Processus électoral en panne : Majorité et Opposition coupables

Mercredi 22 juillet 2015 - 11:33

Publié le 12février2015, le calendrier électoral global peine à se mettre en œuvre. En manque de moyens, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est au bord de l’asphyxie. Et, dans la classe politique, personne ne s’en émeut. Pourtant, le processus électoral va droit vers un blocage qui « risque de plonge,- la nation dans une crise profonde et le chaos électoral ». C’est le cri d’alarme que tire la Commission africaine pour la supervision des élections (CASE) dans un document publié le 21 juillet 2015.
Intitulé « Evaluation du calendrier électoral global par les plateformes membres de la CASE», ce document n’épargne personne. Il dénonce, notamment « l’irresponsabilité des acteurs politiques de la Majorité et de l’opposition dont le silence sur la question du délai constitutionnel des élections » est lourd de conséquences sur la bonne marche du processus électoral.
Désapprouvant « ouvertement la manipulation, la fabrication des rumeurs et la tendance à la dramatisation des élections par les acteurs politiques pour plonger le peuple congolais dans la torpeur », la CASE estime que « cette manière de faire n’a pour conséquence que l’énervement des masses laborieuses afin de les exposer à des conflits électoraux de grande envergure et à des troubles ». Il faut craindre le pire, prédit la CASE.
Aussi prononce-t-elle « une condamnation sévère à l’égard de toutes les parties prenantes au processus électorat qui n’ont pas su honorer leurs obligations vis-à-vis des contraintes énumérées parle calendrier électoral global rendu public le 12février2015 ».
Pour la CASE, il y a urgence de réajuster le tir, en mettant, notamment la CENI dans les meilleures dispositions de conduire le processus électoral à bon port Or, tout est fait, note-t-elle, pour étouffer davantage la CENI aux fins de la mettre dans l’incapacité £‘organiser les élections.
Le processus électoral est en panne. Il est en danger. C’est le moins que l’on puisse dire à la suite de l’évaluation que fait la CASE du calendrier électoral global du 12 février 2015. Tous les partenaires impliqués doivent se mobiliser pour sauver le navire électoral au bord du naufrage.
Le POTENTIEL

Evaluation du calendrier électoral global par les plateformes membres de la CASE

A l’occasion de la formation des 1 000 nouveaux adhérents émanant des organisations partenaires, la Commission africaine pour la supervision des élections (CASE) a examiné en profondeur le niveau d’application du Calendrier électoral global dans ses différentes phases de mise en œuvre et a dégagé les faits ci-après :

La CASE félicite ses membres disséminés dans tout le Congo profond, observateurs et activistes électoraux pour le niveau élevé de responsabilité et de professionnalisme qui les ont caractérisés jusqu’ici. Il en est de même des partenaires techniques et financiers des élections congolaises pour leur accompagnement en vue de la bonne marche du processus électoral en République démocratique du Congo.

La CASE salue le climat de stabilité et de Paix relative qui se lit progressivement dans le pays excepté dans les-quelques zones de turbulences et d’insécurité du Nord-Kivu, de la Province Orientale, du Sud-Kivu et du Katanga dont les échos ne cessent d’interpeller quotidiennement la nation toute entière.

La CASE félicite la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour le travail abattu en extirpant les différents cas de doublons sur les listes de candidatures aux élections provinciales. Elle salue en même temps le lancement des travaux d’audit du fichier électoral sous la supervision de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) C’est ici le lieu de vous faire savoir que la CASE a été retenue par ses pairs de la Société civile comme unique représentant jouissant de la qualité d’observateur au sein de la grande mission internationale d’audit du fichier électoral.

La CASE émet de vives inquiétudes quant au retard enregistré au jour le jour sur le calendrier électoral global.

Considérant les défis de plus en plus lourds de bonne exécution du calendrier électoral global, les contraintes liées à sa mise en application, le manque de volonté politique de la part de principaux intervenants auxdites élections, la CASE fait savoir ce qui suit:

1. De l’évaluation du calendrier électoral global
Dénonçons l’irresponsabilité des acteurs politiques de la Majorité et de l’Opposition dont le silence sur la question du délai constitutionnel des élections risque de plonger la nation dans une crise profonde et le Chaos électoral. A cet effet, nous exigeons des deux tendances politiques une évaluation non sentimentale du calendrier et du processus électoral en général. A notre sens, il est question d’évoquer en toute responsabilité, les risques éventuels de glissement dudit calendrier et d’en étudier les mesures rapides et efficaces de sauvetage électoral de notre pays;

*Désapprouvons ouvertement la manipulation, la fabrication des rumeurs et la tendance à la dramatisation des élections par les acteurs politiques pour plonger le peuple congolais dans la torpeur. Cette manière de faire n’a pour conséquence que l’énervement des masses laborieuses afin de les exposer à des conflits électoraux de grande envergure et à des troubles;

*Formulons une condamnation sévère à l’égard de toutes les parties prenantes au processus électoral qui n’ont pas su honorer leurs obligations vis-à-vis des contraintes énumérées par le calendrier électoral global rendu public le 12 février 2015.
Principaux problèmes qui écument le processus électoral en RDC.

