Ceni – Opposition : 1er choc frontal !

Mardi 28 avril 2015 - 10:35

Notre pays traverse une période particulière de son histoire. La République Démocratique du Congo est, en effet, confrontée à une crise multiforme sans précédent sur les plans politique, sécuritaire, économique et social qui a sérieusement mis à mal la cohésion nationale indispensable à la paix, la stabilité, la coopération, la solidarité et au développement durable du pays et de la région;
Ayant constaté que depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la RDC est confrontée à des crises politiques récurrentes dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs, le constituant a résolu d’y mettre fin en instaurant un nouvel ordre politique, fondé sur la Constitution du 18 février 2006 et sur base de laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants au terme des élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles; .
Cependant, tous les observateurs sérieux nationaux comme internationaux sont unanimes pour admettre que deux raisons fondamentales sont à l’origine de cette situation, à savoir: les élections chaotiques du 28 novembre 2011 ainsi que la faillite des institutions congolaises, du fait de la mauvaise gouvernance;
En effet, ces élections ont été bâclées, entachées de nombreuses irrégularités, de fraudes massives et ont donc souillé la crédibilité de leurs résultats, tels que publiés par la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI, brisant ainsi le pacte républicain péniblement scellé dans l’Accord Global et Inclusif le 17 décembre 2002 à Prétoria en Afrique du Sud et provoquant une rupture de la cohésion nationale;
Pour preuve, l’équipe de la CENI qui a organisé ces élections de la honte a été sanctionnée et le Parlement a adopté la loi organique numéro 13/012 promulguée le 19 avril 2013, modifiant et complétant la loi organique numéro 10/13 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI);
La rationalité de cette démarche résidait dans la volonté du peuple congolais d’avoir une institution réellement indépendante, neutre et impartiale de manière à ne plus jamais revivre l’expérience malheureuse de 2011;
Personne n’ignore les circonstances et les conditions rocambolesques qui ont présidé à la désignation des animateurs actuels de cette institution d’appui à la démocratie, s’agissant en particulier de son Président;
Alors que la réforme de la CENI du 19 avril 2013 présupposait un changement qualitatif tant de la méthode que des pratiques, il est regrettable de constater que les dirigeants de cette institution refusent d’entendre les voix de plusieurs acteurs politiques et sociaux, toutes tendances confondues, du reste, parties prenantes au processus. Ainsi, la CENI a fini par créer un environnement préélectoral tendu et planter le décor des contestations certaines et même des troubles aux conséquences non-maîtrisables pour la paix et la stabilité du pays et de la région;
La démarche de l’Opposition de ce jour, dictée par un élan patriotique, est d’aider la CENI à se ressaisir, à offrir au peuple congolais un processus électoral inclusif, crédible, apaisé et lui épargner les désordres inutiles;
Qu’il soit noté que l’Opposition congolaise veut effectivement aller aux élections. Mais elle ne s’engagera sûrement pas tête baissée dans un processus gibbeux et biaisé comme ce fût le cas en 2006 et en 2011 ;
Or, plutôt que d’être une institution d’appui à la démocratie, comme l’a voulu le constituant, il appert que la CENI s’est découverte, sauf preuve contraire, en collusion avec la mouvance Kabiliste. Elle est devenue son bras séculier manifestement complice, mieux inféodée du régime en place dans sa détermination à réaliser, à tout prix et à terme, un coup d’Etat Constitutionnel au travers d’un glissement de mandats. D’où, le constat de manque de volonté de la part de la CENI d’organiser les élections inclusives, crédibles, transparentes, apaisées et respectueuses des délais légaux;
Pour preuve:
Sa décision de janvier 2014 présentée devant l’Assemblée nationale d’organiser les élections provinciales au suffrage indirect violait certaines dispositions constitutionnelles notamment les articles 197 et 220. Le gouvernement a soutenu cette décision au motif fallacieux que l’Etat n’était pas en mesure de financer le suffrage direct, pourtant constitutionnel. Première tentative!
Après cet échec, le gouvernement va embrayer sur le projet de’ révision constitutionnelle ou de l’organisation d’un référendum pour changer la Constitution, par ailleurs évoquée en premier par MaluMalu, Président de la CENI. Deuxième tentative!
Son calendrier partiel du 26 mai 2014 sur les élections urbaines, municipales et locales fut rejeté par le peuple et toute la classe politique. Troisième tentative!
La loi électorale initiée par le Gouvernement en connivence avec la CENI, intentionnellement attentatoire à la Constitution présentée au Parlement et qui conditionnait les élections au recensement et à l’identification de la population par l’ONIP a provoqué la colère du peuple congolais qui l’a exprimée, au prix du sang, dans la semaine du 19 au 25 janvier 2015. Quatrième tentative;
Finalement, la CENI va publier, le 12 février 2015, le calendrier global réclamé par le peuple mais en prenant bien soin de le surcharger à dessein, le rendant ainsi incohérent, irréalisable, inopérationnel, coûteux et renfermant le risque, d’un chaos électoral programmé;
L’Opposition Politique Congolaise, dans sa déclaration du 27 février 2015, avait suffisamment élaboré sur tous les points ci-dessus et relevé le «Ponce pilatisme» de la CENI exprimé dans les contraintes externes à la réalisation de son calendrier. Elle avait néanmoins noté les acquis importants qui en ressortaient notamment la date des élections présidentielle et législatives, soit le 27 novembre 2016 et celle de la prestation de serment du nouveau Président élu, le 20 décembre 2016 ;
Aussi, soucieux de contribuer à un processus électoral sans heurt, inclusif et apaisé, l’Opposition Politique avait remis, le 03 mars 2015, à la CENI sa déclaration du 27 février 2015 contenant essentiellement 3 recommandations sous forme de préalables, à savoir:
Postposer les élections locales, municipales et urbaines après les élections de novembre 2016, car bien plus complexes dans le contexte politique actuel;
Corriger la violation de l’article 5 de la Constitution en procédant à l’enrôlement des nouveaux majeurs depuis novembre 2011;
Auditer le fichier électoral actuel corrompu et résoudre la problématique des cartes d’électeurs trafiquées;

