Pour un Examen d’État crédible à l’ère de l’intelligence artificielle [Tribune de Steve Mbikayi]

Mardi 29 juillet 2025 - 08:43
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En cette période où nos enfants passent l’Examen d’État, il convient d’adresser à tous les finalistes nos encouragements sincères, ainsi que nos vœux ardents de succès. Que leurs efforts soient justement récompensés, et que la réussite de cette étape fondatrice repose, comme il se doit, sur le mérite, l’intégrité et la rigueur.

Toutefois, il serait irresponsable de taire les dérives systémiques que nous dénonçons depuis une décennie , qui entachent la crédibilité de cette évaluation nationale, au départ, très bien conçue. 

Il est un secret de Polichinelle que les centres d’examen d’ État sont des espaces où la fraude est orchestrée à des échelles inquiétantes, avec la complicité active de ceux qui sont sensés la combattre. 

Des salles d’examen sont transformées en foires pédagogiques, où les réponses venues du dehors, circulent comme une manne céleste, avec la complicité des surveillants soudoyés par les élèves, vidant l’évaluation de sa substance.

Le recours  au questionnaire à choix multiples (QCM), initialement conçu pour faciliter la correction manuelle, a paradoxalement contribué à cette banalisation de la tricherie. Ce format, s’il permet une correction rapide, présente l’inconvénient majeur de dissocier la connaissance de son élaboration intellectuelle. Il encourage des stratégies opportunistes d’approximation, voire de devinette, plutôt que la structuration logique de la pensée.

Par ailleurs, l’émergence de l’intelligence artificielle générative est un véritable défi. Outil fascinant si elle est utilisée à bon escient, elle devient un instrument d’abrutissement lorsqu’elle est utilisée comme substitut à la réflexion personnelle. 

Dans des écoles, d’ici et d’ailleurs, cette technologie, exploitée sans encadrement, favorise le copier-coller au détriment d’ une réflexion profond. L’intelligence artificielle est un couteau à double tranchant. Elle est à la fois un levier de progrès et un vecteur de paresse cognitive.

Dans ce contexte, il est impératif que l’ EPST ouvre une réflexion de fond sur les modalités d’évaluation à l’ère numérique. Le maintien du système de QCM n’est plus justifié, dans la mesure où ces mêmes technologies d’intelligence artificielle peuvent désormais corriger efficacement des réponses rédigées, en un temps record, avec des algorithmes d’analyse sémantique et syntaxique avancés.

Il est temps de revenir à un questionnaire traditionnel, centré sur la capacité de l’élève à structurer une réponse personnelle, argumentée, cohérente. Ce retour au fond exigeant de l’évaluation doit être accompagné par l’introduction progressive d’épreuves plus orales, qui permettent d’évaluer l’aisance langagière, la capacité de synthèse et l’intelligence contextuelle de l’élève. Ce type d’exercice valorise non seulement le contenu, mais aussi la maturité intellectuelle.

Enfin, la lutte contre la fraude ne pourra être efficace sans une refondation éthique du dispositif de surveillance. Il faut en finir avec la tolérance institutionnelle à la tricherie organisée. L’évaluation scolaire doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être. Un  acte de justice intellectuelle.

À tous les finalistes qui ont consenti les sacrifices nécessaires pour mériter leur diplôme, nous disons courage, persévérance, confiance. Vous avez en vous les ressources nécessaires pour triompher avec dignité. Quant à ceux qui obtiendraient un parchemin usurpé, qu’ils sachent que ce n’est pas le diplôme qui défendra leur avenir, mais eux qui devront défendre leur diplôme tout au long de leur vie.

L’école congolaise mérite mieux que la médiocrité organisée. Elle mérite une gouvernance lucide, des outils pédagogiques intelligents, et des évaluations crédibles. 

L’autorité se rendra compte de ce fléau quand elle sera capable d’obtenir les statistiques des étudiants congolais qui échouent au premier cycle dans des universités sérieuses à l’étranger.

Tribune de Steve Mbikayi

 

AfroPari Juillet 2025