DE VIEILLES CONNAISSANCES
Prof André Mbata Mangu a lu avec une attention soutenue la tribune intitulée « Le professeur Mbata et l'incongruité épistémologique de la politologie » rédigée par Mr Kabasu Babu, libre-penseur, écrivain, politologue et chercheur en « gouvernologie ».
Il n’y a aucune comparaison avec Aboucabar Ismaël Yenikoye, Docteur en épistémologie génétique, consultant, expert international, auteur de plusieurs travaux scientifiques en matière de gouvernance et Professeur titulaire à l’Université d’Abdou Moumouni de Niamey au Niger qui a eu à théoriser sur la « Gouvernométrie » dans Gouvernance et gouvernométrie (2007), la « gouvernologie » du Professeur Shadoko congolais ne reposant sur aucune publication académique.
Les nombreux admirateurs de Mr Kabasu Babu auront beau lire toutes ses tribunes et publications sans savoir en quoi consiste finalement cette nouvelle discipline scientifique qui serait différente des sciences politiques, de la politologie, comme s’il suffisait de créer un néologisme comme « gouvernologie » et se faire passer pour un chercheur dans ce domaine pour qu’il obtienne automatiquement le statut de discipline scientifique. Chaque domaine du savoir ayant ses propres spécialistes, nous attendons que les professeurs congolais des sciences politiques éclairent la communauté universitaire sur le statut de cette nouvelle discipline.
Professeur André Mbata qui le connaît personnellement a souvenance qu’entre 2002 et 2003, le libre-penseur, l’écrivain et le politologue Kabasu Babu lui avait demandé de préfacer l’une de ses publications. Il n’avait pas eu le temps de le faire et lui avait présenté des excuses d’autant plus que le manuscrit était de bonne facture, contrairement à ce que certains esprits méchants en avaient pensé. Il ne s’agissait nullement d’un refus et l’auteur avait gentiment accepté les excuses.
Prof André Mbata peut aussi témoigner que Mr Kabasu Babu est un homme d’une grande intelligence animé d’une insatiable soif d’apprendre qui l’avait amené à poursuivre ses études à l’Université de Johannesbourg en Afrique du Sud où il avait obtenu sa maîtrise en sciences politiques. Son grand regret est qu’un esprit qui a toujours brillé de mille feux lors des conférences et des émissions radio-télévisées au Congo n’ait pas fini sa thèse de doctorat près d’une décennie depuis son inscription et qu’il ait même fini par abandonner. Il serait heureux de voir Mr Kabasu Babu qui a déjà fait un si long chemin puisse reprendre et finaliser ce projet qui l’avait toujours préoccupé en Afrique du Sud ou aux Etats-Unis.
Hubert Kabasu Babu Katubalondi mérite notre considération pour avoir exercé les fonctions de Gouverneur de la Province du Kasaï Occidental même si sa gouvernance avait été jugée catastrophique par la quasi-totalité des membres de l’Assemblée provinciale de cette Province qui l’avaient contraint à la démission à la suite d’une motion de censure dont la régularité avait été confirmée par la Cour constitutionnelle.
Sa destitution était malgré tout un mal nécessaire qui l’avait contraint de se réfugier pour un temps aux Etats-Unis avant de revenir en RD Congo certes avec la même identité, mais muni d’une nouvelle caquette, celle d’«expert » revendiquant cette fois-ci le droit de donner des leçons de bonne gouvernance et de leadership aux nouveaux dirigeants du pays ! Depuis lors, la RDC est aussi honorée d’avoir son premier – et apparemment jusque-là le seul - «chercheur en gouvernologie »!
Google renseigne que Mr Kabasu Babu est l’auteur de trois importants ouvrages : Joseph Kabila & la reconstruction réinventrice du Congo (2010), The Making of the Congo State in the US (2012) et Democratisation in the DR Congo from Joseph Mobutu to Joseph Kabila (2019). Il s’agit des publications bien documentées qui révèlent également ses intérêts de recherches. Dans deux titres sur trois, Mr Kabasu Babu revient sur la démocratisation au Congo et Joseph Kabila dont il a toujours loué le « génie transcendantal », le « leadership FORT », « transformationnel » et la « vision canonique » !