La CASE relève que :

- Les Bureaux et entrepôts de la CENI dans les démembrements en provinces et dans les territoires dont la construction était initialement prévue du 12 février au 20 août2015 (190 jours), tardent à se concrétiser, en raison de manque de financement nécessaire;
- Le système sécurisé de télécommunication pour la transmission rapide des résultats électoraux dont la mise en place était prévue du 12 février au 0 août de cette année n’a pas été annoncé à ce jour, nous semble-t-il, faute de budget;
- La négligence observée de la part du législateur congolais (les deux chambres du Parlement réunies) pour l’adoption rapide des lois essentielles au processus électoral telles que la loi portant répartition des sièges pour les élections communales et locales prévue dans le calendrier entre le 22 mars et le 05 avril 2015;

II. De l’évaluation du climat politique national
Plusieurs incertitudes planent encore jusqu’ aujourd’hui en rapport avec la détermination des uns et des autres en ce qui concerne :
• L’opportunité du Dialogue national inclusif
• La capacité des acteurs politiques à travailler pour une sortie de crise électorale responsable
• La gestion apaisée de tout risque de glissement électoral.
La CASE fait observer ce qui suit :

1) Il existe plusieurs zones de contradiction au sein de la classe politique congolaise :
*D’une part, la Majorité au pouvoir ne semble pas unie autour de la question du calendrier électoral. Les uns plaidant absolument pour un glissement et les autres pour un équilibre des rapports de force. Il. y a une réelle nécessité que la Majorité se réconcilie avec elle-même afin qu’elle engage ses actions dans une unicité e forces et de propositions responsables;
* D’autre part, l’Opposition politique congolaise s’enfonce encore davantage dans la division pour raison d’intérêts et de positionnement politique. Il existe désormais dans l’Opposition des pro et des anti-dialogues, qui à leur tour sont fragilisés par bien d’autres conflictualités internes. Il y a donc lieu que cette Opposition aussi se réconcilie avec elle-même afin qu’elle sache résolument donner de la voix par un seul et même son de cloche;
* La CASE encourage donc les deux tendances politiques de notre pays à s’assumer devant l’histoire et à préserver un climat de paix et de grandeur à la taille de leurs responsabilités.
2) En ce qui concerne la Société civile, la CASE exprime les craintes suivantes
* Nos agissements en tant que Société civile devraient interpeller les différents leaders que nous sommes afin de nous démarquer positivement de la brouille politicienne. Il est donc question que la Société civile reprenne toute sa place en assumant pleinement ses responsabilités dans une conduite de neutralité politique, de responsabilité et de conquête des intérêts de la population congolaise. Cette tâche est d’autant plus exigeante que le pays traverse ces jours une période critique de son histoire.
* La CASE en appelle d’autre part, à la cohésion de toutes les forces vives de la nation afin qu’une solution d’ensemble soit vite trouvée pour éviter toute dérive électorale.

III. Problèmes majeurs du processus électoral congolais

La CASE a relevé quelques difficultés majeures susceptibles de bloquer le processus é1ectorl en République démocratique du Congo. Il s’agit principalement de l’élaboration par la CENI d’un nouveau calendrier électoral adapté aux attentes politiques et sociales du pays et de l’intégration des nouveaux majeurs dans le fichier électoral.
• En ce qui concerne le nouveau calendrier électoral réaménagé attendu: il y a lieu d’indiquer que plusieurs facteurs endogènes et exogènes compliquent la tâche à la CENI dans l’exécution du calendrier rendu public le 12 février 2015 à savoir:
- Le retard pris par le Parlement dans la mise en place des lois importantes à la bonne exécution des opérations électorales;
- La timide mobilisation des fonds à allouer aux élections par le gouvernement;
- Le manque de dialogue favorisant la crise de confiance entre acteurs politiques, notamment.
• En ce qui concerne l’enrôlement des nouveaux majeurs.

