« La page guerre est complètement tournée », se réjouit un agriculteur du village Kamuina Nsapu, plus de 5 ans après les atrocités ayant fait des milliers de morts et qui ont valu à cette localité l'appellation d'une « zone rouge ».
Entre 2016 et 2018, pour fouler le sol du village Kamuina Nsapu, il fallait une autorisation préalable des autorités coutumières locales, mais aujourd'hui le calme règne au milieu de ces étendues verdoyantes dans lesquelles l'agriculture est le mode de vie de la population.
Mais dans cette accalmie retrouvée, des signes d'affrontements et traces des violences sont encore visibles avec notamment des habitations incendiées. D'autres personnes qui avaient fui la guerre « n'ont pas encore réussi à regagner le village », explique un habitant de ce coin au reporter de 7SUR7.CD dépêché dans ce village du territoire de Dibaya, au Kasaï-Central, le 21 avril 2022.
Alors, qu'est-ce qu'il reste du village Kamuina Nsapu, une demi-décennie après les violences ?
Dans l'échange avec la population, les voix sont unanimes sur le fait que la page « guerre » a été complètement tournée. Place au travail maintenant, « il faut travailler pour faire vivre les enfants », explique un agriculteur de ce coin.
L'eau et les infrastructures
Le chef coutumier Kamuina Nsapu, Kasonga Pierre s'est confié à 7SUR7.CD pour expliquer les besoins ressentis par la population de son village. À l'en croire, il n'y a pas d'eau potable dans cette partie de la province.
« Nous n'avons pas d'eau potable, certaines routes ne sont pas dans un bon état, qu'on puisse les réhabiliter. Nous avons besoin qu'on puisse électrifier notre village et aussi qu'on construise les écoles pour nous », a-t-il déclaré dans une interview réalisée jeudi 21 avril 2022.
Pour sa part, Mbala Mukinayi François inspecteur territorial du développement de Dibaya qui a conduit plusieurs délégations dans ce village, plusieurs autres besoins se font sentir dans cette contrée.
« Il n'y a aucune bonne école construite à Kamuina Nsapu, il n'y a aucun Centre de Santé construit là bas en dehors de ce que Fonds Social fait cette année. Dans ce village toute la population boit l'eau des ruisseaux et de pluie, donc les maladies d'origine hydrique ne sont pas à éviter dans ce coin », a-t-il déclaré à 7SUR7.CD vendredi 22 avril 2022.
Situation sécuritaire
Si les plaies des violences sont encore fraiches dans les mémoires de certains habitants, aujourd'hui la situation sécuritaire s'est améliorée dans cette contrée et on peut constatée qu'aucune barrière n'est érigée pour arriver à Kamuina Nsapu.
« Il y a un changement, nous travaillons avec l'État nous soutenons le chef de l'État. La paix est là. Il n'y a aucune barrière, nous travaillons avec les militaires et les policiers sans problème », a renchéri le chef de Kamuina Nsapo.
Par ailleurs, il souligne que parmi les infrastructures détruites lors de la guerre, aucune n'a été construite jusqu'à présent.
« De tout ce qui était détruit, rien n'a été construit, les maisons et les écoles ont été démolies rien n'a été construit », a-t-il ajouté.
L'agriculture, le quotidien de la population de Kamuina Nsapu
Dans le cadre du projet Paix Justice Réconciliation et Reconstruction (PAJURR) exécuté par le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), le pont réhabilité sur la rivière Lukula dans ce coin, facilite l'échange commercial entre la province du Kasaï-Central et celle du Kasaï-Oriental.
Mais l'activité principale demeure l'agriculture qui malheureusement, se réalise avec beaucoup de difficultés.
« Les gens qui sont là bas vivent de l'agriculture mais avec beaucoup de difficultés. Ils manquent presque tous les éléments de première nécessité, ils ont perdu 3 saisons culturales. Mais comme ce sont les hommes, il y a en qui se sont débrouillés pour regagner leur ancien champ pour y faire des activités », explique l'inspecteur François Mbala Mukinayi.
Mukoma Véronique qui a regagné le village après les échauffourées, a bénéficié un appuie de PNUD, explique que grâce au projet PAJURR, ils arrivent à faire quelques choses pour nourrir les enfants, c'est notamment la vente d'une partie de ce qu'elle récolte pour avoir l'argent.
La région du Kasaï a connu de terribles violences en 2016 et 2017 à la suite d’un chef coutumier Kamuina Nsapo qui réclamait d’être reconnu par l'État congolais. Sa mort en août 2016 a engendré une violence « inouïe » entre ses partisans et les forces de l’ordre dans cette région du Centre de la RDC. Plusieurs milliers de personnes ont été tuées. Les violences ont contraint plus d’un million de personnes à quitter leurs milieux de vie.
Alain Saveur Makoba, de retour du village Kamuina Nsapu