Dans un article publié sur mediacongo.net le 2 octobre 2018, deux mois avant les élections de 2018, le « libre-penseur » qui est depuis longtemps « confiné » dans le kabilisme et qui n’a jamais caché son camp politique (FCC) ne tarissait pas d’éloges envers le Président partant Joseph Kabila qui selon lui laissait « un Etat fonctionnel », « un système politique et légal équipé », « une économie productive », « une nation unie et en paix » et un pays « sur la piste du décollage vers l’émergence » ! Pour lui, son meilleur héritier ne pouvait qu’être qu’Emmanuel Shadary, le candidat du Front commun pour le Congo (FCC) dont Joseph Kabila est l’Autorité morale.
Dans autre article publié par La Prospérité en juin 2019, Mr Kabasu Babu doutait de l’existence d’une « vision canonique » dans le chef du Président Félix Tshisekedi et tout en prétendant ne pas porter de jugement quelconque comme dans ses habitudes, « moins polémiste » et moins condescendant que Prof André Mbata, Mr Kabasu Babu déplorait le négationnisme dont J. Kabila fut victime de ceux qu’il appelait alors des « intellectuels et politiciens des fadaises » !
En outre, l’interview (https://linterview.cd/rdc) de l’écrivain du 19 février 2020 n’était qu’une suite de son roman « Kabila Désir ». Dans cette interview, le président et co-fondateur de USA-Africa Leadership & Government Academy (USALGA) s’en était pris violemment à l’Ambassadeur américain Peter Pham qu’il accusait de « pousser Félix Tshisekedi à poignarder J. Kabila dans le dos », ce qui serait de la part du Président Tshisekedi « une trahison politique scélérate de la gravité de celle de Kasavubu vis-à-vis de Lumumba ». Mr Kabasu Babu en profitait pour accuser Président Félix Tshisekedi de manquer de nationalisme, d’être un vassal des impérialistes américains et le « protégé d’une coterie politico-affairiste américaine » oubliant que c’est lui qui est devenu le principal garant de la sécurité de Joseph Kabila.
Pour plusieurs raisons que lui-même connaît, Mr Kabasu Babu reste débiteur et loyal au Raïs qui a « fait » tant de personnes au Congo. Depuis bien longtemps, le libre-penseur est intellectuellement, épistémologiquement, spirituellement et idéologiquement « confiné » dans le FCC. Ce n’est pas Prof André Mbata qui peut lui reprocher la loyauté envers l’Autorité morale qui est considérée comme une vertu nationaliste au FCC ni le « confinement total» qu’il observe scrupuleusement dans une « perspective politologique ». Un intellectuel totalement neutre et détaché est une illusion !
Si Mr Kabasu Babu n’est pas un inconnu pour Prof André Mbata, l’inverse est aussi vrai. Mr Kabasu Babu connaît bien celui qu’il présente avec raison comme « un éminent académicien Congolais porteur d’une stature internationale ». Cependant, cette reconnaissance n’est pas un privilège dont le Professeur peut s’enorgueillir. Elle comporte malheureusement des conséquences et limite le Professeur dans ce qu’il peut ou ne pas faire. La première et la plus grave conséquence est qu’un éminent académicien et un constitutionnaliste d’une telle stature internationale ne saurait s’engager avec n’importe qui dans un débat de droit constitutionnel comme celui concernant la constitutionnalité de l’Ordonnance présidentielle créant une agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC), Mr Hubert Kabasu Babu n’étant ni un constitutionnaliste ni un universitaire au sens français du terme, c’est-à-dire un enseignant, un chercheur ou un professeur d’université.
INCONGRUITE EPISTEMOLOGIQUE DANS LA COMPREHENSION DE L’USAGE DE LA POLITOLOGIE
Au lieu de s’en prendre à Mr Kabasu Babu pour avoir considéré que le professeur des Universités avait fait montre d’incongruité épistémologique dans l’usage de la politologie, l’on devrait par contre être indulgent à son endroit. L’intelligibilité du langage du savant ou de l’académicien n’étant pas toujours facile à saisir, l’écrivain a eu quelques problèmes de compréhension de l’usage de la politologie.
Ainsi, au lieu d’une incongruité épistémologique de l’usage de la politologie par le Professeur, il s’est agi en réalité, de la part de l’écrivain et du chercheur en « gouvernologie », d’une incongruité épistémologique dans la compréhension de l’usage de la politologie par l’éminent constitutionaliste !