D’après les prévisions classiques, cette opération devrait comporter quelques conséquences sur le calendrier. Non seulement qu’elle pourrait s’exécuter sur une période de 6 à 8 mois pour permettre de commander les kits d’enrôlement, la formation des agents spécialisés, le déploiement du matériel et l’opération proprement dite, mais elle peut possiblement convoquer la problématique du vote des congolais de la diaspora.
• La CASE reconnaît également que la question des élections urbaines, municipales et locales fait couler beaucoup d’encre et de salive chez les acteurs politiques de notre pays. Nous tenons à souligner l’importance de ces élections et invitons la classe politique congolaise à ne pas les sacrifier.

IV. Recommandation
I) A la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la CASE recommande

• La réévaluation urgente du calendrier rendu public le 12 février 2015 et d’en partager les moyens de faisabilité responsables avec les autres parties prenantes afin d’éviter tout piège des politiques;
• Eclairer la nation sur la question des doublons oubliés par elle afin que le peuple soit édifié une fois pour toute sur la question;
• Evaluer la faisabilité de l’intégration des nouveaux majeurs en indiquant avec objectivité les risques de glissement des délais que cette opération ferait courir à. la nation;
• Publier les conclusions de l’opération de recrutement effectué par le CADICEC afin de fixer l’opinion sur la vraie issue du processus de recrutement par la CENI;
• Persévérer avec cet élan de professionnalisme qui la caractérise et de ne ménager aucun effort pour résister aux différentes pressions politiques d’où qu’elles viennent.
2) Au gouvernement de la République démocratique du Congo, la CASE recommande de:
• Accorder priorité au financement du processus électoral en actionnant son Comité de pilotage sous la facilitation directe du Premier ministre, chef du gouvernement;
• Assurer la nation quant à sa capacité réelle de financer l’ensemble des élections nationales;
• Prendre en compte les volets de sécurisation du processus comme celui relatif à l’installation des institutions issues des élections;

3) A la classe politique congolaise: Majorité présidentielle et Opposition politique de
• En ce qui concerne la Majorité présidentielle:
- Qu’elle se prononce clairement pour l’organisation ou non du Dialogue National inclusif d’en fixer rapidement les délais logiques.
* En ce qui concerne l’Opposition politique congolaise:
Qu’elle se prononce tout autant clairement pour sa participation ou pas au Dialogue national ou à défaut, proposer une nouvelle alternative consensuelle de sortie de crise électorale.
4) Aux deux chambres du Parlement, la CASE recommande de:
• Réserver un traitement d’urgence à la Loi portant répartition des sièges aux élections communales et locales, sans quoi, notre Parlement portera la responsabilité historique du glissement électoral;
• Nos élus nationaux et les sénateurs congolais sont aussi interpellés pour leur passivité, voire la non-prise en compte des urgences électorales du moment.

5) A la Communauté internationale, la CASE recommande de:
• S’impliquer encore davantage dans l’accompagnement du processus électoral notamment en finançant les rubriques qui posent encore problème dans le budget des élections
• A continuer d’apporter son expertise aux côtés de la CENI et des organisations de la Société civile congolaise dans la prise en charge des élections nationales. 6) A la Mission internationale d’audit du fichier électoral
piloté par l’organisation internationale de la Francophonie (OIF), la CASE recommande de:
• Mener son audit dans le strict
• respect de son cahier de charge tel que décliné devant les observateurs dont fait partie la CASE, ce qui va véritablement honorer ce processus électoral et par delà, toute la communauté francophone;
7) A la Société civile de la RDC, la CASE recommande:
• Une grande cohésion d’efforts à l’exemple de la grande cérémonie de mise en place de la Commission éducation civique et observation électorale EDUCIEL) dont la sortie officielle a été uni succès pour nos structures respectives;
• Une implication sans faille dans l’accompagnement de la population afin de lui offrir les meilleures dispositions de votation.
8) Aux Confessions religieuses (toutes tendances confondues), la CASE recommande de :

• Jouer pleinement leur rôle d’Eglises au milieu du village afin d’éclairer positivement les acteurs politiques sur la marche à suivre et de ne pas attiser le feu entre les parties en présence.
9) Au peuple congolais, la CASE recommande
• De s’approprier le processus électoral et d’interpeller les acteurs politiques à chaque fois que cela s’avérera nécessaire pour mieux conduire le processus des élections dans le respect des lois de la République.
10) Au Président de la République, chef de l’Etat, la CASE recommande de:
• Convoquer sans attendre le dialogue national inclusif afin que toutes les sensibilités politico-sociales du pays y prennent activement part
• Nous recommandons également au Président de la RDC de poursuivre ses consultations en direction de tous ceux qui hésitent encore afin que des conclusions d’ensemble permettent une fois pour toute une sortie de crise électorale apaisée.

Fait à Kinshasa, le 21 juillet 2015

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