Alors qu’on attendait, comme promis, une invitation de la CENI pour des échanges en vue de résoudre ces écueils sur le chemin des élections apaisées, le Président de la CENI, dans un langage de défi, a répondu à l’Opposition congolaise par voie de presse, le 16 avril 2015 : «Ce n’est plus le moment de penser que la CENI va encore changer son calendrier et que la CENI a tenu le pari qu’il n’y aura pas de changement de dates pour le dépôt des candidatures» ! Là encore, la CENI a oublié les expériences de 2006 et 2011 ainsi que celle propre à la RDC. Ce discours n’est pas étranger à l’Opposition congolaise. En son temps, le Pasteur Ngoyi Mulunda de triste mémoire avait également tenu le même langage: «Kidiba te, élection ezali» ! Pour quel résultat? Faut-iI rappeler à la CENI que les temps ont changé ?
Face à cette défiance caractérisée, l’Opposition Congolaise avait, en toute responsabilité, pris position le 20 avril 2015, en décidant de rejeter purement et simplement l’activité en rapport avec le dépôt des candidatures aux élections’ provinciales débutée le 15 avril 2015 en attendant l’issue de la rencontre sollicitée auprès de la CENI. Toutefois, dans le souci de contribuer efficacement à un processus électoral inclusif, crédible et apaisé, l’Opposition Congolaise avait de nouveau saisi la CENI, le 17 avril 2015, pour solliciter une ultime rencontre afin de débloquer la situation qui menace la paix en RDC et dans la région;
Comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, la CENI a répondu le 23 avril courant à la lettre de l’Opposition, acceptant de la recevoir en ses bureaux en date du vendredi 24 avril 2015 à 11 heures précises à son siège; rendez-vous repoussé par elle à ce lundi 27 avril 2015, à la même heure;
L’on se souviendra que l’Opposition Congolaise, dans sa déclaration du 27 février 2015, avait affirmé, sans risque d’être contredite, qu’une élection est composée d’une série de blocs de construction intégrés et toutes les parties du système sont en interaction et s’influencent mutuellement.’ Cette interdépendance des procédures et des mécanismes fait que si une activité prévue dans le calendrier connaît des ratés ou ne se déroule pas au moment prévu, cet évènement va inéluctablement influer sur les autres éléments de l’ensemble, sauf à bâcler le processus ou à vouloir le bloquer intentionnellement;
La position de l’Opposition Congolaise est davantage confortée par le fait que la CENI, à ce jour, n’a pas respecté son propre calendrier, et les contraintes qu’elle a énumérées n’ont pas été évacuées aux dates critiques mentionnées, hypothéquant ainsi sa réalisation;
Ainsi, l’on ne peut s’empêcher de constater, même si l’Opposition congolaise a décidé de postposer les élections urbaines, municipales et locales après 2016, que les activités liées à ces élections notamment la préparation du projet de loi de répartition des sièges, son examen et adoption qui devraient commencer le 10 mars 2015 et se terminer le 05 avril 2015 n’ont pas été réalisées ;
L’opération fondamentale de l’audit du fichier électoral qui devrait commencer le 24 mars 2015 pour se terminer le 12 avril 2015 n’a pas eu lieu. A ce sujet, ce n’est que le 15 avril 2015 que le Rapporteur de la CENI, Jean-Pierre Kalamba, a annoncé l’arrivée à Kinshasa des experts de l’Organisation Internationale de la Francophonie pour enquêter sur le fichier électoral de la RDC. Après avoir été reçus par les membres de la CENI et certaines autorités du pays, ces experts ont déclaré qu’ils étaient venus en mission exploratoire avant de définir les termes de références de l’audit du fichier électoral. Comme pour dire, cet audit n’est pas pour demain. Or, la transparence des élections commence par le fichier électoral;
Entretemps, la CENI a convoqué l’électorat’ le 15 avril 2015 pour déposer les candidatures aux élections provinciales. Cependant, de quel électorat s’agirait-il ? Dans quel fichier électoral cet électorat est-il répertorié dès lors que le fichier actuel est corrompu et appelle en urgence sa correction?