Dans sa réflexion, Prof André Mbata avait fustigé la tendance des pseudo-constitutionalistes et des constitutionnalistes par auto-proclamation qui naissent chaque jour en RD Congo à recourir à la politologie et la propension des experts d’autres disciplines des sciences sociales, particulièrement les sciences politiques, à se faire passer pour des autorités scientifiques en droit constitutionnel. Le chercheur Kabasu Babu devrait savoir que le droit constitutionnel n’est pas la politologie ou sa « gouvernologie ». La politologie ou la « gouvernologie » ne sauraient non plus être considérée comme étant le droit constitutionnel. C’est à la politologisation du droit constitutionnel que renvoyait l’usage de la politologie par le professeur des universités.
Les universités congolaises offrent des cours des sciences politiques, mais aucune n’organise un enseignement intitulé « Politologie ». D’autre part, l’on a rarement eu au Congo des professeurs d’universités qui se présentent comme des docteurs en « Politologie » au lieu des sciences politiques. Prof Bob Kabamba et Prof Evariste Boshab seraient parmi les rares universitaires congolais qui puissent avoir l’autorité scientifique nécessaire pour défendre la politologie. Le premier a fait des publications scientifiques sur ce sujet ; il dispense un cours de « Politologie africaine » à l’Université de Liège en Belgique et y a créé une « Cellule d’appui politologique pour l’Afrique et les Caraïbes » (CAPAC). Le second était également membre de la CAPAC qui avait soutenu la publication de son livre intitulé « Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la Nation » dont la thèse avait été critiquée par le constitutionnaliste André Mbata en 2013.
Sept ans après, alors que les deux spécialistes et aucun autre professeur des sciences politiques n’ont jamais contesté la politologisation du droit, particulièrement du droit constitutionnel, dans la réflexion qui tendait à justifier un troisième mandat présidentiel de Joseph Kabila qui était pourtant formellement interdit par l’Article 220 de la Constitution, Prof André Mbata ne trouve pas d’intérêt scientifique à aller au-delà ce qu’il a déjà dit ou écrit, pour expliquer sa référence à la politologie comme base de l’argumentation juridique des professeurs de l’inanition de la Nation.
Si les difficultés de compréhension de l’usage de la politologie persistent chez Mr Kabasu Babu au point de l’amener à considérer que Prof André Mbata n’a pas démontré en quoi les arguments de l’auteur d’Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la Nation et ceux des critiques de la constitutionnalité de l’Ordonnance du Président Félix Tshisekedi créant l’APLC étaient politologiques, il pourrait se référer au préfacier de l’un de ses livres, au Prof Bob Kabamba, à la CAPAC ou au Département des Sciences politiques de l’Université de Kinshasa qui lui est proche.
En cette période critique de confinement pour cause de Covid-19 (coronavirus), le plus facile pour lui faciliter la compréhension serait de lui demander de relire sa propre tribune dans laquelle il se place dans une « perspective politologique » pour réfléchir sur la constitutionnalité de l’APLC ! Il aura alors compris qu’il ne s’agissait pas d’une quelconque incongruité épistémologique de l’usage mais plutôt d’une incongruité épistémologique dans la compréhension de l’usage de la politologie.
Chaque discipline scientifique a ses spécialistes. Il est vrai que les juristes ou les constitutionnalistes ont suivi quelques enseignements des sciences politiques et les politologues ont aussi suivi des enseignements de droit public. En dehors des interactions qui existent dans le cadre de la pluridisciplinarité et de l’interdisciplinarité et qui n’interdit pas aux uns de prendre position dans le champ épistémologique des autres, les scientifiques doivent connaître leurs limites. Chaque discipline a ses propres paradigmes ou son propre langage, un objet précis, ses méthodes et ses « docteurs ». C’est du reste la raison pour laquelle, par exemple, les universités ont des facultés de droit à part entière, distinctes d’autres facultés comme celles des sciences sociales et des lettres.
Dans plusieurs pays comme en en RD Congo, le droit voit sa noblesse rehaussée par le fait qu’il n’est collé à aucune autre discipline dans les dénominations des facultés universitaires alors qu’à l’exception d’un pays comme la France où les Sciences po sont une entité universitaire autonome, les sciences politiques sont utilisées tantôt au singulier, tantôt au pluriel et ne sont généralement qu’un simple département des Facultés de Humanities (pays anglophones) ou des sciences sociales, politiques et administratives (pays francophones).
