtout à l’insécurité délibérément entretenue à travers les territoires de l’Est pour les besoins de cette cause. Comme quoi, la majorité présidentielle dispose de nombreuses cartes dans ses manchettes pour sa stratégie de conservation du pouvoir sans pour autant procéder à la révision de la Constitution.
F.M.