Je préfère le désigner par son nom le plus connu de l’opinion, Moïse Katumbi Chapwe, étant donné la nébuleuse qui entoure la véritable identité du personnage, à la fois alambiquée et variable en fonction des circonstances et d’enjeux : Moïse Katumbi Tshapwe, Soriano Moses Katumbi, Katumbi Moïse D’Agnano, ou encore D’Agnano Katumbi.
Vendredi 17 décembre 2022, les médias d’Etat de l’Hexagone, France 24 et RFI, ont annoncé aux Congolais la candidature à la prochaine présidentielle dans leur pays de l’ancien gouverneur de la province du Katanga et président de Ensemble pour la République, un parti politique créé il y a quelques années. Pour certains, dans le pays dont il se réclame avec acharnement il y a également quelques années, la surprise fut grande. Pour d’autres, par contre, l’annonce était d’autant plus embarrassante que sa justification devant les caméras et sur les antennes de médias étrangers épousait les contours du ridicule : l’argumentaire développé par le nouveau candidat au Top Job en RDC s’est avérée tirée par les cheveux, Moïse Katumbi s’entremêlant les pinceaux comme seul a su le faire dans l’histoire de l’humanité, le Maréchal Pétain tentant de faire avaler à ses compatriotes français son alliance traitresse avec l’Allemagne Nazie d’Adolf Hitler.
En effet, si « ce qui se conçoit bien s’énonce bien », comme on dit, on peut en déduire que ce qui se conçoit mal ne peut que laborieusement s’énoncer. M. Katumbi s’est répandu en contradictions, les unes aussi flagrantes, voire, farfelues, que les autres. Le patron de Ensemble pour la République, connu à l’interne pour sa propension l’accaparement et au pillage des ressources naturelles du pays pour sa propre gouverne, s’est présenté en sauveur d’un pays qui aspire plus que tous ses voisins dans la région des Grands Lacs à la démocratie. Et, il s’est solennellement déclaré candidat à la prochaine présidentielle sans en référer le moins du monde aux instances du parti dont le congrès, instance suprême, n’a encore rien décidé puisqu’il ne s’est pas encore tenu. La prestation de l’ancien gouverneur du Katanga a révélé des signes de contorsions dictatoriales qui révèlent la nature réelle de cet homme d’affaires opportunément converti en acteur politique. Une analyse, même sommaire, permet d’attester du fait que pour la RDC, Katumbi Chapwe apparaît comme un fossoyeur plutôt que comme un sauveur.
Du soutien indirect mais à peine voilé de Katumbi au Rwanda de Kagame
De la prestation radio-télévisée du 17 décembre, l’opinion aura retenu, au milieu d’une profusion de propos décousus et maladroitement enchaînés, que Moïse Katumbi, candidat auto-proclamé à la présidence de la République, accuse « son pays » de pleurnicheries. A son entendement, dénoncer à haute voix et avec insistance l’agression et les souffrances imposées depuis près de trois décennies dans l’indifférence générale, c’est pleurnicher. Selon la logique qui se dégage de ces propos, la RDC devrait, comme Moïse Katumbi, observer un mutisme traître, se taire face à la énième agression du Rwanda. Et, poursuivant dans même veine, l’homme qui se prétend sauveur des Congolais gratifie les supplétifs rwandais du M23 de « rébellion », là où ses compatriotes déchirés par les exploits macabres et barbares des agresseurs sont unanimes pour les qualifier de terroristes.
Ce faisant, c’est l’argumentaire du Rwanda agresseur de son pays que le candidat Katumbi reprend à son compte. Plus qu’agacés par les pressions internationales consécutives aux crimes sans nom commis sur les populations civiles en RDC, les officiels de Kigali répètent depuis peu à qui veut les entendre que la « Kinshasa pleurniche ». C’est également Kigali qui soutient mordicus l’idée selon laquelle les supplétifs qu’il entretient et expédie en RDC sont des rebelles Congolais pour masquer les agressions à répétition dont il se rend coupable contre ce pays. Et c’est l’argumentaire que le candidat Katumbi se charge de développer à l’intention de ses « compatriotes ».
