Les arrêts rendus par le Conseil d'Etat en matière des contentieux électoraux sur les élections des gouverneurs et vice-gouverneurs dans les provinces de la Mongala et de la Tshopo continuent à alimenter le débat.
Réagissant à une lettre de la ministre de la Justice et garde des sceaux, le président de cette haute juridiction administrative a, dans une correspondance adressée au président de la République, accusé cette dernière d'interférer dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire au mépris des dispositions des articles 149, 150 et 151 de la Constitution.
Dans sa lettre adressée à l'inspecteur général des services judiciaires et pénitentiaires, au Conseil supérieur de la magistrature et au procureur général près la Cour constitutionnelle, la la ministre Rose Mutombo avait sollicité la non-exécution de ces arrêts et des sanctions disciplinaires contre les juges du Conseil d'Etat qui ont statué sur les contentieux des élections des gouverneurs et vice-gouverneurs dans les provinces de la Mongala et de la Tshopo. Une attitude qui frise l'ingérence de l'exécutif sur le pouvoir judiciaire, rétorque le professeur Felix Vunduawe te Pemako.
"Je note que la ministre d'Etat se permet, après sa première tentative de mêler directement le bureau du Conseil supérieur de la magistrature dans ses libres opinions sur les décisions judiciaires, désormais d'interférer ouvertement dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire, appréciant à souhait, ce que doit être pour elle les décisions des magistrats, dans les arrêts et ordonnances qu'ils prennent dans l'exercice de leurs fonctions, alors qu'ils n'y sont soumis constitutionnellement qu'à l'autorité de la loi", a-t-il écrit.
Pour le professeur Felix Vunduawe te Pemako, en appelant à la non-exécution des arrêts rendus le 27 mai 2022, la ministre de la Justice et garde des sceaux s'insurge contre le président Félix-Antoine Tshisekedi au non de qui les décisions judiciaires sont exécutées.
Il pense que cette attitude de la ministre Rose Mutombo dénote un manque de considération et de respect pour les juges du Conseil d'Etat Odimula, Ntumba Mande et Ntumba Musuka et pour son directeur de cabinet Botakile, du reste professeur des universités et spécialistes du droit électoral.
Avant de clôre son propos, le professeur Felix Vunduawe te Pemako a tenu à rassurer le président de la République quant au caractère régulier des arrêts du 27 mai 2022. Il a affirmé que les juges du Conseil d'Etat, du reste professionnels de Droit et juges du contentieux disciplinaire en dernier ressort, sont les mieux placés pour ne pas s'affranchir de leurs serments statutaires dans l'exercice de leurs fonctions.
Il demande au président de la République d'instruire le pouvoir exécutif à respecter les dispositions des articles 149, 150 et 151 de la Constitution, afin de permettre aux juges ne n'etre soumis qu'à l'autorité de la loi dans le exercice de leurs fonctions.
Dans sa lettre du 07 juin dernier, la ministre de la Justice avait ouvertement qualifié les arrêts rendus sur les élections des gouverneurs dans la Tshopo et Mongala d'iniques. Elle a affirmé qu'ils jetent un grand discrédit sur la plus haute juridiction de l'ordre administratif de la RDC.
Rappelons qu'après l'élection des gouverneurs et vice-gouverneurs le 6 mai dernier, la CENI avait proclamé provisoirement élus, pour la province de la Mongala, César Limbaya Mbangisa et Blaise Mongo Bosekonzo, respectivement gouverneur et vice-gouverneur.
Cette décision a été attaquée à la Cour d'Appel de la Mongala par le candidat malheureux Aimé Bukungu Bubu. Dans sa décision rendue le 21 mai, cette juridiction a rejeté cette requête et confirmé l'élection des candidats sus évoqués.
Débouté, Aimé Bukungu a saisi le Conseil d'Etat qui, à travers un arrêt rendu le 27 mai, a annulé les résultats de la CENI et déclarer élus leurs challengers qui n'ont obtenu que 6 voix. Tout en dénonçant la corruption, le Conseil d'Etat a motivé sa décision par l'argument selon lequel César Limbaya aurait utilisé les moyens de l'Etat pour sa campagne électorale.
Même scénario à la province de la Tshopo, où le Conseil d'Etat, après recours, a rejeté les résultats de la centrale électorale, en proclamant élus des candidats malheureux.
Orly-Darel Ngiambukulu