La volonté de la CENI à organiser le chaos électoral apparaît lorsqu’elle indique dans son calendrier que l’opération de dépôt de candidatures va prendre 56 jours, du 15 avril au 9 juin 2015, alors qu’en réalité, la CENI n’y accorde que 21 jours sur toute l’étendue de la République: incongruité notoire!
S’agissant des contraintes externes liées à la mise en oeuvre de son calendrier, sera bien malin celui qui pourra obtenir de la CENI la production de l’Ordre de Paiement justifiant «l’actualisation du plan de décaissement des fonds pour l’organisation des opérations électorales 2015-2016» qui devrait se faire depuis le 22 février 2015 et dont la responsabilité incombe au Gouvernement. De plus, faut-il rappeler que la publication du calendrier électoral contraignait le Gouvernement à la présentation au Parlement d’une loi de finances rectificative prenant en compte les dépenses électorales?
Comme partie prenante, l’Opposition Politique Congolaise exige donc de la CENI, des assurances attenantes à ce qui a été déjà réalisé à ce jour et qui justifie ses affirmations que les élections provinciales auront bel et bien lieu en octobre 2015 ;
Par ailleurs, le 16 avril 2015, le Président de la CENI avait officiellement informé le peuple congolais de son état de santé. L’Opposition Politique lui souhaite une prompte guérison. Cependant, l’Opposition ne peut ne pas constater que cela fait près de trois mois que l’Abbé Malu Malu demeure à l’étranger pour des soins appropriés. Dès lors, privée de son Président, la CENI est confrontée à un problème on ne peut plus crucial de gestion et d’administration;
Car, la composition de la CENI, surtout la Présidence, qui est assurée par la Société civile devrait être un gage de l’indépendance donc de l’impartialité formelle de cette institution. En outre, au regard de ses attributions telles que fixées à l’article 25 de la loi Organique numéro 13/012 du 19 avril 2013 modifiant et complétant la loi Organique numéro 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante, l’intérim prolongé et questionnable assuré par une personnalité de la mouvance Kabiliste ne rassure pas l’opposition;
L’Opposition Politique Congolaise saisit cette opportunité pour condamner une fois de plus, au-delà de la résolution heureuse du problème du MLC posé dans sa déclaration du 20 avril dernier, les manoeuvres malveillantes du pouvoir tendant à insécuriser les partis politiques de l’opposition à la veille des échéances électorales;
En définitive, l’Opposition congolaise conditionne sa participation aux élections provinciales à :
l’enrôlement de tous les électeurs âgés de 18 ans et plus sur toute l’étendue du territoire national;
l’adoption par toutes les parties prenantes d’un calendrier électoral réaliste;
la neutralité de la CENI conformément à l’esprit et à la lettre de la loi Organique portant Organisation et Fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante, tel que modifiée à ce jour;
Conformément aux principes qui guident une gouvernance électorale inclusive, crédible, rationnelle et apaisée, l’Opposition Congolaise espère, de ce fait avoir ouvert la voie pour l’implication urgente de toutes les autres parties prenantes nationales et internationales concernées par le processus, notamment la MONUSCO, suivant la Résolution 2211 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies du 26 mars 2015, de manière à dégager un consensus autour du calendrier électoral et poursuivre le processus dans la sérénité, dans un climat apaisé et dans le respect de la Constitution de la République.
L’Opposition Politique Congolaise note enfin que le temps ne joue pas en faveur de tous.

Fait à Kinshasa, le 27 avril 2015.

Pour l’Opposition Politique Congolaise

Jean-Lucien Bussa Tongba

Modérateur