L’indépendance de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), pourtant consacrée par la Constitution, est soumise à des pesanteurs inavouables, mieux des pressions de toutes parts. D’un côté, la MP qui espère en un calendrier qui consacre le glissement au-delà de 2016, puis le G7 qui pousse pour la publication immédiate du calendrier gardé dans les tiroirs et l’envoyé spécial du président Obama qui l’invite à s’exécuter. Bien que disposant d’un calendrier réaménagé, la centrale électorale traîne les pieds. Face à la MP, la Ceni se veut respectueuse de la Constitution. Au G7 de même qu’à l’envoyé spécial du président Obama, elle s’est montrée cachotière. Jusqu’où tiendra-t-elle le coup quand on sait qu’une certaine opinion l’accuse de jouer le jeu de la Majorité au pouvoir ?
La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) joue sa dernière carte, celle de sa crédibilité en qualité d’instance chargée d’organiser les élections en République démocratique du Congo. La démission prévisible de son président pour cause de maladie plonge les observateurs dans l’incertitude quant à la suite des événements. L’abbé Apollinaire Malumalu a réussi à tenir des élections jugées « satisfaisantes » par des partenaires et observateurs neutres. Tout le contraire des scrutins organisés par le pasteur Daniel Ngoyi Mulunda. A travers la planète, la respectabilité de l’abbé-président démissionnaire fait l’unanimité dans les questions électorales. Il est bradé de titres honorifiques pour l’excellent travail qu’il avait abattu lors de son passage à la tête de l’ex-Commission électorale indépendante (CEI).
Selon la Ceni, l’abbé-président travaillait en vidéoconférence avec ses collaborateurs. Avec eux, ils ont élaboré un calendrier qui orne les armoires de la centrale électorale. Un calendrier qui a le mérite de tenir compte des délais prescrits dans la Constitution pour l’organisation de la présidentielle, par exemple. La Ceni est ainsi restée légaliste, respectueuse des lois de la République. Plutôt que de pousser cette logique jusqu’au bout, il s’avère que la Ceni fait le jeu des politiques.
Dans ses investigations, Le Potentiel était tombé sur une copie de ce calendrier réaménagé. Celui-ci reprend trois scénarios, à savoir : l’organisation des provinciales au mois de juillet 2016 suivies des législatives et de la présidentielle en novembre 2016 ; la présidentielle en juillet 2016, les législatives provinciales et nationales au mois de novembre 2016 ; et le dernier scénario renvoie les trois scrutins au mois de novembre 2016 ainsi que l’avait proposé en son temps le président du Sénat, Léon Kengo.
La grave accusation portée contre le gouvernement est restée sans réponse jusqu’à ce jour. Et pourtant, le calendrier réaménagé devrait servir de boussole à tous ceux qui sont intéressés par l’organisation des élections en République démocratique du Congo.
La logistique, un handicap majeur
Le fait pour la centrale électorale d’avoir pensé à un calendrier aménagé démontre qu’elle a été réceptive aux revendications des uns et des autres concernant l’adaptation de sa feuille de route à l’évolution du contexte. Ce qui constitue tant soit peu une fenêtre à travers laquelle il est possible de voir se tenir des scrutins apaisés, transparents et crédibles en RDC. D’autant que les dates retenues respectent les délais constitutionnels.
Toutefois, la logistique reste le handicap majeur de la Ceni. Raison pour laquelle elle plaide pour l’acquisition de nouveaux moyens logistiques pour organiser les élections dans les meilleures conditions. Dans son rapport 2014-2015, elle fait mention de la défectuosité des plusieurs engins à sa disposition. Le nombre actuel d’automobiles, motos, groupes électrogènes dont elle dispose ne peut pas supporter le poids des opérations électorales.
Le rapport 2014-2015 de la Ceni laisse entrevoir qu’elle n’est pas prête matériellement à organiser les élections en RDC dans les meilleures conditions. Sur 626 véhicules que compte cette institution d’appui à la démocratie, 28 seulement sont en très bon état, rapporte radio Okapi. Elle demande le remplacement d’au moins 392 véhicules actuellement hors usage. Son rapport indique que tout au long de ces deux cycles électoraux, elle avait acquis à travers différents projets 2 580 motos. Des engins roulants adaptés aux sites à accès difficile. Mais dans ce lot, 3% seulement sont encore opérationnels, soit 86 motos disponibles, poursuit la radio onusienne.
Par ailleurs, le rapport de la Ceni indique que 39% des 6 011 générateurs électriques sont déjà déclassés. Or ce matériel est important particulièrement dans l’arrière-pays où la desserte en électricité est insuffisante ou inexistante, indique la même source.
Une autre difficulté évoquée dans ce rapport est d’ordre immobilier. Sur l’ensemble des bâtiments occupés par la Ceni, 62% appartiennent aux privés et sont pris en location. Le reste étant constitué de bâtiments publics. Mais ces derniers sont très délabrés et nécessitent des travaux de réhabilitation.
Mise sous pressions diverses, la Ceni doit s’assumer
Tel que décrit ci-dessus, le tableau de la logistique de la Ceni n’est pas reluisant. Mais en même temps, il permet de mesurer l’ampleur du défi à relever quant à la tenue effective d’élections générales. Surtout quand on sait que le gouvernement a dernièrement déclaré haut et fort qu’il n’était pas en mesure de répondre aux contraintes financières soulevées par la Ceni. Une fuite en avant, selon le G7 qui était au fait de tout ce qui se tramait au sein de la majorité au pouvoir (MP) avant de quitter la barque.
Directs, les ex-frondeurs de la MP ont imputé, sans ambages, aux autorités de Kinshasa la responsabilité du retard constaté. Tout récemment, ils ont demandé « avec insistance » au gouvernement de cesser d’obliger la Ceni à se cabrer, autrement dit, « à ne pas publier le nouveau calendrier électoral aménagé ».
Sachant ce qui se mijotait dans les institutions, les ex-frondeurs ont tenté de faire pression sur la Ceni pour qu’elle rende public sans tarder le calendrier réaménagé. Exigence à laquelle les responsables de la centrale électorale ont réservé une fin de non-recevoir. De marbre, la celle-ci l’est restée également face une demande instante de l’envoyé spécial de l’administration américaine, Thomas Perriello. Celui-ci, qui vient de boucler une tournée en RDC, a, à son tour, fait pression sur la Ceni pour qu’elle cesse de tergiverser et mette à la disposition de l’opinion publique et des acteurs concernés le calendrier réaménagé.
Indépendante, selon l’esprit et la lettre du législateur, la Ceni devra en dernier ressort s’assumer. Toutefois, son indépendance est limitée par sa dépendance vis-à-vis d’autres institutions, spécialement en ce qui concerne son fonctionnement sur le plan financier et matériel.