Le manque d’emploi et la pauvreté ont rendu certains parents incapables d’assumer leurs responsabilités. Soucieuses d’apporter un appui à leurs époux pour subvenir aux besoins du ménage, quelques femmes congolaises s’adonnent de plus en plus aux métiers informels jadis réservés aux hommes. Depuis plus d’une décennie, les rues et coins de Kinshasa sont envahis par les femmes ayant opté pour le métier de cambiste. Il s’agit d’une opération de qui consiste à changer une monnaie contre une autre. Ces femmes exercent par ailleurs, toutes sortes d’activités commerciales telles que la restauration, la vente à la criée des légumes, des pains et autres biens de première nécessité.
Elles sont très visibles à travers la ville de Kinshasa aux côtés des hommes et jeunes gens dans les opérations de change pour chercher à gagner quelque chose à la fin de la journée. Il suffit seulement de faire un tour sur les endroits stratégiques bien connus dans la capitale pour s’en rendre compte. Sur la place Victoire, au quartier Matonge dans la commune de Kalamu, Martine, 50 ans révolus, veuve et mère de six enfants, confie que grâce à ce métier, ses enfants sont nourris et scolarisés normalement depuis la mort de son mari. Juste à côté, Bernadette, étudiante à l’Institut supérieur de commerce (ISC), vacation soir, fait savoir qu’elle paie les frais académiques difficilement avec le peu qu’elle gagne dans cette opération de change. Pour tenir, elle associe à son activité la vente des cartes prépayées et des papiers mouchoirs.
Au marché central de Kinshasa sur la place " Couloir", les femmes cambistes se disputent les clients avec les hommes. " Je suis heureuse de me retrouver dans ce métier qui me permet de nouer les deux bouts du mois. Mes enfants et tous ceux qui sont à ma charge ne meurent pas de faim. J’ai démarré après avoir économisé trois mois de salaire de fonctionnaire, mon mari étant déjà à la retraite ", explique Jeanne, mariée et mère de famille.
INTELLECTUELS A PART ENTIERE
Ce n’est pas toujours facile. Quelques femmes interrogées ont fait part de leur calvaire dans l’exercice de ce métier. Certaines sont considérées par plusieurs clients potentiels comme des prostituées et illettrées. Chômeuse de son état après ses études à l’Université Pédagogique Nationale (UPN), Marie-Claire, cambiste à Kintambo Magasin, déplore une certaine opinion qui pense que les cambistes sont des gens qui n’ont pas assez étudié.
Cette femme a tenu à préciser que parmi les cambistes, il se trouve des gens qui ont fait de bonnes études. C’est juste qu’ils ont du mal à trouver un bon emploi. Parlant de son cas personnel, elle déclare à qui veut l’entendre que le cambisme est un tremplin, en attendant qu’elle trouve un emploi répondant à son profil.
ENFANTS SACRIFIES
Face à l’irresponsabilité de quelques parents et au manque de moyens, certains enfants emboîtent le pas aux femmes qui se débrouillent pour se prendre en charge ou aider leurs familles. C’est ce qui explique la présence des mineurs exerçant le petit commerce dans les rues de Kinshasa. Ces enfants qui se sont lancés depuis un certain temps sur terrain sont à ce jour des vendeurs ambulants de cigarettes, papiers mouchoirs et fruits. D’autres ont opté pour la vente de l’eau en sachet et le cirage des chaussures. La liste n’est pas exhaustive. Non parfois sans risque pour leur santé. " Avec la vente des arachides, je suis obligée de parcourir tous les coins du centre ville pour écouler ma marchandise. C’est grâce à ce que je ramène de cette activité que ma mère parvient à nourrir toute la famille", a indiqué Niclette, une fillette de moins de quinze ans, vendeuse ambulante.
Certains vont jusqu’à proposer leurs services auprès des expatriés en ville comme des porteurs ou balayeurs journaliers malgré l’interdiction par la loi, du travail des enfants. Le gérant d’un magasin a même confié que certains patrons expatriés préfèrent faire travailler des enfants qu’ils jugent moins exigeants au lieu d’engager les adultes. José BABIA