Un ancien 1er ministre est-il non justiciable en RDC ? : "Dans un État de droit, tout le monde doit rendre compte à la Justice. Il n'y a pas de vide juridique", (Prof Luzolo Bambi)

Vendredi 10 décembre 2021 - 16:57
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Un ancien premier est-il non justiciable en République démocratique du Congo ?

Cette question a été posée par la presse au professeur Luzolo Bambi, lors d'une conférence-débat organisée le 9 décembre 2021 à l'ambassade de Belgique à l'occasion de la Journée Internationale de Lutte contre la Corruption. 

Sans aller par le dos de la cuillère, le professeur Luzolo Bambi a déclaré que dans un État de droit, tout le monde doit rendre des comptes à la Justice. L'ancien conseiller spécial de l'ex-président Kabila en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, a affirmé qu'il n'existe pas de vide juridique au Congo-Kinshasa.

"Dans un État de droit, tout le monde doit rendre compte à la Justice. Il n'y a pas d'État de droit lorsqu'on considère qu'il peut y avoir des personnes pour lesquelles la Loi n'ait rien prévu. Si on est dans cette hypothèse là d'intouchabilité consacrée, on n'est plus dans un État de droit (...) Et c'est dangereux pour certains juristes de créer la théorie de vide juridique. Il n'y a pas de vide juridique", a affirmé le professeur Luzolo Bambi.

Dans la foulée, cet ancien ministre de la Justice a rappelé que la Constitution de la République consacre le principe de l'égalité de tous devant la Loi.

"Chacun donc, doit avoir son juge naturel. Mais la Constitution a prévu le privilège de juridiction. Le terme est malheureux, privilège. Mais en réalité, ce ne sont que des dérogations aux règles de compétences. Quelqu'un qui est justiciable à la Cour de Cassation, lorsque la Cour de Cassation le juge, elle prend une décision, il ira en appel où ? Nulle part. Donc finalement, ce n'est pas un privilège. C'est une dérogation à la règle des compétences", a-t-il renchéri. 

Cependant, le professeur Luzolo Bambi a reconnu que les différentes procédures pour entamer des poursuites judiciaires contre certaines hautes personnalités du pays, rendent difficile le travail des juges.

"Mais malheureusement, la manière dont la Constitution, nous parlons de la lutte contre la corruption, a organisé les procédures des poursuites de certaines hautes personnalités rend difficile, pour le juge Congolais, les poursuites. Lisez la Constitution, il faut une autorisation des poursuites et une autorisation de mise en accusation accordée par le Parlement dans un vote à majorité qualifiée pour poursuivre un ministre", a indiqué Luzolo Bambi. 

Poursuivant son argumentaire, cet ancien ministre de la Justice s'est assumé en affirmant qu'en République démocratique du Congo, la Justice s'arrête à la porte du Parlement et cela, a-t-il martelé, ne favorise pas la lutte contre la corruption. 

"C'est ça le problème du cadre légal. Ce cadre légal doit être révisité parce que finalement, il est difficile de poursuivre certaines personnes. Tout se passe comme si, il y a une sorte d'intouchabilité qui a été organisée", conclut-il. 

Rappelons par ailleurs que le débat sur la possibilité ou l'impossibilité de poursuivre un ancien premier ministre en RDC a pris une autre dimension depuis que la Cour Constitutionnelle s'était déclarée incompétente pour juger l'ex-chef du gouvernement Augustin Matata Ponyo, devenu aujourd'hui sénateur, poursuivi pour présumé détournement de 300 millions USD alloués au Projet du Parc Agro-industriel de Bukanga Lonzo.

La décision de la Haute Cour a poussé les avocats de Matata Ponyo a affirmé qu'il y a un vide juridique en République démocratique du Congo en ce qui concerne les poursuites contre un ancien premier ministre. Ils ont ajouté que même la Cour de Cassation n'a pas qualité pour juger un ancien premier ministre. 

Cette thèse a été rejetée par ceux qui estiment que cet ancien premier ministre peut être jugé par la Cour Constitutionnelle. D'autres ont même soutenu que la Cour de Cassation est compétente pour juger le sénateur Matata Ponyo, élu du Maniema dans l'Est de la République démocratique du Congo. 

Jephté Kitsita