Faut-il vraiment se réjouir de l’arrivée, depuis hier mercredi 26 novembre à Kisangani, de 28 combattants des FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) et de 62 de leurs dépendants (femmes et enfants) en provenance de Kanyabayonga, au Nord-Kivu? Pour tous ceux qui suivent le feuilleton de cette force négative rwandaise, voici vingt ans, il n’y a aucune raison de pavoiser. Il est vrai qu’il pourrait s’agir là d’un signal positif de leur volonté de se laisser désarmer, démobiliser et réinsérer dans la vie civile, conformément à plusieurs résolutions des Nations Unies, à l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, mais surtout à l’ultimatum leur lancé par la CIRGL (Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs) et la SADC (Communauté Economique de Développement de l’Afrique Australe) lors du Sommet de Luanda, en juillet dernier. Ce qui fait tiquer, dans le dossier, c’est le délai anormalement long pris par ces rebelles rwandais pour se laisser finalement conduire, sous la protection de la Monusco, au centre de transit de Kisangani.
Un cantonnement sur le tard
Pourquoi ces perturbateurs de la paix à l’Est de la République Démocratique du Congo depuis deux décennies ont-ils attendu le dernier mois précédent le délai butoir (02 janvier 2015) pour faire timidement le premier pas vers Kisangani ? En considérant les effectifs supposés des FDLR - 1.400 pour certaines sources et près de 7000 pour d‘autres – ce n’est pas demain que va se terminer le transfert de tout le contingent à Kisangani, encore que rien ne garantit l’assentiment de tous à se laisser cantonner loin de leur «jardin » du Nord-Kivu, à un jet de pierres de la frontière avec le Rwanda.
En scrutant les préalables posés par les membres de cette nébuleuse — visite du site de cantonnement avant toute opération de transfert, présence de leurs dépendants dans le site de transit, dialogue interwandais avant tout rapatriement vers leur pays d’origine, protection de la Monusco — mais aussi leurs multiples voltes-faces dans leurs engagements à renoncer à la lutte armée, l’on ne peut que se montrer sceptique face au faible nombre des candidats au transfert à Kisangani.
Certains observateurs pensent que les FDLR n’ont pas vraiment l’intention de quitter les forêts et les sites miniers du Nord-Kivu et du Sud-Kivu qu’ils contrôlent tranquillement depuis 20 ans, pour des lendemains incertains à Kisangani dal3ord et plus tard dans un pays qui reste à déterminer, puisque Paul Kagame reste carré dans sa position pas de place pour les génocidaires sur le territoire rwandais. Dès lors que Kigali maintient son refus d’ouvrir ses frontières aux FDLR – et même si tel était le cas, aucun rebelle rwandais ne prendrait le risque d’un saut dans l’inconnu – l’équation de leur rapatriement demeure sans solution.
La modicité de l’effectif qui a accepté le déplacement de Kisangani donne à penser que la main noire qui manipule les FDLR recherche, ni plus ni moins, une prolongation de l’ultimatum de la CIRGL et de la SADC. Dans la perspective d’une nouvelle prolongation de délai, un nouvel agenda d’encrage en territoire congolais serait en chantier, comme c’est le cas depuis 20 ans.
En route pour le statu quo
Au regard du refus catégorique du Rwanda d’accueillir les FDLR sur son sol, de la tiédeur des combattants de cette force négative de se soumettre au désarmement volontaire, à la démobilisation et à la réinsertion mais aussi des difficultés pour les FARDC et la Monusco de leur imposer la loi de la force, il est à craindre qu’après le 02 janvier 2015, la situation s’enlise dans le statu quo. A l’image des éléments ADF-Nalu qu’on présentait comme complètement anéantis il y a quelques mois, on risque d’assister à un nouvel épisode d’attaques meurtrières des FDLR sur des populations civiles au Nord-Kivu et au Sud-Kivu.
L’autre interrogation est de savoir si leurs parrains congolais, rwandais, ougandais et autres, qui les approvisionnent en argent frais, armes et munitions, en contrepartie des minerais qu’ils ramassent aux quatre coins de deux provinces précitées, vont accepter de lâcher leur fond de commerce. Bref, les paramètres politiques, militaires, financiers et sociaux indiquent que l’éradication des FDLR reste des plus hypothétiques, en dépit des menaces de la communauté internationale de mettre le paquet pour les liquider par la force.
Kimp