Dans un régime démocratique ou même tout simplement dans une communauté ouverte, le débat est légitime. Il est même recommandé pour déceler le sens et le niveau de l’évolution des mentalités afin de dégager une intelligence commune et collective.
C’est ainsi que dans tout régime démocratique, la constitution consacre la liberté d’expression en tant que manifestation de la liberté de pensée et de conscience.
Tel est, dans notre constitution, le cas des articles 22 et 23.
La seule réserve en l’occurrence concerne l’ordre public, la moralité publique et les droits d’autrui.
Ainsi donc, à priori, le débat sur la révision de la constitution ne peut se transformer en injures publiques mettant en cause la bonne foi des uns et des autres ou l’amour pour la patrie des uns et des autres ou encore le souci du bien commun et de vivre ensemble communément partagé.
En tout cas, ledit débat ne devrait pas aboutir à une division manichéenne de la société congolaise en camp de bien, c’est-à-dire, de ceux qui sont sensés défendre soit disant la bonne cause, et en camp de mal, c’est-à-dire, de ceux qui défendent soit disant une mauvaise cause et poursuivent la misère et la souffrance de la population.
Ce qui est fondamentalement en jeu, ce n’est pas les intentions prêtées aux uns et aux autres, qui procèdent plutôt d’une présomption précaire hautement réfragable, mais bien la capacité de chacun d’exposer sa thèse, de persuader le peuple de la légitimité ou tout simplement du bien fondé de sa position.
D’une certaine façon, est aussi en jeu, l’exercice des articles 22 et 23.
Qu’un courant d’opinion préconise le changement de la constitution en telle disposition ou dans sa totalité, et qu’en réplique naisse tel autre courant qui conteste le bien fondé des prétentions du premier, ne fait pas de la RDC l’enfer sur terre car en réalité tout cela n’est qu’intimidation ou posture de débat, vanité voire surdimensionnement de l’Ego.
Malheureusement, ce débat sur la révision a pris une telle allure, que telle une toupie en pleine rotation vertigineuse, il donne le tournis à tous ceux qui s’y impliquent en les éloignant de l’essentiel à savoir donner au Peuple suffisamment d’éléments pour qu’en dernière analyse, il se prononce à la fois en bonne et due forme, ainsi qu’en connaissance de cause et à bon escient.
Ceux qui dans l’opposition ou même dans la Majorité contestent le bien fondé de la prétention d’initier la révision constitutionnelle ou la pertinence de la soumettre à référendum, ne sont pas à priori du côté du Peuple parce qu’ils utilisent l’obscurantisme politique comme l’opium du peuple, alors qu’ils doivent prouver autant que les tenants de la révision, la pertinence de leur position par rapport aux intérêts bien compris de la communauté nationale et de l’Etat.
D’autant plus que ce faisant, ils en viennent à effectuer un hold up en bonne et due forme de la souveraineté du peuple comme source de tout pouvoir. Ainsi, le dispose l’article 5 de la constitution.
Il est aberrant de prétendre que respecter la constitution en mettant en œuvre une disposition justement prévue, en l’occurrence la révision constitutionnelle, peut provoquer le chaos ou casser la cohésion nationale comme si la non révision garantit nécessairement la cohésion nationale.
Dans ces moments où nous sommes appelés à goûter la démocratie dans toute sa saveur et à la boire jusqu’à la lie à travers un débat républicain sans complaisance, sachons garder raison.
En revenant à la source des choses, questionner la révision constitutionnelle revient à considérer les conditions de la validité d’une norme.
Puisque celle-ci est valide et valable tant que le consensus originel qui l’a établi existe et tant qu’elle remplit sa fonction sociale ou normative.
Dès lors qu’un courant conteste la fonctionnalité et le consensus originel, cette norme doit être revue et passer par l’épreuve d’une reconstitution du consensus originel soit par le peuple soit par ses représentants.
Si elle ne sort victorieuse et ragaillardie de cette épreuve, la raison nous recommande de l’adapter ou d’adopter une nouvelle.
Dans cette perspective, seul l’intérêt bien compris du Peuple et le bien fondé de la demande doivent compter.
Qualifier les adeptes de la révision d’affameurs du peuple ou les non révisionnistes d’opportunistes, n’élimine pas le problème posé.
C’est d’ailleurs mal poser le problème sinon l’esquiver.
Puisque les injures et les quolibets n’apportent aucune solution, l’intérêt de la communauté nationale et de la bonne fin du débat exigent tolérance, écoute et dialogue avant de soumettre la question comme il se doit au peuple souverain.
Il y a autant de courage à préconiser la révision de la constitution qu’à en contester le bien fondé.
Prétendre que poser la question de la révision gêne la conscience ou certaines consciences n’est que du chantage pur.
De quelle conscience s’agit-t-il ?
La conscience républicaine doit être transparente, dès qu’une question lagène ou la sollicite, elle doit se manifester et la soumettre au jugement du peuple souverain.
Aux partisans de la non révision, paradoxalement adeptes du rejet du référendum, si leurs vociférations représentaient la clameur publique qui accompagne la flagrance, ils devraient plutôt exiger de recourir à l’arbitrage du peuple par référendum pour mettre définitivement fin à ce débat. Si non, leur refus du référendum, est une fuite en avant ou la politique d’autruche.
Une autre voie plus administrative existe. C’est le recours à la cour constitutionnelle pour avoir l’interprétation qui doit faire autorité.
Mais, justifier leur refus en alléguant l’analphabétisme du Peuple ou sa méconnaissance de la loi, c’est avouer soit leur échec soit leur défaillance dans leur mission d’éduquer le peuple.
Et comme le dit le droit, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour revendiquer le bénéfice d’un droit.
Que les injures cèdent la place aux arguments.
Fait à Kinshasa, le 30/09/2014