Chaque chercheur doit être fier de sa discipline. Prof André Mbata qui croit en la prééminence épistémologique du droit constitutionnel en ce qui concerne les réflexions sur les questions éminemment juridiques comme celle de la constitutionnalité de l’Ordonnance présidentielle créant l’APLC n’a jamais été complexé pour contester la spécialité dans un autre champ du savoir.
Si déjà tout juriste n’est pas constitutionnaliste, comment pourrait-on tolérer les hérésies des sociologues, des chimistes, des géologues et même des politologues ou des « politologistes » qui se prétendraient maîtriser la Constitution et les lois mieux que les constitutionnalistes ou les juristes eux-mêmes ? Ce serait ouvrir grandement la porte à toutes les hérésies.
Certains d’entre-nous ont passé de nombreuses années à apprendre le droit et à faire des recherches en droit constitutionnel. Le fait d’avoir suivi un cours ou un séminaire de droit constitutionnel, de diriger ou d’avoir dirigé une institution politique, d’avoir participé à un débat sur la Constitution ou d’avoir eu la chance de saluer un éminent professeur de droit constitutionnel comme Prof André Mbata ne fait pas de quelqu’un un juriste ou un constitutionnaliste !
Il est plus qu’urgent que l’on mette fin à un tel aventurisme dont le droit constitutionnel est victime de la part des chercheurs d’autres disciplines regretteront toujours qu’ils ne se soient pas fait inscrire dans les Facultés de Droit pour y apprendre le droit constitutionnel quand ils étaient encore plus jeunes..
Ne pouvant longtemps tenir dans une discussion épistémologique sur la politologie ni énoncer les paradigmes de la « gouvernologie », Mr Kabasu Babu a préféré consacrer plus de temps à la critique du Président Félix Tshisekedi à travers l’Ordonnance présidentielle créant l’APCL alors qu’il avait juré au départ qu’il ne prendrait pas position pour ou contre. Le nom du Professeur Mbata et la « politologie » dans l’intitulé n’étaient que des prétextes de la part d’un politologue qui avait des comptes à lui régler non seulement comme un membre éminent du FCC vouant même un culte a son Autorité morale mais aussi des comptes personnels.
Le politologue revenu des Etats-Unis comme animateur d’un think tank sur la bonne gouvernance n’a jamais digéré que Félix Tshisekedi ait décliné deux propositions majeures qu’il lui avait faites au début de son mandat et visant la mise en place de deux structures qu’il pouvait probablement animer à la présidence de la République. La première proposition concernait la Cellule de Management du Programme Commun Matriciel (PCM) qui devait ressembler à l’Office of Management and Budget (OMB) de la Maison Blanche. Cette cellule allait être chargée de coordonner le suivi et l’évaluation du PCM en conformité avec la vision du Président. Sa seconde proposition portait sur l’établissement de son Forum pour la Reconstruction Accélérée par Actions Multipartites (Forum RAAM) qui devait être un cadre d’interaction entre l’Etat et les partenaires nationaux et internationaux.
« SCIENTIFICITE DE L’APPARENCE » : QUI DESORIENTE QUI ?
Mr Kabasu Babu se présente à la fois comme libre-penseur dont la marge de liberté n’a d’égale que celle d’un homme « confiné » dans la vision idéologique du FCC, mais aussi comme un écrivain, un politologue et depuis un certain temps comme chercheur dans une discipline d’invention récente qu’il n’est pas encore arrivé à définir, la «gouvernologie ».
Qu’est-ce donc la « gouvernologie » ? Qu’est-ce la politologie ? Quels rapports existeraient-ils entre la « gouvernologie » et la politologie au point de faire d’un chercheur dans la première discipline le meilleur interprète et défenseur de la seconde ? Si la politologie est une discipline noble, qu’en est-il de la « gouvernologie » ? Quels rapports existerait-il entre ces deux disciplines et la science politique ? Cette dernière aurait-elle perdu de sa stature pour être replacées par celles-là ? Autant de questions qui ne recevront jamais de réponses dans le cadre d’une « simplicité de l’apparence ».
