La tragédie d‟Erengeti, avec un bilan macabre de 84 morts parmi des innocents qui n‟ont eu pour unique tort que celui d‟être Congolais et d‟habiter le Nord-Kivu, a relancé la polémique autour des avancées pour les uns et du piétinement, pour les autres, des opérations de traque des forces négatives au Nord-Kivu. Le nombre fort élevé des victimes et le lieu de l‟attaque, dans un périmètre où est signalée une forte présence des troupes des FARDC et de la Monusco, donne à penser que plusieurs rébellions étrangères et milices locales se sont rapidement reconstituées.
Pourtant, il y a une année, après la décapitation du M23, les discours étaient au travail de ratissage des dernières poches de résistance des ADF-Nalu dans la périphérie de Beni. L‟ère d‟une paix durable semblait ouverte pour les compatriotes de l‟Est, assurés par la hiérarchie de l‟armée nationale et de la Monusco que le plus dur avait été fait. Preuve que l‟ennemi numéro un de la paix au Nord-Kivu, à savoir le M23, était « mort » et « enterré », de nombreux déplacés de guerre, concentrés dans les villes de Beni, Butembo, Lubero, Kasindi, Rusthuru et autres, avaient commencé à regagner leurs villages.
Considérés pendant des années comme des sites coupe-gorge, les vallées et forêts de l‟Est du pays avaient commencé à être fréquentées par de nombreux travailleurs de la terre, pêcheurs, artisans et éleveurs. Au regard de ce qui s‟est passé à Erengeti et de tout ce qui se raconte autour des incursions feutrées d‟anciens sociétaires du M23 dans plusieurs contrées du Nord-Kivu, le principal constat que n‟hésitent pas à établir nombre d‟analystes politiques et militaires est que tout est à refaire en matière de lutte contre les forces négatives, nationales comme étrangères. La chaude alerte d‟Erengeti se veut un signal fort de la présence, dans plusieurs villes et localités de l‟Est de la République, des forces négatives que l‟on croyait, à tort, avoir renoncé à leur entreprise funeste de déstabilisation du pays et de pillage de ses ressources naturelles. S‟il y a eu un relâchement dans les opérations de ratissage des rebelles étrangers et combattants des milices internes, les morts d‟Erengeti ont le mérite de rappeler à l‟ordre à la fois les décideurs politiques et la hiérarchie des FARD. Il avait pourtant été dit, après l‟effondrement du M23, que l‟armée nationale ne devrait pas dormir sur ses lauriers. Sans pour autant chercher des coupables, force est de constater que quelque chose doit avoir cloché dans la conduite de ce que l‟on s‟est mis à considérer comme des opérations routières de nettoyage des résidus des rebelles ougandais et rwandais.
Revisiter l’opération « Sukola »
L‟opération « Sukola », qui signifie « nettoyage » des dernières poches de résistance des forces négatives sur l‟ensemble de la province du Nord-Kivu, devrait être revisitée. D‟aucuns estiment même que les FARDC devraient désormais se considérer en guerre permanente contre les ennemis de la paix et rester constamment en état d‟alerte sur tous les fronts. Etant donné que l‟ADF-Nalu aujourd‟hui et peut-être le M23 demain sont capables de frapper à tout instant, la brigade d‟intervention rapide devrait être prête à parer à toute velléité d‟attaque d‟une ville ou d‟un village. Les experts militaires savent qu‟au Nord-Kivu, les ennemis de la paix ne respectent aucune règle de la guerre classique. Par conséquent, il ne suffira plus de croire que la « situation est sous contrôle » pour qu‟il en soit ainsi. Le nouvel état d‟esprit à installer au sein des FARDC est que tout est à refaire, de manière à écarter ou, à tout le moins, banaliser les effets de surprise. Bref, considérons désormais que la paix reste précaire dans l‟est du pays et que pour asseoir une paix durable, il faudra s‟assurer que les forces négatives et leurs complices internes sont effectivement privés de leur capacité de nuisance. La méfiance doit être totale.