Les délégués ayant participé à ce forum se sont prononcés pour une nouvelle Constitution sans limite d’âge maximal pour les candidats à la présidentielle, ni restriction du nombre de mandats autorisés à un chef de l’Etat. L‘Opposition crie au scandale.
Au terme d’un dialogue national, convoqué au Congo/Brazza par Denis Sassou Nguesso et boudé par l‘Opposition, les participants à ce forum ont décidé de la tenue d’un référendum pour une nouvelle Constitution, qui permettrait au chef de l’Etat de se représenter en 2016. Selon les conclusions de cette rencontre qui a eu lieu du 13 au 18 juillet dernier à Sibiti, à 250 km à l’Ouest de Brazzaville, le mandat présidentiel sera fixé à cinq ans et renouvelable autant de fois. L’âge minimum des candidats est fixé à 30 ans, sans limite d’âge maximal pour les candidats à la présidentielle. Pourtant, la Constitution adoptée en 2002 stipule que nul ne peut être candidat à la fonction suprême s’il a plus de 70 ans, et limite à deux le nombre de mandats que peut assurer le président du pays. Visiblement, cela est taillé à la mesure du président sortant, âgé de 72 ans.
Une situation « inacceptable »
Selon le communiqué final lu publiquement à l’issue de ce dialogue national qui s’était ouvert lundi 13juillet à Sibiti,” une forte majorité s’est dégagée en faveur d’un changement de la Constitution qui concilierait les valeurs universelles de la démocratie et les réalités politiques, sociales et culturelles de notre pays “, peut-on lire. Il appartient désormais au président Sassou de décider de la suite qu’il entend donner à ces recommandations.
Un véritable coup d’Etat constitutionnel, dénoncent les opposants de Denis Sassou Nguesso. Pour Clément Miérassa, dirigeant du Parti social démocrate congolais (Psdc) et membre du Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (Frocad), “ce qui vient de se passer est la concrétisation du coup d’Etat constitutionnel décidé par le président Sassou Nguesso “, qualifiant cette situation d’“inacceptable “. Et d’ajouter, “notre responsabilité est d’œuvrer par des voies pacifiques et démocratiques pour arrêter ce coup d’État “.
De l’autre côté, les proches de l’initiateur de ce dialogue soutiennent qu’“ au cours de nos débats, nous sommes parvenus à dominer nos égos dans le seul but de dessiner une autre architecture politique qui tienne compte de l’évolution de nos mentalités “, estime André Obami Itou, président du Sénat et des travaux de la rencontre de Sibiti. De son côté, Jean-Didier Elongo, du Parti congolais du travail (PCT), au niveau de la commission de la reforme des institutions, les débats ont été houleux mais dans la courtoisie toujours. Les uns et les autres ont dû donner leurs arguments et nous avons fini par consensus à adopter la réforme de nos institutions, de telle sorte qu’on ait un régime semi-présidentiel, avec un Premier ministre responsable du gouvernement ».
Néanmoins, représentant d’une “ Opposition. républicaine “ayant fait le choix de participer à ce dialogue, Anguios Nganguia Engambé, candidat malheureux à la présidentielle de 2009, a déclaré pour sa part qu’il ne s’était dégagé aucun consensus pour parvenir à cette résolution. “J’ai rejeté le rapport sur la réforme des institutions. Je n’étais pas seul à le faire “, ajoute-t-il.
Plusieurs cas en Afrique
La question de la révision des lois fondamentales est au cœur du débat politique dans plusieurs pays d’Afrique centrale dont les dirigeants n’entendent pas quitter leurs fauteuils. En dehors du Congo-Brazzaville, cette question se pose également en République démocratique du Congo où les consultations en vue d’un dialogue viennent d’avoir lieu, au Rwanda où le Parlement vient de donner son feu vert à une révision constitutionnelle qui permettrait à Paul Kagame de se représenter en 2017, et au Burundi, en proie à la violence depuis que le président sortant, Pierre Nkurunziza, a décidé de concourir à la présidentielle.
Le président béninois Boni Yayi, qui officiellement déclaré qu’il ne sera pas candidat aux prochaines élections dans son pays, devrait servir d’exemple à ses homologues africains pour apaiser les uns et les autres, en faveur du développement de l’ensemble du continent. Au cas contraire, il y aura risque d’assister aux naissances de nouvelles rébellions, ce qui constituera un autre frein au développement tant économique, politique que social.
Pour revenir à Denis Sassou Nguesso, âgé de 72 ans, il cumule plus de trente ans à la tête du pays. Il a dirigé le Congo à l’époque du parti unique, de 1979 jusqu’aux élections pluralistes de 1992 qu’il a perdues. Revenu au pouvoir en 1997 à l’issue d’une violente guerre civile, il a été élu président en 2002 et réélu en 2009. Lors de sa dernière rencontre du 7 juillet 2015 avec François Hollande à l’Elysée, la France a affirmé son attachement à la préservation et à la consolidation des institutions en Afrique. Mais malheureusement, à la lumière de ce qui s’est produit vendredi dernier, on se dirige vers une nouvelle République au Congo-Brazzaville.
Les acteurs politiques de la République démocratique du Congo doivent faire preuve de beaucoup de maturité pour ne pas tomber dans le schéma meurtrier du Congo-Brazza, au risque de subir les conséquences du Burkina Faso ou du Burundi. Les évènements malheureux des 19, 20 et 2l janvier à Kinshasa avaient donné le ton, lorsque le gouvernement avait tenté de modifier la loi électorale en faveur du glissement. N’eût-été la sagesse du Sénat, un incendie se serait déclaré sur toute l’étendue du territoire national.
Ne pas céder aux caprices politiques d’un camp
Pour préserver les valeurs démocratiques, difficilement acquises depuis Sun City, les Congolais de la RD Congo doivent nécessairement passer par l’alternance en 2016, à travers des élections crédibles, démocratiques et apaisées. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a la lourde responsabilité de conduire les Congolais vers ces élections, et ne pas céder aux caprices politiques d’un camp pour s’éterniser au pouvoir.
La semaine dernière, lors de la cérémonie d’au revoir, l’ambassadeur de France en RDC, Luc Hallade, a déclaré qu’“ il faut savoir quitter le pouvoir “, s’adressant aux autorités de Kinshasa. Il s’est attiré la foudre de tous les flatteurs du régime décidés à s’accrocher, coûte que coûte, au pouvoir. La même déclaration vient d’être faite par le gouverneur sortant du Katanga, Moïse Katumbi, après la parabole du “ troisième pénalty “.
Par LEFILS MATADY