Du mensonge sur l’autorisation de survol de son Jet prive
Quelques jours avant de se déclarer « sauveur » et candidat président de la République, Moïse Katumbi s’est répandu dans les médias et les réseaux sociaux dénonçant les entraves qu’il aurait rencontrées pour obtenir l’autorisation de survol de son Jet privé. A la vérification, il s’avère que les services de l’aviation civile de la RDC n’ont jamais reçu les documents administratifs afférant à un quelconque aéronef appartenant à sieur Katumbi, souhaitant survoler l’espace ou atterrir sur le sol congolais. On ne peut opposer un refus à une demande qui n’a jamais été introduite.
Il apparaît plutôt que c’est manifestement dans le souci d’habiller l’annonce de la candidature à la présidence d’un acteur politique jusque-là allié au pouvoir en place dans le cadre de l’Union sacrée de l’opposition, que Moïse Katumbi s’est confectionné un incident susceptible de justifier un volte-face raisonnablement injustifiable. Comme en 2016 sous Joseph Kabila, l’homme a eu recours à l’argument du refus de survol qui, à ses yeux, marche à tous les coups. Mais M. Katumbi s’est, sur ce sujet aussi, révélé l’amplitude de son ignorance, de l’impéritie des procédures administratives liées à la sécurité : USA, en France ou même en Israël, ce n’est ni la CIA, ni la DGSE encore moins le MOSAD qui sont chargés de la délivrance des autorisations de survol.
Katumbi, ou l’astuce de déserter le navire à l’approche de l’accostage
Après avoir longtemps compté parmi les très proches collaborateurs de l’Ex. président Joseph Kabila, sieur Katumbi s’est illustré en lâchant son mentor en 2016, quelques mois avant la fin de son second mandat. L’ancien « Trop Puissant » gouverneur de la riche province du Katanga, selon les termes du cinéaste Belge Thierry Michel, s’avisait soudainement que la gestion de Kabila était catastrophique, s’extirpant d’une gouvernance dont il a été un acteur majeur et déterminant. Bis repetitas, fin 2022, Katumbi prend ses distances de Félix Tshisekedi qu’il accuse également de gestion calamiteuse. Alors que lui-même et son parti politique, membres de l’Union sacrée et donc de la majorité au pouvoir en RDC, représentés au gouvernement par de nombreux ministres, y participent jusqu’à ce jour.
Dans l’opinion, de plus en plus nombreux sont les Congolais qui se demandent si Katumbi n’est rien d’autre qu’un opportuniste qui tire profit des alliances politiques, puis se désengage pour ne pas en répondre ? Auquel cas le nouveau candidat président de la République serait un parfait inconséquent et irresponsable.
De sa gestion de l’ex province du Katanga.
Aussitôt installé dans son fauteuil de Gouverneur du Katanga, et après avoir prêté serment en cette qualité en 2003, Moïse Katumbi Chapwe convoqua les opérateurs miniers qui envahirent la province à la faveur de la promulgation du nouveau Code minier, et les ankylosa littéralement en décrétant l’interdiction de toute exportation des minerais sans le soutien préalable de son programme de gouvernement.
En moins d’une semaine, l’opération procure au nouvel homme fort du Katanga plus de USD 30 millions, qu’il exploitation sans vergogne dans le cadre de ses business privés, selon des ONG installées à Lubumbashi et de nombreux observateurs.
