Alors qu’une délégation des magistrats a déposé hier un mémo à l’Assemblée nationale, une source qualifiée soutient que la majorité de « juges » travaillent normalement hormis ceux qui seraient « manipulés ».
Plus de procès dans différents Cours et tribunaux de la RDC ? C’est la question que l’on se pose. Interrogée, une source qualifiée relativise en disant qu’il n’y a pas de grève au sein de la magistrature. Les gros des magistrats travaillent normalement. Et que ceux des magistrats qui ne travaillent pas, seraient manipulés et subiraient la rigueur de la loi.
Mais, à en croire certaines sources, depuis hier lundi 3 novembre, les magistrats ont décidé d’un arrêt de travail à durée indéterminée pour revendiquer l’amélioration de leurs conditions de travail. Principalement l’augmentation de leurs salaires. " Il n’y aura même pas de service minimum", a déclaré sur un ton de colère hier à la presse, un magistrat du groupe de ceux qui se sont déplacés pour déposer leur mémorandum au bureau du président de la Chambre basse du Parlement, Aubin Minaku.
Dans leur cahier de charge, les magistrats congolais exigent que le salaire actuel du Premier substitut du procureur passe de 220 mille francs congolais à 1.600$US, tel qu’il a été convenu aux termes des négociations en 2011 avec le Gouvernement Muzito. " Il est inconcevable et même inadmissible qu’un magistrat qui travaille sans allocations liées aux soins de santé ni indemnités de fin de carrière, puisse percevoir 220.000 francs congolais ne lui permettant pas de vivre à l’abri des besoins. Trois ans après les pourparlers de 2011, il nous revient de constater que l’employeur a abusé de notre patience, en refusant délibérément d’accomplir sa promesse de 1.600$US, comme salaire mensuel à payer au moins gradé des magistrats. Tout ce que nous réclamons à ce jour, c’est le payement de ce montant tel qu’annoncé personnellement par le Président de la République. A bout de patience, nous estimons opportun de reprendre la grève suspendue sur l’ensemble du territoire national jusqu’à ce que l’Etat congolais, notre employeur, aura donné satisfaction à notre requête ", a déclaré un autre magistrat du Tribunal de paix de Kinshasa-Gombe.
Pour faire entendre raison, une trentaine de magistrats en toges, se sont rendus hier lundi en fin de matinée au Palais du peuple pour remettre leur mémorandum au président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku. Le groupe a été constitué d’un échantillon des magistrats des parquets et des tribunaux. Non compris les magistrats de la Cour suprême de justice. Mais au départ, la démarche de ces magistrats n’a pas du tout semblé rencontrer l’assentiment des policiers commis à la sécurité du siège du parlement. Car, à peine qu’ils ont franchi l’enceinte du Palais du peuple, ces hommes de loi - toutes loges confondues - n’ont pas bénéficié de la moindre faveur de ces agents de l’ordre qui ne les ont pas du tout laissés passer. Motif avancé : le speaker de la Chambre était absent de son office. Du coup, ces fonctionnaires de l’Etat en colère, n’ont pas caché leur indignation.
"Comment ne peut-on pas avoir un interface valable pour une si grande institution comme l’Assemblée nationale ? Nous ne sommes pas venus pour un quelconque sit-in au Parlement. Notre démarche se limite à la remise d’un mémo au Président de la Chambre basse, avant de nous rendre au bureau du Premier ministre, Augustin Matata Ponyo pour y déposer le même document ", a déclaré sur fond d’indignation, M. Shabani, magistrat debout au Parquet de grande instance de Matete.
La situation s’est plutôt décantée en début d’après-midi. Car, Aubin Minaku, magistrat honoraire du Parquet de grande instance de Matete, a dépêché le directeur de son cabinet, Jean-Pierre Lihau, à la rencontre de ces magistrats. Dans un bref entretien qui n’aura pas dépassé un quart d’heure, l’émissaire du président de l’Assemblée nationale, lui aussi juriste de formation, a relevé dans l’approche de leurs visiteurs, un vice de procédure en matière de dépôt de mémorandum. Selon lui, son patron devait selon les usages en la matière, être informé au préalable 48 heures avant. Malgré cette défaillance qui a paru mineure, Jean-Pierre Lihau a reçu le mémento des magistrats qu’il transmettra sans doute à qui de droit.
Ce qui est sûr, aucun magistrat n’a déclaré le top salaire du plus gradé de leur profession. Certaines indiscrétions ont parlé de plus de 600.000francs congolais. D’autres par contre ont laissé entendre que le salaire du plus gradé des magistrats pourrait avoisiner l’équivalent de 1000 Usd.
APRES LE SALAIRE, LES CONDITIONS SOCIOPROFESSIONNELLES…
" Circuler dans les juridictions de notre pays et vous serez édifiés des conditions socio-professionnelles infra humaines dans lesquelles travaillent les magistrats. Au jour d’aujourd’hui, par exemple, le bâtiment du Parquet de grande instance de Matete présente des fissures béantes qui suggèrent son écroulement imminent. Au tribunal de paix de Lemba qui emploie un nombre important de femmes magistrats, les toilettes hygiéniques sont quasi inexistantes si bien que pour leurs besoins primaires, ces consœurs sont obligées de traverser la rue pour solliciter la charité des propriétaires des maisons voisines. Ce qui n’est pas du tout admissible ", fait savoir un magistrat de la Cour d’Appel. Avant de préciser qu’après la revendication de salaires, de nouvelles négociations devront être envisagées pour améliorer les conditions socioprofessionnelles du magistrat. " Trop, c’est trop. J’achète moi-même, et la chaise et le mandat de comparution. Non. Le moment est venu pour changer les conditions de vie du magistrat congolais. Allez-y visiter l’ancien président de la Cours suprême de Justice et vous serez édifié du reste ", a encore déploré le même magistrat hier à la presse.
Dans cette fougue de réaction, un autre magistrat a déclaré que c’est à tort qu’on accuse les accuse des pratiques qui ternissent l’image de la magistrature. " Il est facile de brandir à la fasse du monde, un impair commis par un magistrat. Mais personne de tous ceux qui nous critiquent, ne se donne la peine de connaitre dans quelles conditions nous travaillons. Nous n’avons pas de soins médicaux. Par conséquent, un magistrat qui tombe malade ne peut compter que sur la solidarité de ses confrères qui se cotisent pour les soins. Non. Nous devons sortir de cet état ancien des choses, dépeindre le tableau sombre de la misère du magistrat en vue de lui assurer un minimum vital qui le placerait à l’abri de toute tentation ", déclare un magistrat du Tribunal de commerce.
Tout porte à croire que sans minimum de bien-être, la vertu demeurera un idéal inaccessible pour le magistrat congolais. Au cas où cette grève serait effective, elle survient alors trois soit 72 heures après, la rentrée judiciaire, vendredi le 31 octobre dernier. Laurel KANKOLE