« Gouvernologie », « incongruité épistémologique », « virtuosité épigrammatique », « leadership transformationnel » …Prof André Mbata n’a jamais caché son estime pour Mr Kabasu Babu qui est un spécialiste dans la fabrication de mots parfois vides et des néologismes qu’il n’arrive pas toujours à définir pour en donner l’intelligibilité ou dont la définition ne vaut parfois que pour lui-même quand il est bien contraint d’en donner un sens.
A jamais enfuie dans le temps l’époque où d’aucuns pensaient que la récitation de plusieurs noms des chercheurs et des titres de leurs publications, la connaissance de plusieurs langues et le recours aux gros mots (bombastic words), aux logorrhées, aux tournures mirobolantes ou à des expressions étrangères (français, anglais, Latin, Grec…) étaient plus que de simples atouts et suffisaient pour faire un savant !
Autant que le droit constitutionnel n’est pas le journalisme constitutionnel, les sciences politiques, la politologue ou la « gouvernologie » ne sauraient s’identifier au journalisme ou au marketing politique (Jean-Louis Loubet del Bayle) tout comme le discours du scientifique est différent du langage du journaliste, du poète, du romancier ou du musicien.
Mr Kabasu Babu semble avoir depuis longtemps succombé à ce que le politologue français Jean-Louis Loubet del Bayle avait appelé les « tentations de la science politique ». L’une de ces tentations est la « tentation du discours ésotérique » qui se traduit par des analyses qui usent et abusent d’un vocabulaire spécialisé ou imaginé qui n’est compréhensible qu’à une minorité d’initiés, quand ce n’est pas parfois à son seul utilisateur.
Les pseudos savants ou chercheurs restent confinés dans ce que Jean-Louis Loubet del Bayle avait aussi qualifié de « scientificité de l’apparence ». Cette « scientificité de l’apparence » se caractérise par l’usage d’un langage obscurci par la multiplication des néologismes de façon à rendre difficile toute communication, même avec les chercheurs de sa propre discipline. Une telle scientificité tient moins au fond qu’à la forme. Elle est malheureusement superficielle. Jean-Louis Loubet del Bayle estime qu’il faut également se garder contre « la science politique spontanée », la confusion entre la science politique et ce que l’on pourrait appeler la culture générale.
Le snobisme constitue un grand danger pour le développement de toute discipline scientifique. Il faut aussi sortir de l’obscurité épistémologique car l’obscurité d’un discours n’est pas nécessairement une garantie de son caractère scientifique. Il n’en reste pas moins vrai que le vieil adage selon lequel « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » garde une part de sa vérité dans les milieux scientifiques.
Mr Kabasu Babu avoue lui-même ne pas être suffisamment outillé au plan intellectuel ou scientifique pour engager avec le Prof André Mbata un débat sur la politologie et ses rapports avec le droit constitutionnel. Il faut saluer son humilité lors qu’il le reconnaît lui-même : «Il est donc nécessaire et urgent que les professeurs de la Science Politique de l’Université de Kinshasa interagissent avec leur collègue le Professeur Mbata ».
Et même lors, ce ne serait pas une interaction qui concernerait uniquement Prof André Mbata, mais l’ensemble des professeurs de droit public en général et de droit constitutionnel en particulier avec leurs collègues non pas seulement de l’Université de Kinshasa, mais de toutes autres Facultés des Sciences sociales, politiques et administratives des universités du Congo et d’ailleurs.
Mr Kabasu Babu reproche au Prof André Mbata de désorienter les lecteurs et les étudiants en Sciences politiques en injectant une conception erronée de la politologie dans la conscience collective. Mais qui les désoriente sinon la personne qui les induit en erreur en affirmant que le mot « politologue » vient de « politologie » (Marcel Prélot) alors que la science politique est plus ancienne ; qui affirme que la « politologie » est la dénomination consacrée (quand, où et par qui ?) de la science politique ; et qui vante sa « noblesse » sans dire en quoi elle consiste ni pourquoi les Facultés de Sciences sociales, politiques et administratives ne sont pas jusque-là devenues des Facultés de « Politologie » et les cours de Sciences politiques des cours de « Politologie » ?
Dans le cadre d’une scientificité de l’apparence, c’est toujours ou souvent le savant ou le scientifique de l’apparence qui désoriente de façon plus ou moins délibérée.
