L‘Angola assure la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations unies en ce mois de mars. Mardi dernier à New York, son ambassadeur a annoncé les couleurs : « Nous aimerions que les choses prennent une nouvelle direction dans la région des Grands Lacs, où la prévention des conflits doit devenir une priorité ». Le 23 mars courant, il sera débattu du redéploiement de la Monusco en dehors des zones de l’Est de la RDC avec pour objectif de sécuriser le processus électoral. Le hic, c’est que les empoignades pourraient reposer sur la capacité du Conseil à faire fléchir Kinshasa.
La situation qui prévaut en République démocratique du Congo préoccupe le Conseil de sécurité des Nations unies. En ce mois de mars, où la présidence de l’organe de décision est assurée par l’Angola, l’Afrique, particulièrement la région des Grands Lacs, figure parmi les priorités. L’Angola a promis de concentrer son mandat pour trouver une solution durable dans cette région d’Afrique, suivant la philosophie du « Vaut mieux prévenir que guérir ».
Face à l’enjeu des élections qui se profilent à l’horizon, le Conseil de sécurité pense à un redéploiement des troupes de la Monusco en dehors des territoires de l’Est du pays. Il n’est pas évident que le projet du Conseil de sécurité de Nations unies passe comme une lettre à la poste dans la capitale congolaise. A Kinshasa, où la Majorité au pouvoir nourrit toujours le projet d’un glissement du cycle électoral, le redéploiement des troupes onusiennes sur l’ensemble du territoire national est vu d’un mauvais œil.
C’est pourquoi le Conseil de sécurité devra donc batailler dur pour faire plier Kinshasa. Selon (‘ambassadeur d’Angola, une séance d’information est programmée le 23 mars. Elle sera essentiellement consacrée à la situation de la Monusco. Sans doute, c’est à l’issue de cette séance que seront redéfinis les nouveaux objectifs de la Monusco que le. Conseil de sécurité devra entériner sous forme de résolution.
La situation sécuritaire et sociopolitique est jugée fragile, en RD Congo et imprévisible par bien des observateurs. La fin du dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila et l’incertitude sur son avenir politique laissent planer un risque d’instabilité élevé susceptible de plonger le pays dans un nouveau cycle de violences, La crise qui découlera du dérapage électoral et du non-respect de la Constitution risque d’être plus coûteuse, voire saper tout le travail de stabilisation entrepris par la communauté internationale, estiment ceux qui s’opposent au chef de l’Etat.
Bon nombre d’observateurs considèrent que dans ce contexte politique et sécuritaire volatile, l’attention des Nations unies devrait se focaliser principalement sur l’accompagnement actif de la RDC dans l’organisation des élections dans les délais constitutionnels et dans la prise des mesures concrètes et contraignantes visant à amener tous les acteurs sociopolitiques, le président de la République en premier lieu, à se conformer au strict respect de la Constitution.
Au regard de cette situation, l’Angola s’est investi pour un recentrage de la politique des Nations Unies dans la région des Grands Lacs.
QUELLE SERA LA REACTION DE KINSHASA?
Pendant que le Conseil de sécurité cherche à redéfinir le mandat de la Monusco, le débat est tout autre à Kinshasa. Il tourne essentiellement autour du retrait progressif des troupes onusiennes. S’adressant devant le Parlement réuni en congrès, en décembre 2014, le président Joseph Kabila, avait relancé le débat autour du retrait des troupes de la Monusco. Sa plaidoirie était pans équivoque.
« S’agissant de la coopération avec les Nations Unies en matière de maintien de la paix, le gouvernement a récemment procédé, avec les Nations unies, à une revue stratégique de la présence des Forces de la MONUSCO sur le sol congolais, prenant pour cela en compte l’évolution de la situation sur le terrain et la montée en puissance des Forces armées de la République démocratique du Congo », avait indiqué Joseph Kabila. Et d’enchaîner : « Par-delà les modalités pratiques qui restent à préciser cette revue a conforté la position du gouvernement de la République, à savoir :
- que la situation sécuritaire qui, à l’époque, avait justifié le déploiement d’un si grand contingent des forces internationales dans notre pays a, depuis lors, fondamentalement changé pour le mieux ;
- que les risques de sécurité qui exigent aujourd’hui une attention prioritaire sont ceux liés à la présence de ce qui reste des groupes armés étrangers, singulièrement les ADF-Nalu et les FDLR;
- que la gestion de ces risques exigent certes une expertise et un équipement spécialisés pour lequel (e concours des Nations unies demeure le bienvenu, mais qu’elle ne justifie cependant pas le maintien sur notre sol d’un contingent de 20.000 hommes;
- que 1heure est donc venue d’amorcer la réduction du nombre de Casques bleus sur notre territoire. Le contraire ne s’expliquerait pas pour un pays où il n’y a plus de guerre classique, où la protection des civils relève désormais plus des opérations de police que des opérations militaires et dont la situation sécuritaire générale s’est améliorée au point de lui permettre de se porter au secours d’autres frères et sœurs en détresse, comme il le fait si bien en République Centrafricaine, où les contingents des FARDC et de la Police nationale congolaise sont déployés sous la bannière des Nations unies, â la satisfaction de tous ».
Dans le projet de redéploiement des troupes des Nations Unies sur l’ensemble du territoire national, Kinshasa ne se laissera pas faire. C’est le moins que l’on puisse dire.
Il faut s’attendre à de chaudes empoignades. Sans doute, la bataille ne sera pas facile. Tout récemment, Lambert Mende a annoncé les couleurs en déboutant pratiquement la communauté internationale dans la condamnation à Goma (Nord-Kivu) des militants de Lucha (Lutte pour le changement). Cela présage de la résistance dans le camp de Kinshasa.
Cette attitude contribue, sans aucun doute, à conforter l’impression que le gouvernement en RDC a levé l’option de bâillonner et de réprimer l’opposition pour faire passer ses idées et imposer ses stratégies au pays tout entier.
Cependant, pour les partisans d’un redéploiement des troupes onusiennes, la protection des civils telle que voulue par le Conseil de sécurité ne doit pas être considérée comme une chasse gardée des seuls Congolais de l’Est. Tous ceux qui sont donc impliqués dans les élections avec ses, effets pervers entre adversaires méritent protection. Un argument qui risque de faire mouche aux Nations unies. Surtout, quand on sait que des violations voulues et assumées par le gouvernement se multiplient, avec un durcissement qui empêche les adversaires politiques d’exercer leurs droits respectifs sans s’exposer à des poursuites et des violences.
LE POTENTIEL