On craignait le glissement, il arrive à pas feutrés. Il ne viendra ni par voie de révision de la Constitution, ni celle de la loi électorale. L‘enrôlement des nouveaux majeurs, c’est- à-dire des jeunes ayant atteint l’âge de voter en 2015 s’offre comme un passage par lequel s’obtiendra ce fameux glissement. L‘Opposition qui l’avait érigée en préalable à son implication au processus électoral devra se mordre les doigts. Dans son discours de célébration de l’indépendance, le chef de l’Etat s’est accroché à cette exigence, jugeant «illégal» la mise à l’écart de ces jeunes électeurs. Dès lors, une nouvelle opération d’enrôlements s’impose pour actualiser le fichier électoral de la CENI. Plus loin, la retouche de la loi électorale et la refonte du calendrier électoral paraissent inéluctables. Un déco qui se prête bien au glissement tant redouté.
L’opposition congolaise risque de manger sa propre queue. C’est le moins que l’on puisse dire. Elle a l’habitude de demander une chose puis se rétracter juste après. Elle était la première à exiger un calendrier électorale nationale indépendante (CENI) s’est pliée à cette exigence le 12 février 201 5, date de la publication de ce calendrier suivant le format voulu par l’Opposition. Dès sa publication, la même Opposition l’a vite remis en cause, estimant que ce calendrier était « trop chargé », donc difficilement réalisable.
Pour l’Opposition, un dialogue était nécessaire pour aplanir d’éventuelles divergences en vue d’aboutir à un calendrier consensuel. La Majorité présidentielle (MP) s’était totalement alliée derrière la CENI, ne trouvant aucune opportunité de remettre en cause le calendrier électoral du 12 février 2015. La bataille était rude, jusqu’à ce que le chef de l’Etat cède finalement. Les consultations initiées par le président de lé République étaient censées baliser la voie à ce dialogue.
Curieusement, l’Opposition s’est vite rétractée, se désengageant complètement de l’initiative d’un éventuel dialogue. Jusqu’à ce jour, l’Opposition est toujours plongée dans ses interminables contradictions et ses initiatives plombées par le démon de la division qui l’habite. A l’opposition, le dialogue est au cœur d’une vive et très profonde polémique.
Et, comme si cela ne suffisait pas, l’Opposition est encore est revenue à la charge pour réclamer l’enrôlement des nouveaux majeurs; ceux qui sont exclus des arriérés électoraux prévus dans le calendrier électoral global du 12 février 2015, à savoir les élections provinciales, municipales, urbaines et locales. L’Opposition est allée jusqu’à saisir la Cour Suprême de Justice pour obtenir l’enrôlement préalable par la CENI des nouveaux majeurs afin d’éviter au pays des scrutins biaisés.
A l’époque, l’action de l’Opposition est passée inaperçue. En effet, on n’en avait pas mesuré la portée ainsi que les conséquences. Le 29juin 2015 dans son discours de célébration du 55ème anniversaire de l’indépendance, le chef de l’Etat a ramené la question de l’enrôlement des nouveaux majeurs à la surface, faisant sienne cette exigence de l’Opposition. Longtemps hésitant sur le sujet, le chef de l’Etat a donc rallié l’idée défendue par les ténors de l‘Opposition.
A côté du calendrier électoral global, le financement du processus électoral et de la sécurisation de ce processus que le chef de l’Etat considère comme des « obstacles » majeurs pour des scrutins libres, transparents et apaisés. Le chef de l’Etat prend désormais compte de « la participation aux scrutins de 20)5 d ‘anciens mineurs devenus majeurs, en cours du cycle électoral qui du fait de la loi électorale en sont exclus, et donc injustement privés d’un droit quel ‘estime légitime ». Joseph Kabila s’étonne que «cette loi prévoit, en effet, que cette frange importante de notre population ne soit prise en compte que lors des scrutins à venir, après le renouvellement du fichier électoral». Pour Joseph Kabila, c’est une injustice que l’on devait vite corriger au regard de « l‘exigence de paix et de stabilité, si vitale pour notre pays, et dans le souci de mieux faire aboutir le processus électoral ».
RETOUR A LA CASE DEPART
On est donc parti pour une longue période de flottement.
En cédant à la demande jadis exprimée par l’Opposition, le chef de l’Etat a ouvert une brèche qui mène droit à un glissement de l’ensemble du calendrier électoral. Car, que veut dire l’enrôlement des nouveaux majeurs, c’est-à-dire des jeunes en âge de voter, estimés aujourd’hui à près de huit (8) millions sur l’ensemble du territoire ?
La conséquence immédiate de cette exigence est la remise en cause totale de toutes les étapes déjà franchies par la CENI. A première vue, cette opération suppose l’actualisation du fichier électoral pour inclure ces jeunes électeurs dans la base de données de la CENI. Aussi la CENI sera-t-elle obligée de diligenter une autre opération d’enrôlement de tous les électeurs - un coût supplémentaire qui va se greffer à son budget électoral déjà saturé.
Les conséquences ne se limitent pas là. L’enrôlement des, nouveaux électeurs supposent également une modification de la loi électorale, révisée dans des conditions difficiles en janvier 2015.
Car, l’actualisation du fichier électoral, et corollairement, l’accroissement du nombre d’électeurs dans différentes circonscriptions, imposent inexorablement une nouvelle répartition des sièges à différents niveaux de scrutins, autre que la présidentielle.
Que dire alors à ce stade ?
La réalité est que le processus électoral va prendre du plomb dans l’aile. De part et d’autre chacun travaille « objectivement » pour le glissement. Plus les jours passent, plus des preuves s’accumulent. A analyser de plus près, l’Opposition et la Majorité évoluent dans des « convergences parallèles » du cardinal Monsengwo.
En effet, tous travaillent pour le glissement tant redouté en public pour des besoins de la consommation du souverain primaire. Personne dans la classe politique n’a véritablement la volonté d’affronter les urnes dans les délais fixés par la Constitution et la CENI. Tous n’aspirent qu’à une chose glisser.
Aujourd’hui, l’Opposition est totalement renfermée dans le piège du glissement. Elle a réclamé le dialogue à cor et à cri, Kabila a fini par céder. Dans son discours du 29juin 2015, le chef de l’Etat persiste désormais sur cette voie, même si l’Opposition n trouvé à redire. La même Opposition a par la suite réclamé l‘enrôlement des nouveaux électeurs. Kabila vient une fois de «mordre » au projet. Garant de la Constitution, le chef de l‘Etat estime que mettre à l’écart ces millions de Congolais, c’est aller en l’encontre de la Constitution.
Du coup, le calendrier électoral global du 12 février 2015 va voler en éclats C’est le retour à la case départ. Adieu les provinciales de 2015. Place à un nouveau calendrier électoral qui devra alors prendre en compte le nouveau décor, c’est-à-dire u nombre revu à la hausse des électeurs. Et, bienvenu le glissement!
Et dire que Kabila n’a fait que se plier, une nouvelle fois, à une exigence de l’opposition.
Par LE POTENTIEL