CONCLUSION
L’objectif de la tribune de Mr Kabasu Babu était de dénoncer l’«incongruité épistémologique de l’usage de la politologie » et de « rétablir la noblesse » de celle-ci comme discipline scientifique. Sa « perspective politologique » de l’Ordonnance présidentielle créant l’agence anti-corruption (APLC) qui occupe une grande partie de sa réflexion n’était pas annoncée dans l’introduction de sa tribune. Le lecteur comprendra que compte tenu de sa stature d’académicien et de constitutionnaliste ainsi que pour des raisons évidentes que nous avons données dans cette réplique, Prof André Mbata ne pouvait pas le suivre dans une lecture et une interprétation politologiques et hérétiques de la Constitution dictées par son « confinement » intellectuel et idéologique dans le FCC.
Recourant à une scientificité de l’apparence, notre libre-penseur aura tenté vainement d’induire tout le monde en erreur. Mr Kabasu Babu n’aura pas réussi à démontrer l’incongruité épistémologique de l’usage de la politologie par Prof André Mbata. En fait, l’écrivain et le chercheur en « gouvernologie » n’avait pas compris l’universitaire et sa tribune était plutôt fondée sur une incongruité épistémologique dans la compréhension de l’usage de la politologie par le professeur des universités.
Alors qu’il doit encore produire des articles scientifiques sur ce qu’il appelle la « gouvernologie » et qu’il n’a pas de publications scientifiques connues sur la politologie, le « chercheur en gouvernologie » était monté sur ses grands chevaux pour ré-établir ce qu’il considérait comme une noblesse de la politologie qu’il voulait comparer à celle du droit constitutionnel. Au contraire, c’est la politologie qui s’en sort diminuée comme la plus grande victime de la tribune de la personne qui prétendait démontrer sa noblesse. Le choix d’un mauvais avocat – un chercheur en « gouvernologie » et non un expert en politologie – aura été pour beaucoup dans la «défaillance démonstrative » de sa prétendue noblesse.
Mr Kabasu Babu peut néanmoins être félicité pour sa tentative de définition de la politologie. On l’attendait in limine litis, avant toute logorrhée ou gesticulation intellectuelle, c’est finalement dans le tout dernier paragraphe de sa tribune que Mr Kabasu Babu définit la politologie qui serait d’après lui une noble science qui explore la philosophie et les idéologies, les structures et dynamiques du système politique ; qui scrute les acteurs politiques et leur intérêts, les jeux et enjeux du pouvoir dans les contextualités définies et aussi leur dialectique ; et une science qui critique la rationalité des décisions politiques et propose des solutions polygonales porteuses de pénétration sociétale aux effets durables.
Une telle définition qui ferait de la politologie une science qui engloberait la philosophie, la sociologie, la science politique et le droit public ou une « science fourre-tout » et même une science-fiction, sans vocabulaire précis, sans objet déterminé ni méthodologie particulière aurait pour conséquence d’entamer sa scientificité. Elle pose également problème dans la mesure où l’écrivain et le politologue sait lui-même parfaitement bien que pour être crédible, contrairement à la poésie ou à la littérature où l’on peut faire confiance aux Muses, une affirmation scientifique doit normalement assise sur une base théorique ou des travaux des spécialistes.
Sans suivre Mr Kabasu Babu et les hérésies de sa « perspective politologique » sur la constitutionnalité de l’Ordonnance présidentielle portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence pour la Prévention et la Lutte contre la Corruption (APLC), tout ce que l’on peut dire est que s’il avait été choisi par le camp de l’inanition de la Nation pour assurer la relève après la capitulation de ses pseudo-constitutionnalistes et d’autres tambourinaires, le choix d’un écrivain, d’un politologue et d’un « chercheur en gouvernologie » aura été un choix désastreux, catastrophique.
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Prof Evariste Boshab qui avait préfacé l’ouvrage de Mr Kabasu Babu sur Joseph Kabila & la reconstruction réinventrice du Congo ( !) reste sans conteste le plus grand constitutionnaliste du FCC. Cependant, là où l’éminent professeur a préféré s’abstenir pendant que les autres constitutionnalistes ou pseudo-constitutionnalistes tambourinaires de l’ancien régime se taisaient ou prenaient la poudre d’escampette au point que le débat pouvait être considéré clos, il était très hasardeux, périlleux voire criminel de sacrifier dans le débat une personne qui n’avait ni la stature internationale ni l’expertise en droit constitutionnel du Prof André Mbata.
John Ambamba Betshi
PhD Candidate (Politics) – University of Johannesburg