La Haute Cour militaire siégeant en appel sur le double assassinat des défenseurs des droits de l'Homme Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, a clôturé à instruire cette affaire à l'audience de ce mercredi 9 février 2022 qui s'est tenue à la prison militaire de Ndolo.
Le président de la composition a annoncé que les plaidoiries des parties au procès sont prévues le mercredi prochain.
L'audience de ce jour a été consacrée à l'audition à titre de renseignant du policier Éric Kibumbe Banza alias « Saddam ». Il a été confronté aux prévenus (Jacques Mugabo et Paul Mwilambwe) et aux différents renseignants.
Dans sa déposition, il a justifié sa présence à l'Inspection Générale de la Police par un coup de fil du colonel Daniel Mukalay.
« Le 1er juin 2010, j'étais à la maison, j'ai reçu un coup de fil du colonel Daniel Mukalay vers 9h ou 10h. Il m'a demandé de rejoindre rapidement l'Inspection Générale de la Police. J'ai reçu un autre appel du commandant bataillon Christian Ngoy pour le même motif. Puis, j'ai encore reçu un troisième appel du commissaire Ilunga Hergil. Ce dernier m'a demandé si le colonel Mukalay et le major Christian Kenga Kenga m'ont contacté. Je lui ai répondu de manière affirmative. Je me suis apprêté et je suis parti à l'IG. J'étais en tenue civile », a-t-il témoigné
Comme ses collègues du bataillon « Simba » qui ont déjà comparu, E. Kibumbe a confirmé avoir pris part à ce crime.
« J'étais à bord d'une jeep Defender stationnée au parking de l'inspecteur général de la police avec comme chauffeur Hergil Ilunga. Avant qu'on amène le chauffeur (Fidèle Bazana) dans la jeep, le major Christian est venu vers moi et m'a dit qu'il y a un travail à faire. Par la suite, il est parti au bureau du colonel Mukalay, ils ont tout planifié. Il est retourné vers moi et m'a donné un coup de poing. Il m'a demandé qu'est-ce que j'attendais pour faire ce travail ? Je lui répondu que je n'ai reçu aucun ordre. Quelques minutes après, le lieutenant Jacques Migabo est venu. Toute l'équipe était là. Nous avons exécuté le chauffeur Bazana. Nous l'avons d'abord cagoulé. Après, nous l'avons scotché pour l'étouffer. Il était mort sur place. Nous avons fait le même travail à l'égard de son chef (Chebeya), mais dans une autre jeep Defender », a-t-il affirmé.
Cet ancien garde rapproché du colonel Mukalay a chargé celui qui était son chef au moment des faits.
« Quand nous avons fini le travail à Mitendi, nous étions allés dans la résidence du colonel Mukalay. Il nous avait félicité et nous a remis deux ou trois casiers de bières (...) Moi et le chauffeur Hergil, nous étions ses gardes rapprochés. Qu'il n'échappe pas aux questions. Si je souffre aujourd'hui, c'est à cause de lui. Si je suis devenu comme un fugitif, c'est à cause de son avarice... », a souligné E. Kibumbe.
Un crime d'État pour les parties civiles
D'après Me Elie Mbikayi, coordonnateur adjoint des parties civiles, les propos du renseignant Kibumbe prouvent à suffisance qu'il s'agit d'un crime d'État.
« Les révélations du renseignant du jour qui est Éric Kibumbe renforce ou corrobore avec tout ce qui a été dit par les prévenus et renseignants qu'on a déjà auditionnés. Ça vient de renforcer la conviction des parties civiles qu'il s'agit d'un crime d'État très bien organisé qui a conduit à la disparition de deux défenseurs des droits de l'homme », a-t-il laissé entendre.
Il a affirmé que les parties civiles ont été « édifiées et sont prêtes pour commencer le développement de leurs conclusions la semaine prochaine ».
Le directeur exécutif de l'ONG la Voix des Sans Voix, Floribert Chebeya, a été tué le 1er juin 2010 dans l'enceinte de l'Inspection Générale de la Police. Il a été retrouvé mort dans la banquette arrière de son véhicule à Mitendi. Le corps de son compagnon, Fidèle Bazana, n'a jamais été retrouvé jusqu'à ce jour.
Merveil Molo