Loin de s’en tenir à ce quasi-racket, M. Katumbi obligera les miniers à le ranger, lui-même ou ses prête-noms, parmi les actionnaires de leurs entreprises. Et là cela n’est pas possible, le Gouverneur revendique le monopole de la sous-traitance ou de la découverture avec les engins BELL de marque australienne dont il est le représentant exclusif en RDC. Des engins introduits au pays sans s’acquitter du moindre frais douanier au motif qu’ils étaient commandés par le Gouvernement provincial, mais qui aussitôt arrivés à destination furent enregistrés au nom de la Mining Company Katanga (MCK), une entreprise privée de sieur Katumbi Chapwe Moïse.
Rapports et dénonciations, y compris d’élus de la Ville de Lubumbashi offusqués par l’ampleur des abus de pouvoir du nouveau gouverneur en font abondamment état en 2013, et démontrent à quel point la fraude et la corruption s’entremêlaient dans la gestion de la Gécamines et des autres compagnies minières du Katanga par l’homme qui prétend « sauver » la RDC.
En effet, à l’époque, à la fin de chaque année, la Gécamines évaluait toutes les dépenses effectuées avant de fixer les prix à appliquer aux intervenants miniers.
Les frais à payer imposés aux différents partenaires et autres exploitants miniers furent de deux ordres : les frais sans reçus de caisse et ceux avec reçus de caisse. Et le flou entretenu dans la coexistence de ces deux modes de paiement ouvrait la voie à une immense fraude évasion et fiscale, à la corruption, etc. Et quiconque s’y opposait, à l’instar d’un certain nombre d’entreprises chinoises, fut carrément bouté dehors.
Il est rapporté que lorsqu’une société minière s’opposait à la présence de Monsieur Moïse Katumbi, d’un membre de sa famille ou d’un de ses proches parmi ses actionnaires, le Gouverneur faisait pression par creuseurs artisanaux interposés, qu’il installait dans les concessions des entreprises convoitées pour ne les en déloger que lorsque la société aurat cédé à ses exigences.
Tous les savaient au Katanga sous M. Katumbi : les sociétés minières avaient l’obligation de sponsoriser d’une manière directe ou indirecte l’équipe de football du Gouverneur de province. A chaque rencontre de football du TP Mazembe de Lubumbashi leur étaient envoyés quantité de billets d’entrée à payer obligatoirement. C’est également connu aujourd’hui. A M. Katumbi, les souffrances des populations ne disaient strictement rien. Il ainsi rappelé le sort que l’alors Gouverneur de provinces réserva à ces jeunes administrés qui, pour subvenir à leurs besoins, s’adonnaient à la fabrication de briques cuites dès l’amorce de chaque saison sèche. Aussitôt aux affaires, Katumbi les courcircuita : en faisant construire une briqueterie, la sienne, s’accaparant ainsi le monopole de vente des briques cuites ; et en faisant arracher toutes les moules éparpillés dans la ville par des policiers.
Un rapport du Centre de Droits de l’Homme (CDH), une organisation de défense des droits de l’homme œuvrant au Katanga, avait dénoncé publiquement en son temps les interférences du Gouverneur Moïse Katumbi dans la gestion et l’administration de la justice. Particulièrement, en influençant les décisions judiciaires. Le CDH s’appuyait sur un conflit foncier qui opposait la REGIDESO (Régie de distribution d’eau) à la famille Karere. Selon l’ONG, un arrêt de la Cour d’Appel de Lubumbashi avait reconnu cette famille comme propriétaire d’une concession querellée abritant la station de distribution d’eau de la REGIDESO. Mais le Gouverneur Katumbi s’interposa pour empêcher l’exécution de l’arrêt rendu par la cour. (Source : radiookapi.net, le 13 octobre 2009).
Dans la capitale cuprifère, nul n’a oublié que sous le Maréchal Mobutu, les anciens bureaux du Gouvernorat du Katanga étaient couverts de tôles en plaque de cuivre, pour entretenir le prestige de la région. A l’arrivée du Gouverneur Katumbi, ils ont disparu pour être remplacés par de simples tôles ondulées…
Voilà le sauveur de la RDC…
Jean Thierry Monsenepwo, cadre de l’Union Sacrée