A quatre jours de la clôture de la session budgétaire, l’opinion a les yeux rivés sur le Palais du peuple où, conformément à une tradition constitutionnelle, le président de la République présente, devant le Parlement réuni en Congrès, un discours sur l’état de la nation. Le message du chef de l’Etat est donc très attendu. Ça sera l’occasion de découvrir ses vraies intentions, notamment celles de conduire à bon port le processus électoral qui doit aboutir à l’alternance politique au pays.
Le Potentiel
Depuis décembre 2011, une tradition s’est installée dans les mœurs politiques congolaises. C’est généralement en fin d’année, peu avant la clôture le 15 décembre de la session ordinaire de septembre, que le chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange, a pris l’habitude de présenter, devant le Parlement réuni en Congrès, un message sur l’état de la nation.
Le principe est d’ailleurs consacré à l’article 77 de la Constitution qui stipule : «Le président de la République adresse des messages à la nation. Il communique avec les Chambres du Parlement par des messages qu’il lit ou fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat. Il prononce, une fois l’an, devant l’Assemblée nationale et le Sénat, réunis en Congrès, un discours sur l’état de la nation ».
Depuis 2011, année de son investiture pour un second mandat à la tête de l’Etat, Joseph Kabila a instauré une tradition qui a fini par s’imposer durant toute cette mandature. Et, c’est généralement en ce mois de décembre qu’il prononce devant le Parlement réuni en Congrès un discours sur l’état de la nation. De ce point de vue, on peut déjà prédire que Kabila ne va pas déroger à la règle. Il dispose encore de quatre jours pour se plier à cette exigence constitutionnelle.
Cependant, son message de décembre 2015 est tout particulier. Il survient au moment où la RDC négocie un tournant décisif de son histoire. La fièvre électorale de ces derniers mois rythme pratiquement la vie politique en RDC. Dans cette mouvance, le dialogue politique – projet auquel s’attache particulièrement le chef de l’Etat – continue d’alimenter la chronique sur la scène politique. Si on devait prendre en compte l’incertitude qui continue à entourer le processus électoral, la prochaine adresse de Kabila devant le Congrès revêt un caractère tout à fait particulier.
Il est tout aussi particulier par le fait que l’année 2016 est censée mettre hors course Joseph Kabila de la prochaine présidentielle. En 2015, son message devait, à tout point de vue, servir de balise pour l’année 2016. Il a l’avantage de révéler ses vraies intentions de l’homme politique.
L’occasion faisant le larron, il devra, dans la mesure du possible, éclairer le peuple sur la position qui sera la sienne en 2016. Pourra-t-il se dérober de cet exercice constitutionnel ? Difficile de dire pour l’instant. Qu’importe les enjeux ou les circonstances, Kabila s’adressera à la nation, devant le Parlement réuni en Congrès. Passer outre cette pratique qui a fini par s’imposer dans le temps, c’est alimenter davantage la chronique sur un possible glissement du cycle électoral en 2016.
Garant de la nation, Joseph Kabila a tout intérêt de rassurer les uns et les autres. Alors que les camps de sceptiques au dialogue s’allongent au jour le jour, le chef de l’Etat est le seul à même de désamorcer les tensions.
Loin de rassurer, son message du 28 novembre 2015 et l’ordonnance présidentielle signée à la même date ont pratiquement désorienté la dynamique du dialogue. De profondes fissures ont entamé les fondamentaux du dialogue. Aujourd’hui, l’on veut voir Kabila envoyer des signaux rassurant pour redonner vie à un dialogue qui tend à perdre son âme.
Envoyer des signaux qui rassurent
En s’interposant comme le seul maître à bord dans la convocation et l’organisation du dialogue, Joseph Kabila a créé des fissures dans la coalition qui commençait à prendre corps autour du dialogue. On en a eu pour preuve la volte-face de l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, principal partenaire de Kabila au dialogue. Les diverses interprétations de ces deux prestations du chef de l’Etat ont eu des répercussions sur la mise en place du comité préparatoire au dialogue.
Aujourd’hui, tous attendent voir le chef de l’Etat recadrer le tir. Question de rassurer les plus indécis, tels que l’UDPS et tant d’autres d’ailleurs. A ce titre, le message sur l’état de la nation, tel que le précise l’article 77 de la Constitution, est approprié pour apaiser les tensions. Ça sera l’occasion pour lui de révéler ses ambitions. Il faut reconnaître que, jusqu’à ce jour, Joseph Kabila continue d’entretenir un mystère autour de son sort en 2016. Alors qu’il fait planer le doute sur sa volonté de se plier à l’exigence constitutionnelle, dans sa famille politique, des déclarations se succèdent, légitimant l’option d’un glissement du cycle électoral.
Le message de Kabila est très attendu. Bien sûr, qu’il peut se passer de cet exercice et ne se dévoiler que dans son message de vœux de fin d’année qu’il prononce généralement la veille du Nouvel an. Il peut certes emprunter cette voie. Kabila parlera devant le Congrès. C’est une certitude. Quant au contenu de son message, les pronostics sont interdits.