Pratique universellement reconnue, le contrôle parlementaire qui est un mécanisme permettant à l’Autorité budgétaire d’évaluer l’action du gouvernement, notamment l’exécution de son programme présenté devant la Représentation nationale ainsi que celle de la loi des finances de l’Etat, a malheureusement pris une connotation péjorative en République Démocratique du Congo.
Au lieu que les représentants du peuple aident ce dernier à savoir comment le pays est géré et éventuellement lui permettre, le moment venu, de décider de la sanction à infliger aux mauvais gestionnaires de la res publica, tout en promouvant en même temps la bonne gouvernance de l’appareil de l’Etat, les élus ont hélas trouvé une occasion en or de se faire de l’argent, indûment, se détournant ainsi de leurs prérogatives légales.
C’est pourquoi, plusieurs initiatives de contrôle de la chose publique, à travers des motions et autres pétitions visant à sanctionner soit un membre de l’Exécutif national, soit l’ensemble de l’équipe gouvernementale, ont du mal à aboutir à cause de cette honteuse pratique qui a tendance à s’ériger en système. Car, la plupart de leurs auteurs se montrent préoccupés par autre chose que le souci de contrôler réellement la gestion publique du pays.
Il sied de signaler que cette pratique s’observe aussi bien chez les députés de la majorité que de l’opposition.
Tout le monde en tire profit
A l’analyse de la situation, on se rend vite compte – surtout que certains cas ont fini par créer scandale – que cette pratique honteuse qui déshonore et ternit l’image de marque des élus se présente de plusieurs manières.
Le chantage en vue de provoquer la panique dans le chef du ministre interpellé serait la tactique la plus utilisée par la plupart des auteurs des initiatives de contrôle de la gestion publique par le Parlement. Et le tout se jouerait sur base de la complicité entre des députés sociétaires de la majorité qui connaissent bien les ministres à interpeller avec leurs collègues de l’opposition auteurs des motions ou pétitions.
Ceux que la mémoire n’a pas trahi peuvent se souvenir de quelques cas de «business» en lieu et place d’exercer le contrôle parlementaire.
Procéder par le chantage pour qu’un membre du gouvernement visé tremble et débourse des espèces sonnantes afin d’éteindre le feu, minorer des recettes lors des descentes dans les entreprises et services publics générateurs des recettes à l’occasion de l’examen du projet de budget, biaiser la conclusion à la clôture d’une question orale avec débat…font partie de cette pratique décriée.
On ne peut passer sous silence des cas de reniement des signatures devenus fréquents lors des plénières consacrées à l’examen des motions à l’endroit d’un membre du gouvernement. Ici, les choses se passent parfois d’une façon contraire à la logique du contrôle parlementaire. Combien de fois a-t-on pas entendu certains députés déclarer, sans la moindre gêne du monde, « je n’avais pas bien lu le document avant d’apposer la signature », lors de la confirmation des signatures avant que le Bureau ne procède à l’examen proprement dit de la motion.
D’autres encore finissent par prendre leur audace, après avoir subi des pressions ou cédé à la sollicitation, pour renier carrément leurs signatures. Idem pour ceux qui décident d’abandonner la démarche en jetant l’éponge.
En-dessous des cartes ou derrière toutes ces scènes qui ressemblent bien au théâtre de chez nous, les espèces sonnantes circulent ou des promesses pour d’autres types de jouissance matérielle ont été faites aux fins d’obtenir soit l’abandon de la démarche, soit le retrait de la signature ou tout simplement son reniement par l’auteur.
Le monde à l’envers !
La main qui donne est toujours au dessus, prône un vieil adage africain, la cupidité exagérée dont font montre certains membres du Parlement a fait que l’Exécutif semble aujourd’hui ne plus trembler face à un quelconque mécanisme de contrôle érigé à son endroit. Et cela fait que bon nombre de ministres refusent de se soumettre à cette obligation constitutionnelle devant le parlement. Ce qui fait qu’ils s’absentent ou refusent de répondre aux invitations leur lancées dans le cas des questions orales avec débat ou questions d’actualité, sans fournir une quelconque justification.
Cette attitude que des observateurs qualifient d’arrogance face à la Représentation nationale, serait due en partie à cette pratique honteuse des motions et pétitions « business ». A l’instar d’Ésaü, suivant l’histoire biblique, qui avait vendu son droit d’aînesse à son jeune frère contre un potage, les « motionnaires » de business sont en train d’hypothéquer leur autorité contre les espèces sonnantes.
Il est temps qu’Aubin Minaku prenne ses responsabilités en remettant les pendules à l’heure. Il y a nécessité de mettre en place des mesures en vue de sanctionner ceux qui veulent ternir l’image de marque de la Représentation nationale.
Dominique MUKENZA KABALA SHAMBUYI